EADS : rêve européen contre cauchemar nationaliste ?
Published on
Difficultés de l'Airbus A380, scandale de délit d'initié, retards dans la livraison du nouveau porteur militaire l'A400M : la coopération industrielle franco-allemande semble avoir du plomb dans l'aile. Et pourtant...
Chacun se souvient des images fortes de 1999 à Strasbourg, lorsque les leaders politiques français et allemands ont créé EADS, le premier groupe aéronautique qui donnait un cadre juridique unique à Airbus et permettait d’intégrer tous les métiers d’excellence de l’aviation, y compris l’espace et le domaine militaire. C’était une réponse à la fusion entre Boeing et McDonnell Douglas intervenue en 1996 pour essayer de retrouver une position dominante face au succès grandissant d’Airbus.
Le grand public a encore en mémoire de belles images de l’été 2005, le jour du premier vol de l’Airbus A380, le plus grand avion de l’Histoire, en présence de nombreuses personnalités politiques et de milliers d’admirateurs anonymes venus de l’Europe entière à Toulouse à cette occasion.
Constructeur du plus grand avion, l'A380, et de la plus grosse fusée (Ariane 5), EADS construit aussi les hélicoptères les plus vendus au monde (Eurocopter) et a créé, avec son porteur commercial l'A320, les conditions pour le développement des compagnies low-cost.
L'obsession de l'intérêt national
Et pourtant, les ambitions personnelles et les susceptibilités nationales menacent ce beau succès. Les rivalités personnelles au niveau des Etats-majors des entreprises ont toujours existé. Hélas, Noël Forgeard, l'ancien patron de EADS, n’est pas le seul patron de l’histoire qui a essayé d’abuser de sa position pour s’enrichir en s'assurant un 'Golden Parachute ' -une indemnisation de départ plutôt juteuse- de plus de 8 millions d'euros. Simplement, chez EADS, tout devient une affaire d’Etat. Le limogeage de Noël Forgead est compliqué, parce qu’il était un proche de Jacques Chirac.
La mise en place du plan de restructuration « power 8 » (qui prévoit le licenciement de 10.000 travailleurs chez Airbus) est une conséquence des retards de production de l’A380, mais aussi une préparation de la production de la nouvelle génération d’avions à base de matériaux composites qui commencera avec l’A350. Immédiatement, les politiques des deux côtés du Rhin s’inquiètent sur l´avenir de leurs sites respectifs. Heureusement, les syndicats ont une culture d’entreprise et pas seulement nationale et évitent la foire d’empoigne.
Tout change et tout reste pareil
A peine le front « power 8 » calmé, resurgit la question de la gouvernance franco-allemande.
La rencontre franco-allemande le 16 juillet à Toulouse tranche : La direction bicéphale est supprimée et l’homme le plus crédible pour diriger les affaires d’EADS, Louis Gallois, ancien PDG de la SNCF, a été confirmé comme président exécutif.
Les articles de presse en Allemagne et en France se ressemblent : la nouvelle structure donne un avantage aux français peut-on lire en Allemagne, elle donne l’avantage aux Allemands, disent les Français (pourtant 3 des 6 filiales sont dirigées par des Allemands et le président du Conseil d’administration est allemand). C’est le signe d’un compromis bien équilibré.
Mais beaucoup reste à faire, les ajustements sur les postes intermédiaires demandent encore beaucoup de doigté et d’esprit d’équipe au-delà des comptes d’apothicaires nationalistes qui servent souvent des ambitions personnelles. La réflexion commune sur un nouveau pacte d’actionnaires et sur la nécessité de protéger cette entreprise stratégique d’éventuelles OPA hostiles de fonds d’Etat asiatiques vient à peine de commencer.
Le fond des problèmes chez EADS est le même que dans les tractations bruxelloises : le manque de culture européenne et de connaissances mutuelles de la plupart des responsables économiques et politiques, des hauts fonctionnaires et des journalistes. Les visionnaires du début partent à la retraite et la génération « Erasmus » n’est pas encore aux commandes.