Élections européennes : est-il déjà trop tard ?
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À trois mois des élections européennes, gouvernement et Commission espèrent encore mobiliser les Français. Leur objectif : enrayer la montée du Front national. Un combat déjà perdu ?
À première vue, on aurait pu croire qu'il s'agissait d'un show télévisé : une grande salle plongée dans le noir, une scène centrale avec une animateur, et 300 spectateurs assis autour, prêts à applaudir. Et pourtant, ce qui se déroulait jeudi soir à la Plaine Saint-Denis était bien plus sérieux : il s'agissait du 46ème dialogue citoyen organisée par la Commission européenne, avec le ministre délégué aux Affaires européennes Thierry Repentin et le commissaire européen Michel Barnier.
UN 21 AVRIL EUROPÉEN ?
Dès la conférence de presse, avant le débat, les deux personnalités ont rappelé l'enjeux : éviter que le Front national ne sorte grand gagnant des élections européennes du 25 mai prochain. « Il n'y a pas de fatalité, rien n'est encore joué », assure Thierry Repentin. Le ministre évoque cependant la possibilité d'un « 25 mai qui serait à l'Europe ce que le 21 avril fut à la France ». « Le peuple est intelligent, plus que certains hommes politiques ne veulent le croire », glisse quant à lui le commissaire Michel Barnier, sans oser nommer le FN.
Le parti d'extrême-droite est pourtant bien parti, pour les européennes. Il devrait y faire, selon les sondages, entre 20 et 24%. « Les partis de centre-droit ou de centre-gauche resteront majoritaires, mais le FN progressera très fortement », juge Virginie Timmerman, chargée de projet citoyenneté et démocratie à Notre Europe - Institut Jacques Delors. Les eurodéputés FN sont pour l'instant trois : Bruno Gollnisch, Marine Le Pen, et son père Jean-Marie Le Pen. Selon Virginie Timmerman, ils pourraient être deux ou trois fois plus nombreux à l'issue du scrutin.
Des arguments bien maîtrisés
Dans les circonscriptions, les eurodéputés adaptent leur discours à cette menace. L'UMP Philippe Boulland se représente, dans la circonscription Nord-Ouest, face à Marine Le Pen. « Quand je parle aux électeurs, j'insiste beaucoup sur les conséquences négatives d'une sortie de l'euro, explique-t-il. En termes d'emploi ou de pouvoir d'achat, cela aurait des conséquences négatives ».
Sandrine Bélier, elle, est tête de liste dans l'Est. Cette eurodéputée écologiste affrontera donc Florian Philippot, vice-président du FN. « Il n'a jamais été député européen, détaille-t-elle. Je peux donc expliquer que je suis plus au fait du fonctionnement du Parlement, et que j'ai déjà un bilan ».
Au parti d'extrême-droite, en revanche, l'ambiance est plutôt à la fête : « nos idées, autrefois méprisées, sont de plus en plus populaires, se réjouit Bruno Gollnisch. On devrait avoir une quinzaine de députés ! » Son parti espère pouvoir constituer un groupe parlementaire, avec des députés extrêmistes d'autres pays.
Comme axe de campagne, il met en avant la renégociation des traités : « on veut que le peuple français récupère son pouvoir », explique-t-il. Cela implique, entre autres, une sortie de l'euro et une fermeture des frontières. Conscient du faut que beaucoup d'Etats européens s'opposeraient à cette politique, le FN insiste aussi sur les alliances possibles avec d'autres pays. « La Russie, par exemple... », insiste Bruno Gollnisch.
Seule ombre au tableau, l'eurodéputé FN a peur... de l'abstention ! Il reconnaît : « si les eurosceptiques choisissent de protester en s'abstenant plutot qu'en votant pour nous, on ne progressera pas beaucoup ».