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De bomeur de bonne humeur

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Tour de babelSociétéStyle de vie

Enfantés par la crise, des néologismes fleurissent pour combler ce que le chômage, l’inaction et le manque d’horizon a laissé en creux. Des mots naissent de la conjoncture, mais parfois, ce sont carrément des personnes qui se profilent. Un exemple ? Le bomeur.

Les Français sont très forts en contrepèterie. Cet art du jeu de mot, popularisé par Boby Lapointe en son temps, vit une seconde jeunesse depuis que 25,2 % sont poussés à n’avoir rien d’autre à foutre que d’égayer leur quotidien par de petits plaisirs linguistiques. Ainsi naquit le « bomeur » - contraction de « bobo » et de « chômeur » - qui désigne tout connement le bobo un peu chômeur. Selon Les Inrocks, le terme provient du cerveau pas trop sollicité d’un jeune français de 28 ans. Nathanaël, une fois au chômage, a décidé de monter un Tumblr sur lequel il peint le portrait du bomeur et propose volontiers une définition : « C’est un mec qui avait un boulot cool et qui, une fois au chômage, essaie de rester cool. »

L’individu de la crise se caractérise aussi par son look : cheveux mi-longs, barbe de 3 jours, jean et bien dans ses baskets. En somme, un hipster sans labeur. Mais il faut bien comprendre une chose : en ce moment le chômage n’a pas de frontières. Et les Frenchies ne sont pas les seuls à avoir suffisamment de temps libre pour s’adonner à la néologie. Pour le dire vrai, les Anglaisdo it better. En effet, une dizaine d’expressions anglaises qualifient l’inactif à la coule, parmi lesquelles : « funemployed », « dole dodger » (littéralement, « le tire-au-flanc au chômage »), « moregeoise » (les consommateurs qui cherchent à obtenir plus que les autres) ou encore « neet like nini » (les personnes qui mangent uniquement la bouffe produit près de chez eux).

Avec respectivement 52,9% et 25 ,9% de jeunes demandeurs d’emplois, l’Espagne et la Pologne se devaient également de répondre à l’appel de la création. Pour les premiers, le bomeur c’est le « pijipi » - synthèse du mot « pijo » (ruppin) et « jipi » (hippie). En ce qui concerne les seconds, ce sera le « Niebieski ptak » - soit « l’oiseau bleu » qui survole les tracas et les réalités concrètes du quotidien. Celles que traversent les jeunes allemands par exemple qui connaissent néanmoins, pour 8% d’entre eux, les joies de la glande. Ainsi, en Allemagne, les sans-emplois coolos sont affublés du qualificatif « Tunix » (le fou-rien) dont la racine reste étrangement gauloise puisqu’elle est inspirée de la BD Astérix et Obélix.

Enfin, les Italiens, quand il s’agit de parler de leur situation, recommencent comme par miracle à parler anglais. On les connaissait « choosy » (exigeants), ils sont désormais « NEET » (« Not in Education, Employment or Training »). Il n’en reste pas moins que le bomeur a une vie. Nathanaël tient à nous le rappeler en publiant sur son Tumblr « La 6 to do du Bomeur » (les six choses à faire). Au menu, cette semaine : une expo, un match de foot, un jour en famille, une promenade, une boutique éphémère et une pizza d’un mètre. Rude.

Photo (cc) Drew Stewart/flickr ; (Site officiel); illustration ©Henning Studte

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Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.