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« Democracy » : le strip-tease des institutions européennes

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StrasbourgCulture

Un documentaire en noir et blanc qui suit le processus législatif au sein des institutions de l’Union européenne ? C’est certain, on a connu des pitch plus sexy. Pourtant, le réalisateur suisse David Bernet réussit avec Democracy le défi de réaliser un film beau et passionnant sur les arcanes du pouvoir européen. 

Il semblerait bien que ce film soit une première dans l’histoire de l’Union européenne. David Bernet présentait lundi 14 novembre son film Democracy en avant-première à Strasbourg, dans le cadre du festival Augenblick. Le documentaire sorti il y a tout juste un an en Allemagne y a rencontré un certain succès.

Entre Snowden et Black Mirror

Ils sont deux personnages politiques à porter le film : Viviane Reding, commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, et Jan Philipp Albrecht, jeune député européen vert. En 2012, tous deux engagent une longue lutte pour que la législation européenne s’intéresse à la protection des données personnelles des internautes. Autour d’eux gravitent conseillers, opposants politiques, lobbys et défenseurs des droits civils. La nébuleuse bruxelloise ainsi formée est le théâtre d’une lutte de pouvoirs et le projet s’embourbe assez vite face au poids des grandes entreprises du numérique. Les lobbys ne s’étaient encore jamais montrés si déterminés et puissants selon les protagonistes. Ce projet de loi bat un autre record : celui du nombre d’amendements déposés, plus de 4000. Finalement, Edward Snowden révèle un scandale de surveillance massive à l’été 2013 et accélère brutalement l’entreprise de Jan Philipp Albrecht. Le projet de loi est adopté par le Parlement européen en mars 2014 et le film s’arrête là. Pourtant il faudra deux années de négociations de plus entre le Parlement, le Conseil de l’Union européenne et la Commission pour arriver à l’adoption définitive du Règlement général sur la protection des données en avril dernier.

Alors que la troisième saison de Black Mirror et un biopic sur l’affaire Snowden viennent de sortir, nous sommes en pleine « data-paranoïa » et c’est certainement justifié. Pourtant, il ne faut pas chercher dans le documentaire de Bernet quoi que ce soit de très militant. Ce projet de loi est avant tout un prétexte pour filmer les coulisses des décisions prises à Bruxelles et interroger la démocratie actuelle, comme l’indiquent d’ailleurs le titre du film et le survol d’Athènes dans le premier et le dernier plan. « Mon but c’est d’ouvrir des portes. En arrivant je n’étais hostile à personne. Je voulais m’intéresser aux forces qui entrent en jeu dans le processus législatif », déclarait le réalisateur à Strasbourg. De la froideur institutionnelle attendue, il en ressort étonnamment une certaine chaleur. Le choix du noir et blanc, osé, esthétise des bureaux aux couleurs plutôt tristes. On doit aussi certainement cela aux personnages que nous évoquions plus haut. Loin des bureaucrates de l’imaginaire commun, chacun se bat pour des convictions et se montre paradoxalement haut en couleurs. Il y a le jeune et prometteur Albrecht en maître de la situation et du consensus, il y a la commissaire Reding sereine et mobilisée sur un sujet où on ne l’attendait pas forcément, il y a Pietro Balboni, jeune avocat spécialiste du e-commerce et lobbyiste réaliste, il y a aussi Katarzyna Szymielewicz et Joe Mc Namee, défenseurs des droits civils intimement convaincus par la cause qu’ils défendent. Certes il manque au tableau les représentants des plus grandes firmes multinationales qui craignent d’apparaître dans ce genre de documentaire. Il n’en reste pas moins que le processus de décision, rationalisé et humanisé de la sorte par Bernet, en ressort grandi.

« Bruxelles, c'est l'avant-garde »

À l’heure où l’Union européenne est pointée du doigt comme un ensemble d’institutions bien trop complexes, inutiles et opaques, voici un documentaire qui a le mérite de remettre en cause au moins deux de ces idées. La complexité et le casse-tête européens sont des réalités que le réalisateur s’amuse à filmer, du processus qui s’étale sur plus de quatre années aux députés qui se perdent dans les couloirs du Parlement européen. En revanche, l’opacité n’est plus, David Bernet a tiré les rideaux sur la manière dont on décide à Bruxelles sans céder au cynisme ambiant. En l’occurrence, cette décision portait en plus sur un sujet loin d’être inutile à l’ère de la révolution numérique.

C’est bien un problème que les citoyens européens « ne puissent pas en digérer les informations ni réagir à ce qu’il s’y passe » selon Bernet, car Bruxelles « c’est l’avant-garde ».

Bande-annonce de Democracy.

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Voir : 'Democracy' de David Bernet (en salles depuis le 16 novembre)

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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Strasbourg. Toute appellation d'origine contrôlée.