Élections européennes : Une minute pour convaincre
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Jeudi 15 mai, le Parlement européen accueillait dans une ambiance de plateau télé le troisième débat entre les candidats à la présidence de la Commission européenne. Ska Keller (Vert), Verhofstadt (libéraux), Juncker (centre-droit) Schulz (socialiste) et Tsipras (extrême gauche) confrontaient leurs idées sur le plateau de l’hémicycle prévu pour l’occasion.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, L'Europe tente de personnaliser les élections du Parlement européen. En effet, depuis le traité de Lisbonne, le Conseil (réunion des chefs d’État) peut choisir le président de la Commission en fonction des résultats des élections. Ce qui permet de mettre un visage et une personnalité sur les tendances politiques du Parlement.
Chaque candidat disposait d’une minute pour répondre aux questions posées par la journaliste d’Euronews. Les 90 minutes de débat ont brassé des thèmes comme le chômage des jeunes, la crise, l’union bancaire, l’immigration, le lobbyisme, la corruption, la finance, l’évasion fiscale, la crise ukrainienne, la religion et les droits fondamentaux… On notera que certaines questions prépondérantes n’ont pas été abordées : la question du budget de l’Union européenne par exemple et la question de la continuité de la stratégie EU2020 stratégie de la Commission pour la décennie 2010/2020.
Chacun son style
Jean-Claude Junker ou « l’Europe sage » est le candidat de la rigueur. Avec lui, il faut « poursuivre la politique d’assainissement », « continuer les économies ». Il incarne le « sérieux » et les décisions « sages » prises avec les mêmes recettes utilisées jusqu’à présent.
Martin Schulz ou « l’autre Europe », est le candidat « à l’aise ». Président du Parlement européen depuis 2011, présent à tous les Conseils européens, il se tient dans les institutions européennes comme un poisson dans l’eau. Avec lui c’est une « autre Europe », tournée vers les peuples, incluant les citoyens dans les processus de décisions qu'il veut proposer. C’est l’Europe sociale, de la croissance pour tous et de la justice sociale. Peut-être un peu trop beau pour être vrai. Surtout que tout cela doit se faire en faisant des économies et en maintenant les comptes budgétaires selon la rigueur imposée par les traités.
Guy Verhofstadt ou le one man show. En pleine forme, lui aussi comme un poisson dans l’eau, le député européen, chef du groupe des libéraux se permet même de faire quelques blagues pendant ses minutes de réponses. Pour lui, toute question a une réponse européenne plaidant pour une Europe plus intégrée en suivant quand même (et surtout) une « discipline budgétaire ».
Aléxis Tsipras ou « le changement de cap ». Candidat représentant le groupe GUE/NGL, a beaucoup insisté sur les politiques d’austérité dévastatrices de l’UE et le répète à quasiment chacune de ses réponses. Il prône un tout autre modèle économique : celui de la relance et de l’investissement. Pas un mot néanmoins sur le TTIP (accord transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne)
Ska Keller ou « l’Europe de demain » basée sur les énergies vertes, la croissance durable, la participation citoyenne. Dommage qu’il n’y ait pas eu un mot de sa part sur la stratégie EU 2020 qui, entre autres, prévoyait la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990, l’utilisation d'énergie provenant de sources renouvelables à hauteur de 20 % et l’augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique. Néanmoins, c’est la seule qui mentionne le traité transatlantique et notamment le manque de transparence des négociations.
Grandes déclarations, peu de solutions
En une minute, pas le temps d’aller dans le fond des questions. Grandes déclarations mais peu de solutions ou de politiques concrètes à présenter. On a plutôt l’impression de confirmer ce que l’on connait déjà. On retiendra une modération superficielle ne permettant pas un vrai débat d’idées. D’ailleurs seule Ska Keller utilisera tous ses jokers ou « droits de réponse » pour réagir aux discours de ses concurrents.
Toutes les trente minutes, un journaliste était chargé du point réseaux sociaux. Il s’agissait non pas de récolter des réactions d’internautes via Twitter ou autre mais de compter le nombre de tweets mentionnant le débat (#TellEurope) de la soirée, la langue la plus utilisée ou les mots qui reviennent le plus souvent. Dommage qu’il n’y ait pas eu la possibilité de s’exprimer, cela aurait pu rendre le débat plus interactif.
Juste avant la conclusion la journaliste leur demande « et si finalement le Conseil (les États) ne choisit aucun de vous mais décide de désigner quelqu’un d’autre à la présidence de la Commission ? » Parce que oui, comme l'a rappelé le président du Conseil européen Herman Van Rompuy dimanche, il ne faut pas oublier que la désignation reste uniquement entre les mains des chefs d’États et de gouvernements. Sur cette question tous sont unanimes « le prochain président de la Commission européenne est dans cette pièce ». En effet, si pour la première fois dans l’histoire de l’UE, l'Europe organise un débat entre candidats potentiels, essaye de personnaliser les élections et que finalement le Conseil choisit quelqu’un d’autre, cela décevra les Européens qui y croyaient encore. Même les plus dévots.