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EGALITE DE SENS

Published on

Bruxelles

L'avo­cat gé­né­ral de la Cour de jus­tice de l'Union eu­ro­péenne, Me Paolo Mengozzi, vient de par­ta­ger ses conclu­sions sur l'af­faire qui op­pose Geof­frey Le­sage au mi­nis­tère des af­faires so­ciales et de la santé et à l’Eta­blis­se­ment fran­çais du sang (EFS). Re­tour en plein coeur du débat.

Pour les moins avertis d’entre nous et comme le rappelle le site europa.eu, la Cour de justice de l’Union européenne, dont le siège est à Luxembourg, est l’institution devant laquelle se saisissent les citoyens européens qui estiment que leur droit a été bafoué. Plus que ça, la Cour peut être saisie en cas de différends entre gouvernements et les institutions de l’Union elles-mêmes. En toute impartialité, la Cour veille à une application uniforme du droit européen pour l’ensemble des Etats membres et l’interprète en ce sens.

Le verdict rendu ce midi par la quatrième chambre de la Cour concerne une interdiction française vieille de plus de trente ans ; celle, en l’occurrence, d’empêcher les homosexuels et bisexuels de sexe masculin de participer aux dons de sang. Malgré les tentatives répétées d’associations de défense des droits des homosexuels pour la révision de cette norme, la circulaire signée en juin 1983 – qui apparentait les homosexuels à une population à risque – reste encore courante aujourd’hui.

Plus encore, l’interdiction a été rappelée à travers un arrêté ministériel en janvier 2009 qui lui-même se basait sur une directive européenne de mars 2004. Cette dernière, sans jamais stigmatiser les homosexuels en les nommant de la sorte, établit comme critère d’exclusion au don de sang, entre autres, un comportement sexuel qui exposerait les sujets au risque de « contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang ». Une interprétation française, selon Act Up Paris, qui continue de donner raison aux raccourcis vite faits (« homosexuels – sida ») tout en faisant perdurer l’amalgame entre « groupes à risque » et « pratiques à risque ».

D’après le Huffington Post, si nombreuses étaient les personnalités françaises à avoir promis une révision des critères d’admission aux dons de sang (Roselyne Bachelot en 2007, François Hollande, Nora Borra en 2011, Marisol Tourraine en 2012), toutes se sont depuis soit rétractées, soit soumises au vœu de silence. Pourtant, les réfractaires à la législation actuelle ne semblent pourtant pas plaider pour une acceptation systématique des homosexuels au don de sang ; juste que l’orientation sexuelle ne les classe pas automatiquement dans la catégorie de ceux définitivement exclus du don.

Au Royaume-Uni par exemple, l’exclusion n’est pas définitive. Le pays a en effet établi en septembre 2011 la condition d’abstinence d’une année pour rendre le don des homosexuels possible. L’Espagne a raccourci ce délai à 6 mois et l’Italie à 4 mois. Le Canada, par exemple, a jugé qu’il leur fallait attendre 5 ans avant de pouvoir s’y exercer. En France, le don des hétérosexuels est soumis à la condition de quatre mois d’attente alors que celui des homosexuels est définitif sans qu’aucun laps de temps ne puisse en changer.

Sauf que… le Tribunal administratif de Strasbourg a saisi la Cour de justice pour statuer sur la plainte introduite par Geoffrey Léger, un jeune homosexuel refusé au don de sang au nom de son orientation sexuelle et de la « non-garantie de la sécurité transfusionnelle ». L’affaire qui l’oppose au ministère des affaires sociales et de la santé et à l’Etablissement français du sang (EFS) vient d’être traitée à la CJUE pour statuer sur la compatibilité de la législation française avec la directive de l’Union.

Les conclusions tout juste publiées de l’avocat général de la Cour, Paolo Mengozzi, ne retiennent pas « le seul fait pour un homme d’avoir eu ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme » un critère suffisant pour l’exclure de manière permanente au don de sang. Aussi, l’avocat général constate une formulation française « trop large et trop générique » par rapport à la celle censée exprimer la volonté du législateur européen. Néanmoins, il est par ailleurs précisé que des mesures de protection plus sévères que celles édictées par la directive peuvent être adoptées par les Etats membres, en respect toutefois du droit primaire et des droits et libertés fondamentaux. En ce sens, une « évidente discrimination indirecte fondée, de manière combinée sur le sexe […] et sur l’orientation sexuelle […] » de la part de la réglementation française est établie malgré l’objectif légitime poursuivit par les autorités qui vise la réduction maximale des risques de contamination.