Dieux du stade
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Prune AntoineLe football est rarement vu comme le petit frère de la littérature classique. Et pourtant : son univers regorge de divinités sacrées, de batailles sanglantes et de héros brisés. Il suffit, pour s'en convaincre, de se remémorer la dernière finale de Coupe du Monde, quand le dieu vivant Zinedine Zidane a mis un coup de tête au défenseur italien Marco Materazzi, interrompant brutalement une carrière à son apogée. Le scénario semble gothique, voire même kafkaïen. Dans la 'Métamorphose' imaginée par l'écrivain tchèque, c'est un homme qui se transforme en scarabée : alors pourquoi pas un milieu de terrain français en taureau dans l'arène ?
Lorsqu'ils se référent à cet événement, les Français préfèrent évoquer un dilemme cornélien. Au 18ème siècle, le poète et homme de théâtre Pierre Corneille était en quelque sorte le spécialiste du conflit tragique. Dans sa pièce 'Le Cid', le jeune héros Rodrigue qui se bat en duel avec le comte Gormas tue sans le savoir le père de sa bien aimée Chimène, avant de lui demander sa main. Zidane lui était déchiré entre deux possibilités : obtenir le titre de champion du monde ou défendre l'honneur de sa famille.Après tout, son machiavélique opposant Materazzi avait clairement exprimé ses vues sur sa soeur.
L'Espagne et l'Italie, deux autres légendaires patries du football, recourrent à leurs propres auteurs pour décrire les cruelles querelles découlant de l'univers du ballon rond. Les Espagnols ont 'Don Quichotte' et son vaillant combat contre des moulins à vent. Leur tentative de remporter la Coupe du Monde a ainsi pu être comparée à une quête perdue d'avance. De leur côté, les Italiens devraient-ils cesser de considérer le chapelet de pêchés commis par leur « liga » comme un prélude aux cercles de l'enfer esquissés dans la 'Divine Comédie' ? Une seule certitude : leur ascension glissante vers le succès ne peut qu'être qualifiée de 'dantesque'.
Translated from Götter und Helden