Elections en Bosnie-Herzégovine : l'appartenance ethnique a gagné
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Charlotte MonnierLes résultats officiels des élections seront connus seulement le 4 novembre, mais sans surprise, la présidence tripartite reviendra au Serbe Nebojsa Radmanovic, au Bosniaque Haris Silajdzic et au Croate Zeljko Komsic. Petite promenade dans Sarajevo, où l'ethnocratie semble avoir triomphé.
La presse de Bosnie-Herzégovine annonce depuis quelques jours une réduction des troupes de la Mission de Police de l'Union européenne (MPUE), dont le nombre d'hommes est passé de 7 200 l'an dernier à 1 140. C'est peut-être pour cette raison que, lorsque l'on se promène dans la capitale, il est rare de croiser un uniforme. Les unités restantes se transformeront ensuite en Police européenne pour contrôler, en collaboration avec les agents locaux, les nouvelles formes de criminalité, ici, où l'on ne trouve ni argent ni investissements, et où le nombre de banques dépasse celui des mosquées. Des récits d'enquêtes et d'arrestations, principalement liées à la corruption, commencent à émerger.
Un vote d'appartenance
Les visages des hommes politiques trônent dans la rue dédiée au maréchal Tito. Sur les affiches de propagande, les poses des candidats rappellent celles des acteurs de séries télé : ils sont photographiés de trois quarts sur un fond coloré et un slogan figure en bas de l'affiche. Quatre-vingts partis, représentant de petites minorités ethniques, se sont présentés aux élections communales du 5 octobre dernier, marquées par un malheureux score de 55 % de participation, et des électeurs qui, en majorité, ne proviennent pas de Sarajevo. « La campagne électorale s'est concentrée excessivement sur des thèmes d'importance nationale et trop peu sur ceux qui concernaient l'administration des municipalités. Ceux qui ont voté ont surtout cherché à montrer leur appartenance », raconte Jasmina, une jeune étudiante en lettres, qui se dépêche d'aller en cours. « Je n'ai pas voté », conclut-elle.
« Il n'en faut pas beaucoup pour se rappeler qu'une guerre a eu lieu : il suffit de trébucher sur l'un des trous laissé par les obus »
Les résultats définitifs des élections seront seulement rendus publics le 4 novembre, comme le stipule la loi. Pour l'instant, le SNDS (Parti des sociaux-démocrates indépendants) remporte 32 villes, le SDA (Parti d'action démocratique) en remporte 28. Le SDP (Parti social-démocrate), est bien mal en point. Dans la rue cossue Ferhadija, au centre de Sarajevo, se pressent les élèves qui sortent des lycées et les carriéristes aux heures de pointe. Il n'en faut pas beaucoup pour rappeler aux touristes qu'une guerre a eu lieu : il suffit de trébucher sur l'un des trous laissé par les obus, de baisser les yeux, de demander pourquoi ils ont été recouverts de chaux rouge et d'attendre que quelqu'un t'explique toutes les combines auxquelles ont recouru les Bosniaques pour préserver le souvenir. Cette scène se déroule alors que je marche lentement, et que mes pas sont interrompus par les passants qui s'arrêtent devant les vitrines des magasins des marques internationales. Attablé dans l'un des nombreux bars chics, Sjnan, linguiste d'origine slave, lit la page politique d'un quotidien : « Les musulmans du SDA et les sociaux-démocrates du SNDS ont gagné. Sans surprise. Et moi, pour qui ai-je voté ? Pour le Parti social-démocrate », dit-il en sirotant un café turc.
90 % de l’opinion publique veut entrer dans l'Union européenne
Le café et la préférence pour les Musulmans exprimée dans les urnes devancent de quelques mètres le quartier turc, au bout de la rue Ferhadija. Les filles y achètent des vêtements, des bijoux en or et des pashminas sur les étals du petit marché qui se dresse autour de la mosquée de Gazi-Husrev-Beg. On laisse entrer tout le monde dans ce lieu de culte, même les femmes sans voile, mais il faut retirer ses chaussures. « Nous nous sommes convertis après la guerre parce que les moudjahidines ont été les premiers, sinon les seuls, à nous aider à lutter contre les Serbes. Cependant, notre foi n'est pas intégriste ou terroriste. C'est le contraire : on est très tolérants, en Bosnie », déclare Haris qui a donné sa voix au SDA. « Tu as remarqué les étoiles de l'Union européenne sur les tracts ? », demande Marko, italo-bosniaque. « Ici, tous les partis sont nationalistes et, en même temps, tous pro-européens », déclare-t-il après avoir aperçu une pièce d'un euro par terre. Partis où les nationalismes s'expriment d'une manière différente selon que l'on est Bosniaque, Serbe ou Croate, mais des partis qui sont tous pro-européens.
Alessandro Fallavolita, ambassadeur italien en Bosnie-Herzégovine, parle des rapports entre le pays où il est en poste et l'Union européenne : « La Bosnie veut entrer dans l'Union. Elle y travaille, et 90 % de l'opinion publique le réclame. Cependant, la situation politique est complexe : le nombre de ministres (180) et de parlements (3) est trop important, même si la République est fédérale. Il faut alléger la bureaucratie et éliminer l'ethnocratie, entre les Bosniaques qui défendent leur indépendance, les Serbes qui souhaitent l'union, et les Croates qui cherchent à être mieux représentés. »
On est lundi, lendemain du 6 octobre, jour des élections. Il y a quelques heures, CNN a annoncé les « difficultés financières » d'Unicredit. Devant une filiale de cette banque italienne, au centre de Sarajevo, les drapeaux du Parti social démocrate et d'Unicredit sont entrelacés. On peut, à grand-peine, les distinguer l'un de l'autre, tant ils sont composés du même rouge sur fond blanc et de sigles de couleur noire : est-ce un vandale qui, ayant eu vent de la double déconfiture du parti et de la banque, en est l'auteur, ou s'agit-il simplement de l'œuvre du vent, qui a anticipé ces faits et a démontré bien plus de bon sens et d'intuition critique que les habitants de Sarajevo ?
Translated from Elezioni in Bosnia-Erezegovina: ha vinto l’appartenenza etnica