« Don d’organes, donneur ou pas, je sais pour eux, ils savent pour moi. »
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Tel est le slogan de la campagne de l’Agence française de biomédecine. Or le sujet est encore pour certains tabou puisqu’il touche la mort. La mort du donneur, certes, mais la greffe peut signifier la vie pour plusieurs personnes – cœur, poumons, foie, reins. Chacun d’entre nous peut un jour être concerné directement par cette question du prélèvement ou de l’attente de greffe.
Le Puy de Babel est allé à la rencontre du président d’Adot 63.
Didier Fleury, président départemental d’Adot, l’Association pour le don d'organes et de tissus humains, explique volontiers que lors de sondages faits dans la rue, entre 80 et 90 % des personnes interrogées se déclarent en faveur du don d’organes. Mais, confronté à la perte d’un proche la question devient bien plus épineuse : accepter ou refuser le prélèvement ? Qu’aurait-il (elle) voulu ? Dans la douleur, 29,3 % des familles ont refusé en 2008. Parallèlement, la même année, 222 malades sont décédés faute de greffe.
Si la plupart des « grandes » religions monothéistes sont d’accord sur l’intérêt de la greffe, cette dernière pâtit parfois d’un manque d’information. Qui n’a jamais entendu d’histoires glauques concernant des conditions douteuses de prélèvement sur des gens « pas tout à fait morts », ou sans l’accord des familles ? Le prélèvement d’organes en vue d’une greffe ne peut se faire que dans des conditions bien précises d’asepsie – il s’agit d’une véritable opération chirurgicale – et sur un donneur en mort encéphalique. C’est une mauvaise compréhension de cet état de mort encéphalique qui a donné le jour à bon nombre de ces légendes urbaines. Le cœur bat, le corps est chaud, mais le cerveau est mort ; ce sont les machines qui donnent cette apparence de vie. Ce qui rend sans doute encore plus difficile l’acceptation de la situation par les proches.
Pour ce qui est de l’accord pour le prélèvement, la situation est un peu plus complexe : entre législation et respect des libertés individuelles. En France, la loi considère que tout le monde est donneur – c’est le consentement présumé –, et afin de respecter la volonté de chacun, il existe la possibilité de s’inscrire sur le registre national des refus. Ce fichier est systématiquement consulté lorsque survient un décès dans les conditions permettant le don d’organes. Mais il n’existe pas à ce jour un registre équivalent pour dire clairement « oui, j’accepte le don d’organes ». Les associations demandent le maintien du consentement présumé et la reconnaissance des registres des refus et des accords. Mais sur ce dernier point, le législateur français semble traîner des pieds.
Il est néanmoins possible d’obtenir une carte de donneur d’organes pour signifier son accord, mais elle n’a pas de valeur légale, c’est au mieux une indication. Il appartient alors aux proches de décider de la conduite à tenir. Sous le choc, difficile de se positionner si la question n’a jamais été abordée ouvertement. Et, dans le doute, de nombreuses familles s’opposent au prélèvement. En attendant la reconnaissance des deux fichiers, le plus simple est d’en parler autour de soi, faire connaître sa position pour que les autres n’aient pas à se poser une question aussi douloureuse le cas échéant.
S’il existe des accords entre plusieurs pays d’Europe – Espagne, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie notamment – pour « l’échange » d’organes ou de moelle osseuse présentant des spécificités de compatibilité – âge, groupe sanguin, compatibilité tissulaire…. –, chaque pays possède une législation qui lui est propre. L’Espagne fait figure de précurseur avec un fort taux de greffe et une pratique bien admise par la population. Les structures sont plus importantes qu’en France et font d’énormes efforts de communication. L’Église s’est fortement impliquée dans cette cause du don d’organes pour la vie. Tandis que les pays scandinaves se positionnent exactement à l’inverse de la France : il existe un registre du « oui » puisque d’office on est considéré comme opposé au don. Et ils ferment donc la marche avec un taux de transplantation beaucoup plus faible.
Par ailleurs il ne faut pas oublier que certains dons peuvent se faire de son vivant. À de rares exceptions près il ne s’agit pas d’organe – un des deux reins pour un proche. Par des actes simples il est possible d’aider à sauver des vies en donnant du sang, des plaquettes, du plasma ou de la moelle osseuse. Les besoins sont de plus en plus importants et contrairement à ce qui est annoncé une à deux fois par an dans les journaux TV, les dons de sang ne sont pas rendus caducs par le sang conçu en laboratoire.
En terminant de lire ces quelques lignes, demandez-vous : donneur ou pas, ils savent pour moi ?