Des « zones sans relou » contre le harcèlement de rue
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Elles en avaient marre de se faire siffler ou de recevoir des compliments non voulus dans la rue. Alors, elles ont pris les choses en main et ont créé Stop harcèlement de rue, un collectif qui rassemble filles et garçons dans la lutte contre les « relous ». Leur but ? Créer des « zones sans relou » dans les bars, les festivals mais aussi et surtout dans la rue. Interview à quatre voix.
Après une première action pour la Journée de la femme le 8 mars et une autre le 4 avril rue Jean-Pierre Timbaud (11e arrondissement de Paris), le collectif Stop harcèlement de rue s’est réuni jeudi 10 avril pour réfléchir à de nouvelles actions. Avec une vingtaine de personnes présentes à ce jour, l’assemblée a décidé d’adopter « zone sans relou » comme nom de campagne. Héloïse, Delphine, Cécile et Stéphanie donnent leurs objectifs et leur vision de la rue sans harcèlement.
cafébabel : Comment vous réagissez face aux « relous » qui vous harcèlent ?
Cécile : Ça dépend. Parfois, je fais de la pédagogie en expliquant au mec que ce n’est pas de cette manière qu’il arrivera à séduire une fille. La dernière fois je n’ai pas su quoi répondre. J’étais avec mon bébé et il m’a demandé s’il avait un père. Même enceinte de 8 mois je me faisais aborder, ils n’ont aucune limite !
Héloïse : C’est juste parce que t’es une fille ! On a toutes nos mécanismes de réaction personnels mais je ne sais pas ce qui marche le mieux !
Stéphanie : Moi, je suis toujours dans l’agressivité. Avant j’ignorais les commentaires, mais je ne mets plus de jupes depuis deux ans.
Delphine : Je joue au bon copain. Quand il me demande si j’ai passé une bonne soirée je lui demande comment était la sienne. J’ai abandonné les « mercis » et autres mots gentils ceci dit, je suis totalement dans la désexualisation.
cafébabel : D’où est partie cette idée de collectif ?
Héloïse : Danièle et moi discutions du fait qu’on ne se retrouvait pas dans le mouvement féministe. On voulait faire quelque chose de concret qui s’adresserait à une population très large et qui serait en dehors des sempiternels débats sur le féminisme. On était parties sur une application pour mobiles, puis on s’est lancées sur Facebook et Twitter le 23 février. Plusieurs personnes nous ont rejoints, et on a pu coller nos premières affiches dans Paris le 8 mars. On pouvait lire dessus « je ne suis pas ta jolie », « ma jupe ne veut pas dire oui », ou « me siffler n’est pas un compliment ». Puis il y a eu la tribune dans Libération le 2 avril et une nouvelle action le 4 avril. On est allées dans des bars de la rue Jean Pierre Timbaud et on leur a demandé s’ils acceptaient d’afficher nos posters. 8 ont accepté, puis 12 autres à Bastille.
cafébabel : Quel est votre objectif ?
Delphine : On veut faire comprendre qu’un compliment non désiré, c’est déjà du harcèlement.
Héloïse : Et que siffler n’est pas un compliment ! On veut que le discours de dénonciation qui se répand sur internet, comme sur le blog Paye ta shnek, descende dans la rue. Le but, c’est que les clientes ne soient plus ennuyées dans les bars et qu’elles puissent le dire le cas échéant. Ces lieux doivent servir de vitrines pour montrer qu’une « zone sans relous », c’est possible !
Cécile : Même si on a des attributs féminins, on n’est pas des objets sexuels disponibles. Il y a une notion de bienveillance qui est absente quand le mec te lance un compliment dans la rue ou qu’il te drague avec insistance comme si tu étais un bout de viande !
Stéphanie : On voudrait bien éradiquer totalement le harcèlement de rue, mais c’est tellement répandu qu’on voudrait déjà le réduire. Le réel objectif serait que les hommes et les femmes réagissent quand ils seront confrontés à ce type de harcèlement.
cafébabel : Quelles sont vos prochaines actions ?
Delphine : On voudrait que les bars s’engagent vraiment. Pour l’instant, ils affichent simplement leur sympathie. Mais la prochaine étape, c’est de mettre à disposition du matériel et des affiches pour sensibiliser les patrons et leurs équipes. On réfléchit également à des « zones sans relous » dans les festivals ou dans les transports, des lieux où le harcèlement est fréquent.
cafébabel : Pourquoi avoir d’abord visé les bars ?
Cécile : C’étaient les interlocuteurs les plus faciles à approcher, qui offraient une bonne visibilité puisque l’agresseur ou l’agressé sortent souvent dans ces lieux.
Delphine : C’est aussi une passerelle vers la rue, un endroit à se réapproprier. Beaucoup de femmes ne sortent pas seules parce qu’elles ont intégré que c’était dangereux pour elles.
cafébabel : Comment les femmes réagissent quand vous leur parlez du collectif ?
Delphine : A notre réunion, beaucoup ont dit qu’elles avaient pris conscience de l’ampleur du phénomène après être parties à l’étranger ou en province.
Cécile : Beaucoup disent aussi qu’elles sont comme aliénées par ce type de comportement et qu’elles ont changé leur façon de s’habiller à cause des remarques qu’on leur faisait.
Stéphanie : Certaines nous ont remercié d’ouvrir le dialogue sur le sujet parce qu’elles ne savaient pas quoi faire.
Cécile : Elles sont en général hyper réceptives ! On a toutes rencontré un relou au moins une fois !