Discussions sur l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne
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Au cours des trois derniers siècles, la Pologne a peu a peu glissé d’un empire étendu à celui d’une nation écrasée, jusqu’à la disparition complète de ses frontières au cours de certaines périodes. La Pologne a joué le rôle de zone de contact entre Orient et Occident et a subi d’incessantes traversées par des nations voisines agressives (Russie, Prusse, Autriche).
L’adhésion à l’Union Européenne marque un grand tournant dans l’histoire du pays, et en particulier dans l’histoire de son agriculture…
La Pologne, géant agricole
Les agriculteurs représentaient plus de 18 % de la population en Pologne la première année de l'entrée dans l'UE. L’activité agricole est très importante dans ce nouveau pays entrant, et comme la majorité des exploitations sont familiales, la « question paysanne » soulève de nombreuses interrogations lors de son adhésion à l’Union européenne. Le pays détient à lui seul 10 % de l’ensemble des terres arables de l’Europe des 27 et parmi les 10 nouveaux Etats membres de 2004, il est au premier rang en matière d’agriculture. L’activité agricole de la Pologne se démarque de celle de ses confrères européens par la petite taille de ses exploitations, leur morcellement, la faible spécialisation et l’utilisation limitée de la chimie agricole. De manière générale, elle est caractérisée par des circuits courts entre les producteurs et les consommateurs.
L’agriculture intensive et productive domine au Nord et à l’Ouest, une agriculture plus extensive et naturelle est présente au Sud et à l’Est. L'élevage constitue les deux tiers de la production agricole, l'autre tiers étant représenté par les cultures. La Pologne est un grand producteur de céréales et notamment de blé et de seigle (troisième producteur mondial les meilleures années), de pommes de terre (également troisième producteur mondial les meilleures années), de betterave à sucre et de fourrage. L'horticulture produit une gamme variée de fruits et légumes frais et transformés tels que les fraises, le jus de pomme, les choux, les carottes et les groseilles. Le secteur de l'élevage est dominé par les porcs et la production laitière, et dans une moindre mesure par la volaille et le mouton.
La PAC prend-t-elle en compte les particularités de l’agriculture polonaise ?
Cela ne fait que 5 ans que la Pologne fait partie de l’Union européenne et cette adhésion est un événement marquant non seulement parce qu’elle s’est faite en même temps que celle de 9 autres pays, mais aussi parce que la Pologne n’était pas entièrement remise de ses derniers conflits. La Pologne est donc à ce moment-là en cours de reconstruction et l’entrée dans l’Union européenne est très ambitieuse quand on sait que l’on y trouve les PIB par habitant les plus faibles de l'UE (par exemple dans la région de Lubelskie).
En raison des « lacunes » agricoles de la Pologne, le projet consiste, pendant la période de préadhésion, à calquer la trajectoire agricole de pays tels que l’Allemagne ou la France sur la Pologne : les aides publiques sont orientées vers les structures compétitives de grande taille et la main d’œuvre est orientée vers les secteurs secondaire et tertiaire de l’économie. Cependant, la capacité d’investissement des exploitations est très limitée et le report de la main d’œuvre n’est pas envisageable car le chômage est en nette et constante progression. Par ailleurs, les moyens financiers mobilisables par l’Union européenne pour l’adhésion des nouveaux entrants, quoique conséquents, sont trop limités. Pourtant, le projet modernisateur de la Pologne reste centré sur ses objectifs initiaux au lieu de prendre en compte la particularité des exploitations polonaises contemporaines.
Certaines caractéristiques du monde rural polonais n’ont pas pu être ignorés par l’UE. Par exemple, pour compléter le revenu des agriculteurs et des ruraux, il a fallu développer les activités rurales locales et mettre en avant l’intérêt agro-environnemental des exploitations polonaises (fort taux d’emploi agricole, faible usage d’intrants chimiques et de combustibles fossiles, biodiversité élevée…). L’Union européenne a finalement opté pour un système à double vitesse visant en priorité l’augmentation de la rentabilité économique des productions agricoles, sans oublier le développement d’une agriculture essentiellement vivrière dotée de fonctions à la fois économiques, sociales et agro-environnementales.
Comment ces objectifs sont appliqués sur le terrain ? L’objectif prioritaire poussant les agriculteurs à être plus compétitifs se réalise-t-il au détriment d’une population rurale qui n’a pas les moyens de suivre ? Les politiques agricoles, au niveau national et au niveau européen, répondent-elles aux attentes de la majorité des agriculteurs polonais ?
L’agriculture polonaise trouve-t-elle sa place dans l’UE ?
Avant 2004, les paysans en Pologne constituaient une des couches les plus pauvres dans ce pays ex-communiste et leur peur de l'UE était attisée par des populistes. Ces derniers exploitaient le fait que les paiements directs prévus aux fermiers des nouveaux pays étaient bien inférieurs aux sommes perçues par ceux des anciens membres, soulignant de ce fait une injustice.
Ces craintes ne se sont pas dissipées lors de la période de préadhésion. En effet, la route est longue pour que le pays rattrape l’acquis communautaire européen. Cet acquis concerne notamment la santé publique et la protection des consommateurs, et porte sur la mise en place de contrôles vétérinaires et phytosanitaires. Les mesures d’adaptation nécessaires de la Pologne par rapport à l’Union européenne ont été d’abord mal perçues par la population polonaise. Les produits nationaux étaient présumés peu sains en raison des modes de production moins technicisés qu’à l’Ouest. En effet, en raison des contraintes sanitaires désormais imposées aux producteurs et aux industries de transformation d’aval, le marché européen se trouvait momentanément fermé à nombre de produits polonais, alors que, dans le même temps, les produits agricoles occidentaux très subventionnés déferlaient en Pologne. Par ailleurs, les coûts de mise aux normes ne se trouvaient que partiellement couverts par les aides européennes, dont le dispositif imposait d’abord l’avance des fonds nécessaires par les intéressés avant un remboursement à terme. Les agriculteurs ne se sentaient alors pas assez soutenus par l’UE.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Par nos enquêtes nous essayons de voir s'il y a eu une évolution depuis 2004. Nous tenterons de voir si les agriculteurs sont satisfaits de leur entrée dans l’UE. Nous essayerons d'observer également s'il existe un dialogue entre les organisations politiques agricoles européennes et polonaises avec les agriculteurs.