Don Quichotte
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Les 15 et 16 mars derniers, La Comédie de Clermont-Ferrand nous présentait une création de et avec Dominique Boivin, Don Quichotte, dans laquelle il se propose de « danser », seul, ce célèbre personnage de Cervantès.
À l'aide de quelques objets anecdotiques, d'un projecteur et de musique, le chorégraphe et danseur nous invite à découvrir sous un angle très étrange ce personnage fabulateur, drôle, et brave.
Hélas, le voyage s'avère relativement ennuyeux et peu expressif, par trop semblable à ces farces contemporaines qui sont le fait d'un temps où l'artiste, si tant est qu'il en soit un, semble tellement épuisé créativement parlant qu'il se sent obligé de noyer ses trouvailles dans des fioritures conceptuelles et autres effets abstraits.
On aime trop souvent, lorsqu'on on est affublé de l'étiquette d'artiste, pondre des « perles » d'abstraction ou de complexité, des deliriums sensés exprimer son sentiment personnel ou point de vue tellement intime que les spectateurs lambda, n'y entendant rien bien sûr, se sentent touchés par la grâce universelle et crient au génie.
Notre Don Quichotte semble plus être un grand manifeste de psychédélisme qu'un spectacle de danse. Il ennuie plus qu'il ne fait rêver, irrite plus qu'il ne fascine. La fioriture est un art, sans doute difficilement compatible avec celui qu'est la danse. À quoi bon ces images sorties de partout et nulle part, qui viennent ponctuer la pantomime du danseur ? Pourquoi l'absurde paraît-il être le seul langage des prétendus artistes de notre temps ?
Et l'on brandit, durant ce spectacle bien peu spectaculaire, Léo Ferré et son texte de 1971, Poètes, vos papiers !, et de bien belles musiques parfois ! Mais le mélange entre la danse, perdue entre burlesque et pathétique (certes à l'instar du héros de Cervantès), les images, véritable foire visuelle – avec tout ce qu'une foire peut avoir de négatif – et la musique, souvent criarde et abrutissante, quelquefois épique et grandiloquente, est bien peu harmonieux, mais peu importe.
Il est difficile de ne pas admettre la performance de Boivin, bien brave comme son héros, mais fort peu héroïque, car rien de grand n'a été accompli, rien n'a été vraiment créé ; car création signifie puissance, chose dont est plutôt dépourvue cette « œuvre ». Le ridicule, qui plane souvent ici n'accède jamais à la drôlerie, ni le pathétique à l'émotion. Ne restent que les déambulations d'un courageux danseur, égaré comme bien d'autres dans le labyrinthe de l' « art contemporain ».
« L'art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches »,
dit Ferré dans le même texte qui intervient dans le spectacle. Le chorégraphe semble avoir bien mal appris les leçons de son maître ! Mais les flèches tirées dans cette eau terne qu'est l'art contemporain ratent rarement leur cible...