DJ Boris Viande: «Le Breton qui mixe du gypsy punk»
Published on
« Boris Viande, acquiesce Romain, 26 ans. C’est mon autre, version trash. » Trompettiste, comme l’écrivain Boris Vian, le jeune Français mixe depuis quatre ans. Et revendique, qu’avant de se passionner pour la musique de l’Est, il vient du mouvement punk.
« Hier encore, on me conseillait de changer de nom ! Mais ce pseudo, c’est contre la grosse tête. » Veste verte à l’écusson de la « polizei » allemande, Romain commande un café allongé et commence par raconter le début du début : un passage berlinois. A l’occasion d’un stage dans la capitale allemande, il devient adepte du groupe Russendisko et rentre en France avec les bagages remplis de « skeuds ». « Pour déconner », il passe un peu de son lors de soirées entre potes. Très vite, son public lui suggère de saisir le filon. Il commence dans l’Ouest de la France, puis monte sur Paris pour ses études.
Musicalement, Romain se définit comme « un peu autiste ». L’ancien étudiant ingénieur en génie civil, puis en carrières internationales à Sciences Po, planche davantage dans son studio qu’il ne part à la recherche de sons extérieurs. Pourtant, après avoir lâché son travail en décembre 2008 pour se consacrer entièrement à la musique, il est parti en train et bateau traverser l’Italie, la Grèce et la Turquie. Un périple à la rencontre de musiciens. « J’ai cherché des contacts sur myspace. Le type de plan où tu envoies 100 mails pour trois réponses. Mais elles en valent la peine. » Matrimonia en Sicile, Nesheli Milis en Turquie… et des groupes de musique traditionnelle. « Voyager pour visiter, ça m’énerve vite. Ces rencontres m’ont permis de partager du son. » Une bière, un bœuf, des conseils pour remixer des morceaux… Les musicos se comprennent vite. A Istanbul, dans cette ville turque « très européenne », Romain rencontre des adeptes du dub qui connaissent mieux les festivals français que lui.
Mine d’or balkanique
Sur la route, dans les marchés, les ports, le trompettiste se balade avec un dictaphone et enregistre des ambiances ou les groupes de musiciens croisés dans la rue. « Pas nécessairement pour les utiliser tels quels car le son n’est pas très bon. J’analyse leur construction et les utilisent dans des compos. » Pendant ces trois mois, il a découvert des sons inconnus dans l’hexagone. Surtout en Turquie. « Un pays qui n’exporte pas beaucoup sa musique et où l’autoproduction se développe très peu. » En dehors de tonalités collectées, il repart avec quelques pistes de concerts, notamment dans un festival en Hollande. Toujours partant.
Cet été, il est passé par l’incontournable case Guca (en Serbie), le festival balkanique par excellence. Une référence en la matière. « Cela fait 50 ans qu’il existe. Une vraie mine d’or car chaque musicien arrive les valises remplies de galettes. » Tout ce tintouin et cet attrait pour la musique de l’Est, il l’explique sans hésitation par l’entrée des dix pays en 2004 dans l’Union européenne. « L’absence de visa facilite l’accès à ces pays. Maintenant, tu as des potes serbes, roumains ou estoniens. »
Berlin oisif
Vers l’Est, Romain passe régulièrement par Berlin. « Cette ville a une culture russophile inexistante en France. » Retourner vivre là-bas ? Impensable pour le jeune DJ. « Il y a ce côté très oisif dans lequel je me laisserai entraîner. Je préfère l’aspect démerde de Paris qui oblige à se bouger. » Ses lieux phares : Bellevilloise ou Alimentation générale. Mais la soirée qu’il affectionne particulièrement, c’est celle du mardi soir à la Dame de Canton, dans un bateau en bois sur les bords de la Seine. « Contrairement aux autres salles, le public n’est pas conquis d’avance. Et puis comme je mixe en semaine, le gens ne veulent pas rester longtemps. Il suffit d’une chanson qui ne leur plaise pas pour qu’ils partent. Il y a un véritable challenge ! » Alors quant à minuit, les jupes tournent et les pieds sautillent, Romain jubile.
En dehors du punk-électro de l’Est, le Breton a fondé son label, Vladprod. « Un boulot rempli de paperasse mais j’aime ça. » Et continue de jouer avec Vladivostok, le groupe initial avec ses copains nantais. Ensemble, ils tournent en Ukraine, en Allemagne et peut être bientôt aux Pays-Bas. D’amitiés en amitiés. Finalement, avec « quatre, cinq plans par semaine », Romain s’en sort bien. Prochaine étape du voyage dans un train Paris-Toulouse. Il mixe au wagon bar, pour faire vibrer les sons de l’Est toujours plus à l’Ouest.
Boris Viande sera à la Dame de Canton (Paris - 13e) le 5 janvier 2010 à 21h.