De jeunes polonais qui investissent dans l'agriculture
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Nous sommes près de Lublin, une région plus à l’Est de la Pologne et une région plus pauvre également. Certains disent qu’ici, pour 1000 petites fermes de quelques hectares, on compte uniquement une trentaine de grandes fermes de plus de 30 hectares. Nous avons rencontré ces quelques agriculteurs exceptionnels pour la région.
Nous arrivons sur une exploitation de vaches laitières, typique dans les environs de Lublin. M. X a 63 vaches à lait et il cultive 70 hectares de blé et de colza pour nourrir ses bêtes. La ferme semble plus moderne que celle du voisinage. Dès notre arrivée, nous remarquons les nombreuses machines neuves dans la cour. Très vite nous apprenons que M. X est l’un des premiers de la région à avoir une étable très moderne. Ses vaches sont séparées dans deux différents bâtiments. Les plus jeunes sont dans l’ancienne étable, plus étroite et moins moderne. Les génisses et les vaches laitières sont dans les nouveaux bâtiments qui sont similaires à ce que l’on a en France. Les vaches sont des Prim’Holstein, celles qui produisent le plus de lait.
La modernisation, M. X nous dit qu’il la doit à l’Europe. Grâce aux aides à l’investissement, il a pu acheter des machines, construire l’étable et une nouvelle salle de traite. Il a touché 1 000 000 de zlotys (soit 220 000 euros) et touche en plus 40 000 zlotys par an (8800 euros) pour l’aide à la production. Alors quand on lui demande s’il est content que la Pologne soit dans l’UE, il nous répond de manière évidente son approbation. Aujourd’hui, il met moitié moins de temps pour la traite de ses vaches. Il est devenu un modèle pour la région. Il organise des visites gratuites pour montrer la modernisation de sa ferme et des agriculteurs viennent même de Turquie pour voir son évolution. Il doit beaucoup à la PAC, mais reconnaît quand même que la situation n’est pas si parfaite que cela. Le prix du lait est très bas et c’est difficile de s’en sortir. Selon lui, c’est à cause des distributeurs. Il vend son lait aux compagnies laitières 1.10 zl et on le retrouve en supermarché à 2.60 zl. Il en veut aussi à l’Union Européenne, comme beaucoup de ses confrères, car il ne la trouve pas juste. Il ne trouve pas normal que les agriculteurs polonais touchent moins d’aides que ceux des pays plus anciens.
C’est d’ailleurs ce que confirme M. Y, agriculteur dans la même région. Lui fait des céréales et des betteraves sucrières. Il en veut à l’Europe de ne pas soutenir chaque agriculteur de la même façon. Il n’est pas contre l’Union, car c’est en partie grâce à elle qu’il a réussi à arriver à ce niveau de vie, mais affirme que l’ouverture des frontières a participé à la crise agricole en Pologne. Il trouve que la concurrence est déloyale. Par exemple, il ne comprend pas que l’usine à sucre d’à côté de chez lui ait fermé, alors qu’une nouvelle s’est installée en France. Cependant, pour lui, la situation est bonne. Il s’en sort bien, comparé à ses voisins. Il nous dit que son caractère y est pour quelque chose. Il a toujours su et voulu entreprendre. Il a l'esprit de compétition et sait sentir le bon moment pour acheter des terres. À la sortie de la guerre, sa famille n’avait que 6 hectares de terre et aujourd’hui il en a 70. Il avait de l’argent pour investir nous dit-il, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, et il pense avoir su profiter des occasions qu’on lui offrait, notamment celles de l’Union européenne.
Sans savoir vraiment pourquoi, nous sortons plutôt perplexes de ces rencontres. Peut être parce que nous nous sentons en France alors que 2000 km nous en sépare. Nous ne sommes pas dépaysées. Nous retrouvons les mêmes vaches, les mêmes étables et les mêmes machines, comme si les polonais suivaient le modèle ouest-européen sans chercher à trouver leur propre voie.