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Des vies sur la route

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Story by

Cafébabel

Translation by:

Peureau Christophe

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Depuis 2018, date à laquelle la route des Balkans – ou The balkan route – a été déviée vers la frontière entre la Bosnie et la Croatie, la plupart des migrants vivent dans des camps nommés " jungles".Ce sont des camps de fortune situés dans des bâtiments abandonnés, souvent loin des centres habités . La plupart des migrants sont des hommes, presque tous âgés entre 20 et 30 ans. Cependant, on entend peu parler des femmes. Qu’en est-il des enfants ? Un reportage de Q Code Magazine en Bosnie.

L’image des réfugiés fuyant sur la route des Balkans se traduit souvent de la façon suivante. Une masse d’hommes en mouvement, comparable à des meutes de loups solitaires qui se rassemblent pour atteindre l’objectif final : remporter la partie , c’est-à-dire rejoindre la frontière.

Dans les villages et les villes du canton d’Una Sana,situés en Bosnie-Herzégovine, à quelques kilomètres de la frontière avec la Croatie, les hommes sont les sujets les plus visibles. Depuis 2018, la plupart d’entre eux vivent dans des "jungles", qui sont des camps improvisés situés dans des bâtiments abandonnés, souvent loin des centres habités.

D’autres vivent dans le camp militaire de Lipa, sur un plateau à une trentaine de kilomètres de la ville de Bihac, où l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, va bientôt rouvrir un centre d’accueil temporaire. Ils restent en Bosnie à cause des refoulements de la police croate qui les ont battus, volés et finalement reconduit, souvent sans chaussures, sans téléphone et sans veste.

Les refoulements de la police croate sont presque toujours violents et abusifs. Souvent, la police saisit des téléphones, des chaussures et des sacs à dos. Elle frappe certains migrants et les enferme sans eau ni nourriture, même pendant des jours, et les expulse vers la Bosnie à jeun et sans vêtements. Mais il n’y a pas que les hommes qui essaient de "remporter la partie" et subissent des rejets.

Assia
Boina, Bosnie -petite fille dans un camp près de la frontière © Alessandra Fuccillo

Les femmes de la route des Balkans existent, elles sont nombreuses et épuisées

Les migrantes existent bel et bien sur la route des Balkans. Ces femmes sont nombreuses et extenuées .Elles prennent souvent du retard pour des causes culturels ou liées à leurs états de santé .D’autres fois, elle perdent du temps parce qu’elles s’occupent des enfants. Jusqu’à il y a quelques mois, les témoignages des réfugiés rejetés s’accordaient sur un fait : les rares femmes, qui essaient de remporter "la partie", n’étaient pas soumises à la fureur de la police. Aujourd’hui, nous savons avec certitude que ce n’est plus vrai: les femmes que nous avons rencontrées ont été volées, battues, humiliées et insultées à plusieurs reprises par des policiers croates et vivent souvent dans des situations de proximité forcée avec d’autres groupes ethniques qui aggravent la situation.

Jusqu’à l’année dernière, beaucoup d’entre elles vivaient dans les camps de Borici et Sedra de l’OIM, réservés aux familles et aux mineurs non accompagnés. En juin 2021, Sedra a fermé ses portes et de nombreuses familles ont quitté les villes et vivent maintenant dans des bâtiments abandonnés et des maisons délabrées dans les localités de Šturlić et Bojna, où nous avons rencontré des dizaines de migrantes , presque toutes afghanes.

Assia
Bojna, Bosnie - Camps © Alessandra Fuccillo

« Quand je peux, j’essaie de prendre soin de moi. Si je ne le fais pas, je donne raison à la police, qui nous traite comme des animaux. »

Kala est une jeune Afghane de 18 ans. Elle sort du camp, accompagnée de quelques personnes de son âge pour nous accueillir . Elle a de longs ongles vernis et limés de couleur rose vif , des cils noirs maquillés et des sourcils soignés. La pauvreté du camp contraste avec son style et sa volonté d'être considérée comme une personne digne saute aux yeux.

« Ils nous traitent comme des animaux » est la phrase que nous entendons le plus souvent, de la part de tous les réfugiés qui ont essayé de franchir la frontière à plusieurs reprises. Quelqu’un dit aussi qu’il peut accepter d’être rejeté et volé, mais au moins il demande à ne pas être humilié et privé de vêtements dans le froid des Balkans.

