Des entreprises vertes et transparentes
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« Développement durable », voilà le maître-mot de la communication des entreprises modernes qui s’engagent publiquement à respecter l’environnement. Elles y sont de plus en plus forcées.
Comme le fait remarquer Nicole Notat, présidente de Vigéo, agence internationale de notation et d’évaluation de la responsabilité sociale, « de nombreuses entreprises se sont aperçues qu’à force de négliger l’impact de leurs activités, elles mettent en danger leur image lorsqu’elles sont épinglées au nom d’une pratique jugée insoutenable par l’opinion publique. »
Communication verte
On a rapidement assisté à une course à l’image « d’entreprise verte ». Les entreprises se sont mises à communiquer, de leur propre initiative, sur leurs activités et leurs impacts sur l’environnement. De nombreuses sociétés françaises, à l’image de Lafarge ou Renault, sont depuis de longues années engagées dans la voie des rapports environnementaux.
Face aux dérives de « greenwashing » de certaines entreprises se faisant les chantres du développement durable, les autorités sont intervenues. A la suite de nombreux pays européens (Norvège, Danemark, Pays-Bas, Suède, Belgique – Flandres), la France a fait le choix de ne pas se contenter des informations publiées volontairement par les entreprises. La France se distingue par un cadre particulièrement contraignant imposé par la loi. On recense en France pas moins de quatre obligations d’information environnementale à charge des entreprises. Ces informations doivent être délivrées dans les rapports de gestion destinés aux actionnaires mais consultables par tous sur le site de l’autorité des marchés financiers pour les entreprises cotées.
Dès 2001 les sociétés cotées se sont vues opposer l’obligation de rendre des comptes environnementaux. Une liste à la Prévert inventorie les informations à fournir : consommation de ressources naturelles, rejets affectant l’environnement, nuisances sonores, mesures prises pour améliorer l’efficacité énergétique, démarches de certification, mesures de prévention des accidents, formation et information des salariés, …
Plusieurs critiques ont été émises. Frédéric Thierberghien, alors Président de l’Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises (ORSE), notait, de façon imagée, que cette obligation d’information environnementale « entrait davantage dans la catégorie prêt-à-porter que dans celle sur-mesure : on propose le même costume pour tout le monde, sans tenir compte des spécificités de chaque secteur, ni de l’organisation propre à chaque entreprise »
Mais c’est surtout le manque de prise en compte du risque environnemental qui fut critiqué. Carrefour ou France Télécom sont soumises aux mêmes obligations d’information que Air France ou Total…
Information à haut risque
Après la catastrophe d’AZF, le législateur a pris conscience des risques générés par des entreprises non cotées. Le critère de l’activité à haut risque environnemental s’imposait. Une nouvelle obligation d’information était née. Depuis lors, toutes les entreprises à hauts risques industriels, dites Seveso II, doivent également informer les actionnaires et le public de leur politique de prévention en matière de risques. A cela s’ajoutent les informations relatives à la capacité financière de l’entreprise à couvrir les conséquences dommageables de son activité.
Il est vrai que la pluralité des informations à fournir peut nuire à leur lisibilité. Mais ces obligations d’information ont l’avantage de contraindre les entreprises à jouer la carte de la transparence. Cette information est d’autant plus importante que se développent l’investissement socialement responsable et les agences de notation sociale et environnementale. En 2004, 75% des entreprises du CAC 40 ont joué le jeu en publiant dans leur rapport une partie « environnement ».
A l’échelle européenne, la Commission a émis une recommandation concernant la prise en considération des aspects environnementaux dans les comptes et rapports annuels des sociétés. Au contraire de la démarche française, elle reste attachée à une démarche volontariste. En 2004, à l’initiative de la DG entreprise, le forum plurilatéral sur la responsabilité sociale des entreprises rassemblant les différentes parties prenantes réaffirmait l’importance d’une telle approche. Jamais les instances européennes n’ont pris l’initiative d’imposer une obligation contraignante de publier ces informations environnementales. Une telle obligation aurait pourtant le mérite de faciliter l’évaluation et la comparaison de l’impact environnemental des entreprises européennes. On note en effet, quand elles sont publiées, une disparité quant à la quantité et à la qualité des données fournies. Surtout, les communications relevant plus du domaine du marketing que de l’information portent atteinte à la crédibilité des rapports de développement durable sincères.