Élections en Roumanie : la foire d’empoigne
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Clémence MalaretLes socio-démocrates du Premier ministre Victor Ponta partent clairement favoris pour les élections parlementaires du 9 décembre. Ils craignent toutefois que le Président Traian Basescu décide d’entraver la formation du gouvernement.
Le camp libéral de Basescu et les socio-démocrates de Ponta se livrent depuis des années un combat sans merci, dont le principal sujet est la politique d’austérité menée dans le pays.
Un brouillard gris surplombe les rues de la capitale roumaine. Après une longue journée de travail, les banlieusards passent des heures dans les embouteillages avant de pouvoir rentrer chez eux. « Pour survire à Bucarest, il faut avoir deux jobs, ou au moins faire beaucoup d’heures supplémentaires. Car la vie ici coûte tout aussi cher qu’à l’ouest », nous explique en riant le journaliste et blogueur Costi Rogozanu.
Nombreux sont les Roumains qui partagent son point de vue, l’amusement en moins. Dans la foulée de la crise financière, il y a trois ans, le pays a plongé dans une récession profonde. Depuis, pour la plupart des Roumains, ça ne va pas fort. Étant donné les fortes attentes associées à l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, la déception est grande. Le Premier ministre et le Président se livrent un combat de catch dans la boue
Les élections parlementaires ont lieu le 9 décembre. Le camp de centre-gauche du Premier ministre est donné gagnant. D’après les récents sondages d’opinion, son Union sociale-libérale (USL) l’emporterait avec plus de 50 % des voix. En revanche, il n’est pas sûr que le Président, Traian Basescu, lui confie de nouveau la tête du gouvernement. Le Premier ministre et le président se livrent depuis des mois une bataille sans merci, qui va bien au-delà des élections.
La pomme de discorde, ce sont les mesures d’austérité drastiques mises en œuvre par Basescu en 2010 et 2011, à l’époque où il disposait encore d’une majorité parlementaire. La crise financière avait alors fait exploser la bulle immobilière et la bulle du crédit à la consommation. De nombreux roumains se sont retrouvés dans l’impossibilité de rembourser leurs crédits logement ou leurs nouveaux meubles. Les partenaires économiques d’Europe de l’ouest ont cessé d’un coup de commander des produits et des matières premières. Les recettes fiscales ont dégringolé, et la faillite d’État menaçait. Mais les banques concernées, dont les filiales continuent aujourd’hui à dominer le marché, ont refusé de prêter de l’argent. Boc et Basescu se sont donc résignés à contracter un emprunt d’urgence auprès du FMI, d’un montant de 20 milliards d’euros.
Le crédit était assorti de conditions strictes, qui ont servi de prétexte au président et à son parti, le parti démocrate libéral (PDL), pour réduire drastiquement les prestations sociales. L’ensemble des traitements et salaires du secteur public ont été réduits d’un quart. Les Roumains ont assisté à la suppression d’importantes aides sociales, à la fermeture d’hôpitaux et d’écoles, et au licenciement de dizaines de milliers d’employés et de fonctionnaires. Tout ceci a provoqué de nombreuses grèves et de fortes protestations, mi-janvier, sur la place de l’Université, en plein centre ville de Bucarest. Pendant des semaines, des milliers de personnes ont manifesté, malgré le froid glacial, contre la politique d’austérité.L’austérité a fini par faire chuter le gouvernement libéral. Ses propres députés lui ont retiré leur soutien fin avril, par un vote de défiance. Depuis, ce sont les socio-démocrates de l’USL, menés par Ponta, qui gouvernent. Basescu a toutefois conservé son mandat de président.
On a retenu la leçon ?
La cohabitation s’avère difficile, pour ne pas dire impossible. Cet été, l’USL de Ponta a tenté de destituer Basescu. Le référendum de destitution a échoué en raison d’un taux de participation insuffisant. Seuls 46 % des votants s’étaient rendus aux urnes. Pourtant, une majorité écrasante de près de 90 % des participants s’était prononcée en faveur du départ du Président. Mais Basescu est resté. Bruxelles, et surtout Berlin, continuent à saluer son combat contre la corruption, et soutiennent celui qu’ils considèrent comme le garant de la politique d’austérité. Ils ont réitéré leur soutien au cours du dernier congrès du parti populaire européen (PPE), qui s’est tenu à Bucarest. En même temps, ils reprochent au camp de gauche de malmener l’État de droit.
Peu avant le référendum, la majorité parlementaire avait tenté d’accélérer la procédure de destitution, dans une opération coup de poing, pour se débarrasser au plus vite de ses opposants politiques. Mais sous la pression de l’UE, le chef du gouvernement avait renoncé à cette stratégie. « Je retiens la leçon », a-t-il admis au cours d’un entretien avec des journalistes étrangers.
D’un autre côté, Victor Ponta n’est pas le seul à passer outre la Constitution. Malgré la très probable victoire du camp de gauche, le Président Basescu pourrait lui barrer la route. En 2005 et 2009, Basescu a déjà ignoré les majorités parlementaires, certes fragiles, mais bien là, en nommant un Premier ministre issu de son propre camp. A travers des négociations et deals individuels, pour le moins opaques, avec certains députés, il s’était à chaque fois forgé sa propre majorité gouvernementale.
Aujourd’hui encore, le même scénario est vraisemblable. Basescu a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de nommer Ponta chef du gouvernement, même si l’USL remporte les élections. L’objectif, pour les libéraux de gauche, ce n’est donc rien de moins qu’un raz-de-marée électoral.
Par notre correspondant n-ost, Silviu Mihai
Photos (cc)cosmic pilgrim/flickr; Texte ©n-ost
Translated from Wahlkampf: Rumäniens Zukunft per Schlammschlacht