DiEM25, ou Comment Yanis Varoufakis veut sauver l'Europe
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Catherine CombesYanis Varoufakis, ex-ministre grec des finances et célèbre iconoclaste, s'est trouvé un nouveau projet.
Depuis son départ du gouvernement grec à la fin de l'année passée, Yanis Varoufakis a travaillé à un livre sur les origines de la crise de l'euro, "Et les faibles subissent ce qu'ils doivent?", qui vient d'être publié en avril.
Il a également fondé le Mouvement pour la Démocratie en Europe (DiEM25), une initiative paneuropéenne et non partisane, dont l'objectif - devinez un peu - est de rendre l'Europe plus démocratique, en particulier les institutions européennes. Depuis son lancement officiel à Rome le 23 mars 2016 , le philosophe américain Noam Chomsky, le réalisateur britannique Ken Loach et le célèbre lanceur d'alerte et fondateur de Wikileaks Julian Assange se sont ralliés au DiEM25.
Varoufakis, au cours de son mandat de ministre des finances grec, s'est fait remarquer pour son attitude belligérante envers la Troïka; il est même allé jusqu'à se décrire comme un "marxiste irrégulier", alors que ce seul mot suffit à en faire fuir beaucoup. Il a également osé défendre des valeurs socialistes traditionnelles et suggérer un autre mode d'interprétation de l'ordre économique dans lequel nous vivons.
C'est pour cette raison que nous devrions nous intéresser de près au DiEM25. Ce projet questionne le manque de légitimité démocratique des institutions européennes, s'attaque aux failles de l'union monétaire et à l'absence d'alternatives offertes à un modèle socio-économique qui s'est avéré être non seulement défaillant, mais aussi néfaste pour ses propres sujets. Varoufakis a exposé la relation entre les plans de sauvetage des pays de la zone euro et la montée de partis populistes d'extrême droite comme Aube Dorée, et il a décidé d'intervenir.
Qu'est-ce que DiEM25, au juste?
En bref, DiEM25 souhaite offrir des alternatives à la crise existentielle dans laquelle l'Europe se trouve enferrée depuis la crise financière de 2008 - d'où le titre du blog de Varoufakis: "Pensées pour le monde de l'après 2008".
Le manifeste de DiEM25 présente son objectif en ces termes:
- lutter contre l'establishment européen qui bafoue les bases de la démocratie;
- mettre fin à la politique vue comme un jeu de pouvoir qui se présente comme une simple série de décisions techniques.
- assujettir la bureaucratie européenne à la volonté des peuples européens
- mettre un terme à la suprématie des grandes sociétés sur les citoyens
- remettre le marché commun et la monnaie unique au centre du débat politique
DiEM25 se décrit comme un mouvement non-partisan et, de ce fait, tolérant de toutes les sensibilités de ceux qui se rallient à son manifeste. Mais il est aisé de dire qu'on n'est pas associé à un parti politique, et le mouvement va devoir définir ce qu'il entend par "démocratie": pour quelles valeurs DiEM25 va-t-il lutter, exactement? S'agit-il seulement d'une plateforme pour promouvoir les idées de Varoufakis? Va-t-il devenir un véritable "mouvement populaire" défini par ses membres et ses partisans? Quel est l'objectif de ce projet? De devenir un parti politique et de s'intégrer aux institutions afin d'y faire advenir le changement?
Premiers accrocs
Deux universitaires ont déjà fait ces reproches au DiEM25 dans une lettre ouverte à laquelle Varoufakis s'est empressé de répondre. Les universitaires ont également pointé du doigt les questions auxquelles DiEM25 devra répondre:
- L'identité de DiEM25 n'est pas encore clairement définie: est-il construit par des particuliers, des groupes déjà organisés, ou bien est-ce juste une création de Yanis Varoufakis?
- Contre quel ennemi luttent-ils? Les institutions de l'Union Européenne? Les élites de la finance? Les bureaucrates bruxellois?
- Varoufakis a-t-il négligé la dimension nationale et régionale de la prise de décision en choisissant de ne considérer que l'échelle européenne?
- Comment DiEM25 va-t-il démocratiser sa propre structure interne?
Une plateforme pour des débats à gauche
Nombre de ces questions trouveront sûrement une réponse une fois que DiEM25 aura évolué et mieux défini ses discussions internes, mais il reste encore à voir si DiEM25 saura démocratiser son organisation et parviendra à trouver un consensus sur la notion de "démocratie" qu'il veut promouvoir - en un mot, si ses membres sauront se mettre d'accord sur la manière dont ils veulent démocratiser l'Europe.
DiEM25 n'en reste pas moins une plateforme pour des débats qui sauront peut-être déclencher une conversation plus large au sein des gauches européennes, en ces temps où "pragmatisme, transparence et bonne gouvernance" prennent de plus en plus le dessus sur la véritable "politique". Ce dont l'Europe a besoin aujourd'hui, ce sont des débats, des visions, et, pour citer la politologue belge Chantal Mouffe, un "populisme de gauche" pour barrer la route aux extrêmes droites, et c'est précisément ce que DiEM25 cherche à faire.
Translated from DiEM25 – How Varoufakis wants to save Europe