« Demain, l'Espagne sera républicaine ! »
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Chloé ThibauxQuelques heures après l'annonce de l'abdication du roi d'Espagne Juan Carlos le lundi 2 juin, des dizaines de milliers de personnes manifestaient sur les places de toute l'Europe en faveur de l'organisation d'un référendum qui permettrait aux Espagnols de décider de la conservation du régime monarchique ou de l'instauration d'une République.
« La Puerta del Sol est noire de monde, on m'a appelé de Madrid pour me le dire, elle est bondée ! ». Le cri d'un manifestant provoque un applaudissement retentissant qui parcourt la place de la République, à Paris. 150 personnes se sont réunies le lundi 2 juin pour exiger du gouvernement espagnol l'organisation d'un référendum qui permettrait de définir la forme de l'État : monarchie ou république.
Hier, l'esprit du mouvement des « Indignés » s'est emparé pendant quelques heures des principales places européennes, où des dizaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées pour revendiquer le droit de décision des Espagnols. Madrid, Barcelone, Valence, Séville, Saragosse... mais également Londres, Paris, Bruxelles, Berlin ou encore Rome : en Espagne et au-delà de ses frontières, des centaines de manifestants, espagnols ou non, sont descendus dans les rues, pancartes et drapeaux tricolores en main, au refrain de « ¡España, mañana, será republicana! » [« Demain, l'Espagne sera républicaine », ndlt].
À Paris, des personnes de tous âges se sont réunies au pieds de la Marianne, symbole de la République française pour quelques instants revêtu des couleurs du drapeau tricolore espagnol. « Je veux vous rappeler que la République signifie la chose publique, la chose du peuple, et qu'aujourd'hui plus que jamais, nous devons tous unir nos forces, que nous soyons membres du PSOE [Parti socialiste ouvrier espagnol, ndlt], de Podemos ['Nous pouvons', ndlt], ou d'Equo [affilié aux Verts], car c'est une chose que nous devons aller chercher dans la rue. Elle n'appartient à aucun parti, ni à aucune association. La République vient du peuple, nous devons faire pression, et nous vivons un moment crucial », s'est exclamé l'enthousiaste Juanma García, militant de Izquierda Unida [Gauche Unie, nldt], lors du rassemblement qui a rappelé, à beaucoup, les manifestations du mouvement du 15-M. « Il y a deux ans, j'étais en train de dormir à Séville, sur la plaza de la Encarnación, à la belle étoile. Il y avait la même atmosphère », continue Juanma. « Et aujourd'hui je suis ici, deux ans après, et je retrouve la même ferveur. Nous avons multiplié par quatre les véritables forces démocratiques en Europe... D'ici huit ou dix ans la République viendra, et nous serons ceux qui l'apporteront ! », a-t-il conclu avant de passer le micro à une autre camarade.
Hier à Paris, on a pu entendre de nombreuses voix, très diverses : celles de jeunes étudiants en Erasmus, d'expatriés contraints par la crise économique et la montée du chômage de quitter l'Espagne. Il y avait aussi des enfants et petits-enfants d'immigrés et d'exiliés ayant fui la dictature de Franco, ou des citoyens français soutenant leur cause. Tous ont clamé que la République n'était « pas un patrimoine de la gauche », et qu'il était « nécessaire d'unir nos forces et de nous concentrer sur le présent parce que nous voyons aujourd'hui qu'il peut se construire », comme l'a rappelé Rosa, étudiante à La Sorbonne. Au même moment, des manifestations avaient lieu à Amsterdam, Berlin, Bruxelles, Lisbonne, Londres, Marseille, Milan, Montpellier, Prague, Rome et Montevideo, toutes organisées par le mouvement transnational Marea Granate, un réseau d'immigrés espagnols voué à défendre les droits sociaux du pays depuis l'extérieur.
Dans la capitale belge, près de 200 personnes se sont rassemblées face au Palais de la Bourse au nom du droit de décision. En plus du drapeau républicain, on pouvait voir des drapeaux portant les logos de l'Izquierda Unida et du PCE [Parti communiste d'Espagne, ndlt]. Les manifestants ont assisté à un discours de Teresa Rodríguez, la numéro deux aux Européennes de la liste de Podemos. Le jour suivant, mardi 3 juin, d'autres rassemblement ont eu lieu dans des villes comme Istanbul, Lyon, Luxembourg, Montréal, Vilnius et Vienne.
*Reportage réalisé en collaboration avec Laia Framis, Irene Casado, Carlos Mayer et Minerva Burroni.
Translated from "¡España, mañana, será republicana!"