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Emilio Caruso : « Je suis un ouvrier de l'Europe »

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Un C.V européen d'excellence : après 35 ans passés au secrétariat de la Commission, le fonctionnaire, porte-parole dès 1972, est la mémoire vivante des Institutions européennes. Rencontre avec un monstre bureaucratique au grand coeur.

Costume bleu à rayures, démarche impeccable, élégant, accueillant et gentil : Emilio Caruso, 64 ans, nous reçoit dans son bureau. Sur les murs, des photos de bals avec, notamment, Margot Wallström, des amis, des présidents comme Prodi ou Barroso et des collègues journalistes. Puis, Emilio, à sept ans, en Sicile. « Je suis un ouvrier de l'Europe comme tous les fonctionnaires. Nous arpentons les Institutions car nous le voulons ! » C'est ainsi que commence le récit d’Emilio Caruso, amoureux inconditionnel de l'Europe, ad vitam eternam, depuis le temps où, petit garçon, il a quitté sa Sicile d’origine avec sa famille pour rejoindre Bruxelles où il vit aujourd'hui.

Les archives ambulantes de l'UE

« Appelle-moi donc Emilio ! », me dit-il d'entrée. Véritable mémoire historique et humaine de la Commission européenne, Emilio Caruso a, en quarante-quatre ans de carrière, connu tous les Présidents et les Commissaires qui se sont succédés aux postes-clé de l'UE. Référent privilégié des journalistes et des lobbyistes, il est connu de tous ceux qui travaillent au sein des Institutions pour sa totale dévotion à la cause européenne et son sérieux à suivre les projets et les ordres du jour.

Autant dire qu'Emilio est un travailleur infatigable : « Le samedi, j'aime préparer mon travail pour la semaine suivante ». Reconnu par tous, dans la rue et dans les couloirs, Emilio Caruso conserve le souvenir de Jacques Delors : « Il me disait tout le temps qu'il était autodidacte », se rappelle-t-il. Et celui du président belge Jean Rey : « Il était très petit, fils d'un pasteur protestant belge de Lièges, d'une grande humanité. J'avais à peu près 23 ans, et je le rencontrais tous les matins, parce qu'il habitait en face du parc du Cinquantenaire à Bruxelles où je travaillais. Il m'encourageait, en me disant que pour nous les jeunes, l'Europe était importante. » Et bien d'autres rencontres encore, comme celles avec Aldo Moro et Giulio Andreotti. « Du sénateur Andreotti, je me souviens un enthousiasme incroyable. En vue de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, en 1985, il nous a contraint à travailler 48 heures de suite. Moments épiques, d'une grande cohésion et d’une grande solidarité. »

Humanité et simplicité

« En 1972, dans un Palais Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, presque neuf, nous avions trente journalistes accrédités venant du monde entier, sept porte-paroles des différents Commissaires, avec une personne qui travaillait pour deux pays », décrit le fonctionnaire. « Et toutes les propositions passaient par moi avant d'être transférées au Parlement. Je passais tous les ordres du jour au crible, mais je recevais et je lisais quotidiennement quatre cent documents venant de la Commission, autant du Parlement et encore autant de la Cour de Justice, du Comité Économique et Social… »

Mais les choses ont bien changé en 35 ans de présence à la Commission : « Aujourd'hui, il y a 1274 journalistes. J'ai dû beaucoup affiner ma mémoire ! L'anglais, c'est le patron. Avant, on parlait français. Même quand on a la possibilité de parler sa propre langue on lui préfère l'anglais. Que veux-tu… » Cette carrière, au coeur de l'Europe, certains jeunes en rêvent. Comment suivre les traces d'un personnage comme Emilio ? « Naturellement, il faut passer des concours. Et ils sont encore difficiles, comme de mon temps, me répond le spécialiste. J'ai cependant remarqué que les jeunes s’investissaient moins dans cette carrière. Avant ils y mettaient leur âme, leur enthousiasme. Aujourd'hui je les trouve un peu plus éteints, plus posés. Ils se consacrent moins aux efforts que demandent ce métier », poursuit Emilio. Toutefois, le fonctionnaire en chef ne manque pas l'occasion de s'entretenir avec les jeunes et les stagiaires qui se succèdent continuellement à la Commission. Et c'est à eux qu'il aime confier, béat, les grandes leçons d'histoire et les petites anecdotes qui ont fait l'Europe.

Translated from Emilio Caruso: «Sono un operaio dell'Europa»