Des expats aux premières loges
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meighan lauraMalgré la pénurie de légumes et d'électricité, de jeunes Suédois, Néerlandais et Français, militaires ou diplomates, accomplissent leur mission dans ce coin retiré d'Europe fraîchement indépendant.
Alors que plusieurs Pays membres de l'UE ont reconnu l'indépendance unilatérale du Kosovo le 17 février dernier, certains doivent encore le faire et d'autres n’y comptent vraiment pas. Malgré cette incertitude politique, beaucoup de jeunes Européens sont déjà partis dans la toute nouvelle nation, sous la bannière de l'OTAN, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou de la nouvelle mission européenne en charge de la sécurité dans la province rebelle.
Martin, 25 ans, Suède
Des vieilles femmes passent devant son poste de garde en traînant les pieds. Elles vont rendre hommage à leurs maris morts durant la guerre de 1999. Martin, 25 ans est Suédois. Il monte la garde devant une église orthodoxe située dans l'enclave serbe de Gracanica ou, comme disent les Albanais du Kosovo, Gracanice. Pour rester politiquement correct et pour simplifier les choses, les soldats appartenant à la KFOR, une armée multinationale mise en œuvre par l'OTAN au Kosovo, ont surnommé les rues avec des noms d'animaux. Prends la « Rue Chien », puis à gauche « Rue Poisson ».
Martin se trouve à la base militaire de Camp Victoria avec le reste du bataillon suédois. Il est au Kosovo depuis 5 mois et restera certainement encore 2 ou 3 mois. « Souvent, on reste à la base militaire sans vraiment se mêler aux gens de la région. On s'entraîne beaucoup et on regarde des DVD's », raconte-t-il. Ses seuls contacts avec les habitants se font par l'intermédiaire d'un interprète et restent principalement limités au cadre de son travail. Avant la déclaration d'indépendance du Kosovo et les manifestations de violence annoncées, l'ennui était le plus pesant. Il y a quelques années, des soldats norvégiens en poste au Kosovo ont même tourné une parodie de la chanson Kokomo des Beach Boys.
Les soldats au Kosovo parodient Kokomo
Grâce au site You Tube, ils sont devenus célèbres immédiatement. Une blague qui leur a valu un retour simple pour la Norvège. Cependant, les habitants préfèrent que les soldats s’amusent avec ce genre d'activités plutôt qu'ils aillent dans les bordels. Ces établissements se sont multipliés depuis l'arrivée de la force armée de la communauté internationale.
Huub, 24 ans, Hollande
Huub a 24 ans. Il travaille comme cadre dans l'humanitaire pour l'OSCE depuis presque 3 ans à Pejë (ou Pejec en Serbe), une ville de l'Ouest. Il raconte une histoire qui prouve que l'amour au Kosovo, même en dehors des bordels, a un prix. Les valeurs morales de la région sont plus strictes qu'ailleurs en Europe et sont régies par un droit coutumier ancien connu sous le nom de « Kanuri » du prince Lekë Dukagjini. Un expatrié en a d’ailleurs récemment fait les frais car il ne s'est pas marié à une fille de la région enceinte de lui. On a brulé sa voiture et il a du fuir le Kosovo.
Graffs contre la mission de l'UE dans la ville divisée de Mitrovica au Kosovo(Photo: morbin/ Flickr)
Huub, qui a une petite amie, ne risque pas de subir le même sort. Dans son travail, il est en contact de façon régulière avec les habitants, albanais pour la plupart. « Tu peux avoir de très bonnes relations avec les gens d'ici, tout dépend de ton attitude. Je rencontre mes collègues albanais du Kosovo régulièrement et nous sommes même partis en excursion ensemble en Albanie. Mais ils ont déjà une famille et je sors le plus souvent avec d'autres expats. » Nouer des liens avec les jeunes résidents s'avère encore plus difficile. « Je n'ai pas de contact avec les jeunes kosovars de mon âge. Leur style de vie est trop différent du mien », poursuit Huub.
Avec un revenu comme le sien et un poste aussi avantageux, dont même des occidentaux de 24 ans rêveraient, ce n'est pas difficile à imaginer. Responsable de deux équipes, Huub est travailleur international. Il ne paie donc pas d'impôts. Des choses simples lui manquent, comme les légumes, l'eau courante et l'électricité. « La première nuit, quand j'ai emménagé dans mon appartement, il n'y avait pas d'électricité. Je restai assis dans le noir pensant : ça y'est maintenant, je suis à Kosovo. »
Carole et Emmanuel, 29 et 26 ans, France
Carole 29 ans et Emmanuel, 26 ans, sont collègues au bureau de liaison de la Commission européenne à Pristina. Ils ont beaucoup en commun, mais ne sont pas venus pour la même raison au Kosovo. Emmanuel est intéressé par le développement en général et les effets de la politique extérieure de l'Europe. Pour Carole, travailler pour la Commission de Bruxelles et au Kosovo sont deux choses différentes : « La pression est la même, mais ici c'est plus intense parce que vous êtes en contact direct avec vos homologues ministériels. Et on peut constater les effets directs de nos efforts sur le terrain. »
Carole travaille à la mise en place de projets de consolidation de la démocratie, au sein de la société civile, ce qui nécessite un contact permanent avec la Direction Générale de l'élargissement à Bruxelles, et avec d'autres donateurs du Kosovo. Travailler dans une société patriarcale comme celle de Kosovo n'est pas un obstacle pour elle. « En tant que femme, j'ai rencontré plus de difficultés en Bosnie. Il arrivait que nos interlocuteurs ne s'adressent qu'à l'homme de l'équipe. Ce n’est pas autant le cas à Pristina qui est une capitale. Ici, les gens sont plus habitués à travailler avec des femmes, en particulier avec des étrangères », poursuit la jeune femme.
Emmanuel vient d'arriver à Kosovo et a encore ce qu'il pense être une vision très idéaliste de ce que représente la diplomatie européenne. Le Kosovo, dit-il, est l'endroit idéal pour quelqu'un de passionné, qui veut voir de plus près la politique extérieure européenne. Il y a beaucoup de possibilités au Kosovo : « Si un jour je dois passer un concours, je suis sûr que mon expérience ici m'aidera à trouver un poste dans le futur service européen d'actions externes », explique-t-il. Mais le Kosovo n'a pas seulement un impact sur sa carrière. « Le propriétaire de mon appartement m'a raconté son expérience dans la UCK, l'Armée de Libération du Kosovo à laquelle il a appartenu. Il m'a emmené à Prekaz où la guerre a commencé. Et à ce moment, les choses deviennent plus personnelles. »
Photos: (PFK), 'EU-MIK' (morbin/ Flickr)
Translated from Young Europeans on love, brothels and Beach Boys in Kosovo