Kala est arrivée en Bosnie avec son frère aîné, sa sœur cadette et leur mère, âgée de cinquante ans, bien que le temps l'ai marqué plus profondément. Depuis 5 mois, la jeune fille vit avec 3 autres familles dans les décombres d’une maison abandonnée dans le village de Bojina. . Elle nous raconte que lorsque les policiers croates l’ont attrapée lors de sa dernière tentative, ils n’ont pas manqué l’occasion de faire des commentaires sur ses ongles, lui disant qu’elle s’était fait pousser des griffes dans l'intention de s’échapper comme une sorcière.

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Bojna, Bosnie - camp récemment quitté par des groupes qui essaient le jeu même avec des enfants © Alessandra Fuccillo

Elle nous raconte que la police a pris ses médicaments, bien qu'elle souffre de maux de dos chroniques, aggravés par des mois passés à dormir par terre, dans les bois ou sur des sols humides et durs. Sans analgésiques ni anti-inflammatoires, elle aura du mal à retenter sa chance pour rejoindre la frontière et lutte de la même manière pour survivre longtemps dans des camps humides et sales, avec l’automne bosniaque juste au coin de la rue.

Pendant leurs "tentatives", le corps des femmes subissent toutes sortes de violences. Samìa, également afghane, nous raconte qu’elle vient d’être rejetée et dépouillée de ses médicaments : « J’ai tenté ma chance des dizaines de fois, toujours en groupe et toujours de nuit mais cette fois ce sont les chiens qui nous ont trouvés et les ont laissés me mordre les mains, le dos et les jambes. Nous étions environ dix et avec nous il y avait aussi une petite fille. C’était terrible, je n’avais jamais été attaqué par un chien. J’ai des morsures et des blessures sur tout le corps. Lorsque la police s’est également approchée, j’ai été tiré et frappé à la cuisse et au cou avec le teaser. J’avais aussi le spray oral contre l’asthme dans mon sac à dos. J’ai essayé de demander à le récupérer et pour toute réponse il m’ont asséné un coup de poing. Ils ont ramassé toutes nos affaires et les ont brûlées devant nous. La police croate est très violente, sans pitié, et est en manque d'effectifs . » _”.

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Bojna, Bosnie - Une mère et une fille afghanes adolescentes préparent un repas © Alessandra Fuccillo

Depuis quelque temps, il y a le signalement d’une policière croate qui continue d’impressionner par sa férocité et qui s'en prend aux migrantes .Pourvues de cheveux noirs courts et d'une grande corpulence ,cette description renvoi souvent au nom de Leila dans les histoires de migrants. Souvent, c’est elle qui utilise le teaser et prive les femmes de leurs effets personnels.

Les femmes et les hommes partent parfois pendant trois jours sans eau ni nourriture

À Korenica, en Croatie, il y a une caserne de police pourvus de fenêtres sombres: vous êtes emmené dans des camions par des policiers en civil ou en uniforme, et vous entrez directement à l’arrière, où il y a une sorte d’entrepôt désigné de plus en plus souvent sous le terme « garage ».

Ceux qui ont été à cet endroit décrivent une pièce vide, avec des carreaux blancs et un sol froid où vous êtes entassés ensemble, hommes et femmes, parfois laissés pendant trois jours sans eau ni nourriture.

Quand nous sommes arrivés à Korenica, nous nous sommes assis dans un bar juste en face de la caserne, sans but précis. Peut-être juste pour regarder de nos propres yeux comment la cause de tant de violence pourrait ressembler à une scène aussi banale que celle d’une tâche qui débute. Lorsque nous observons les va-et-vient devant la caserne, il est inévitable de se focaliser sur la police: qui parmi ces policiers serait Leila? Le plus grand avec des cheveux aplatis et un corbeau teint en noir, le plus bas avec des cheveux très courts? Celui qui patrouille dans les toilettes chimiques en laissant entrer un migrant à la fois juste à l’extérieur du « garage » ?

Soudain, Leila sont toutes ces femmes, que vous ne pouvez plus distinguer: tout ce que nous pouvons imaginer des histoires ne mène qu’à l’image encore plus absurde d’une femme qui en bat une autre, sans défense, étrangère, effrayée à mort, perdue aux portes de l’Europe, en quête d’asile.

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Bojna, Bosnia - adolescent qui a grandi pendant le voyage sur la route des Balkans © Alessandra Fuccillo

Cet article est publié dans le cadre d’un partenariat éditorial avec QCodeMag. L’article, réédité par la rédaction de Cafébabel, est édité par Benedetta Zocchi, avec des photos d’Alessandra Fuccillo. La version complète a été initialement publiée sur QCodeMag.

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Translated from Vite sulla Rotta