Des carpes, de la vodka, nous sommes en Pologne !
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Dans la région de Lódz, au Sud de Varsovie, un agriculteur nous parle de son métier... Il a environ 60 ans et travaille avec sa femme et son fils. Selon la période, il emploie aussi un ou plusieurs travailleurs saisonniers. Il gère une exploitation de 300 hectares : seulement 50 hectares lui appartiennent et il loue le reste à l’Etat.
La moitié de la surface est occupée par des étangs et l’autre est consacrée à la culture du blé. Il élève des carpes depuis l’oeuf jusqu’à l’adulte et produit du spiritueux pur à partir du blé.
Il est fier de nous montrer sa distillerie qui fonctionne depuis 1906. Le spiritueux pur qu’elle permet de produire est racheté par une entreprise produisant de la vodka, l’entreprise Polmos. Nous avons le plaisir de la goûter au cours de notre entretien avec l’agriculteur. Sur le territoire polonais, la vodka est produite selon une méthode polonaise traditionnelle et même si celle-ci est réputée, il est difficile de la défendre sur le marché européen et mondial. Dans la région, il n’y a plus que 3 ou 4 distilleries. Dans le pays, depuis l’ouverture des marchés, leur nombre a chuté de 930 à 150. La concurrence avec l’Amérique et l’Ukraine en est une des causes principales.
La distillerie fait l’objet d’un héritage de génération en génération. De vieilles machines la constituent et il nous montre leur fonctionnement. Il a l’habitude de faire des visites pour les écoles des environs. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, s’il avait la possibilité de le faire, il moderniserait l’usine pour augmenter sa rentabilité. Son travail serait également simplifié. Cependant un tel changement est impossible. Il peut faire ce qu’il veut sur les terres, mais pas sur les bâtiments qu’il loue à l’Etat. Aussi, même s’il veut rénover la distillerie et peut-être entreprendre plus de choses, il est contraint de mettre ses projets de côté.
Quand on parle de l’Europe et qu’on lui demande ce qu’il en pense, il nous montre sa grande carte géographique accrochée sur le mur du bureau dans lequel il nous reçoit. Il est favorable à l’Europe et souligne en particulier le fait que la qualité des produits agricoles a été améliorée, même s’il a fallu respecter des normes sanitaires contraignantes. Il apprécie le soutien que l’Union européenne apporte aux agriculteurs polonais, alors que leur gouvernement ne répond pas à leur demande. Il regrette néanmoins l’augmentation des prix des produits agricoles, la bureaucratie, les revenus qui n’ont pas changé… Il nous parle aussi de l’injustice des subventions qui ne sont pas égales à celles des anciens membres de l’Union européenne. Le marché libre est un problème pour les agriculteurs qui n’ont plus leur mot à dire… Il aimerait que l’Europe protège mieux son agriculture de la concurrence extérieure et il regrette surtout l’absence de subvention pour la production des poissons.
Il produit 90% de carpes dans ses étangs et c’est la source principale de ses revenus. La production de spiritueux n’est que complémentaire. Il travaille avec différents revendeurs et nous raconte que le prix du poisson baisse avec la concurrence d’autres pays comme la Chine. Pendant la période de Noël, la consommation de carpes est néanmoins très importante car c’est un des mets préférés des polonais. Une grande distribution est alors nécessaire pour répondre à la demande.
Avec les aides européennes, il a créé un étang de récréation où les gens peuvent venir pêcher. Un parking, un restaurant ainsi que plusieurs huttes en bois qui servent d’abris se trouvent à proximité de l’étang. Ces installations rencontrent beaucoup de succès et il n’est pas rare que le parking soit plein les jours de beau temps. Nature et détente sont au rendez-vous !
Avant de quitter le bureau, l’agriculteur nous montre des certificats attestant que son élevage de poissons a respecté les critères de l’agriculture biologique. Son élevage est extensif et il reste très naturel mais il nous dit ne pas être intéressé par le label biologique : les consommateurs polonais n’ont pas les moyens de les payer. Il n’envisage pas d’intensifier sa production, mais il nous montre ses bassins d’expérimentation qui lui permettent de tester une autre espèce de poisson au cycle de vie plus court. Il espère l’élever prochainement pour avoir une meilleure production.
L’agriculteur loue depuis 15 ans 250 hectares à l’Etat. Le contrat se termine dans 15 ans et il pourrait bien perdre à ce moment là ses terres. Il est le président d’un syndicat de propriétaires et il essaie de défendre l’intérêt des agriculteurs. Il dénonce le fait que les agriculteurs ne soient pas protégés et que les terres puissent leur être retirées - et même être reprises par des étrangers - dès que les contrats avec l’Etat se terminent. La marque communiste est encore bien présente. Cela nous surprend en tant que françaises, quand on pense que dans notre pays l'Etat ne possède pas de terres agricoles.