Dans les coulisses de la presse people
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julie arbezPhotos sensationnelles et incursion dans l’intimité des stars sont les ingrédients utilisés par la presse people pour séduire un public avide de scoops. Le monde journalistique est aujourd’hui dominé par une manipulation marketing.
« Freddie Starr a mangé mon hamster » : c’est ce qu’on pouvait lire le 13 mars 1986 à la une du tabloïd britannique The Sun. Ce titre choc augurait d’une nouvelle ère dans le journalisme. Fin de l'information : les histoires sont monnayées comme des marchandises, les photos tape-à-l’œil et les titres accrocheurs. Cette presse trash est devenue une affaire de gros sous.
L’art de se vendre
Tout est étalé au grand jour, rien ne semble trop intime. Le succès est tel qu’un nouveau magazine people voit le jour chaque semaine. Les sociétés transforment même leurs titres en programmes télévisés. Le magazine anglais Closer, lancé en France en 2005, s’est emparé de la quatrième place sur le marché hexagonal avec 420 000 exemplaires vendus chaque semaine. Closer et son grand rival Voici se sont adonnés à une véritable guerre médiatique au cours de l’été 2005, avec pour résultat encore plus de scandales et des prix toujours plus bas. En effet, les photos rapportent gros. En France, trois millions de journaux people sont vendus chaque semaine. Voici appartient à Prisma presse, filiale française du premier groupe européen de presse magazine Gruner & Jahr, qui distribue aussi Gala, son équivalent en France, en Allemagne, en Pologne, en Espagne et en Russie.
Le marché allemand tourne à plein régime : ses 37 magazines de presse féminine s’écoulent à près de 12,4 millions d’exemplaires par semaines. Les tabloïds, typiques de la presse anglo-saxonne avec des titres comme The Sun ou The Daily Mirror sont d’autres acteurs importants du business des potins. Avec 3,3 millions d’exemplaires vendus chaque jour, le quotidien à scandale Sun a le plus fort tirage de Grande-Bretagne. Toutefois son homologue allemand, Bild reste leader du secteur : avec 3,6 millions d’exemplaires quotidiens vendus, ce magazine reste le plus fort tirage européen.
Créer la demande
La presse people est toujours à la recherche du prochain scoop. Ses cibles de prédilection ? Les têtes couronnées, les stars du cinéma et de la chanson. La presse mise sur le sensationnel pour attirer les lecteurs et les appâte avec les traditionnels déboires des célébrités : drogues, divorce, enfants cachés… De telles histoires se doivent évidemment d’être accompagnées de photos croustillantes. Le continent européen a récemment connu une série de batailles juridiques pour déterminer si les clichés pris par les paparazzis constituaient une atteinte à la vie privée. Les tribunaux français ont d’ailleurs infligé une peine symbolique d’un euro aux paparazzis qui avaient poursuivi Lady Di au moment de sa mort.
Mais cela ne semble pas freiner les voleurs d'images. Car plus les photos sont suggestives, plus le lecteur veut en voir. Il y a deux ans, les images de célébrités en bikini sur la plage suffisaient à apaiser la soif de voyeurisme du public. Aujourd’hui, celles-ci doivent faire la couverture du magazine à moitié nues si ses éditeurs veulent le vendre. Rien ne semble trop osé, ni tabou. Dans cette course à la rentabilité, les magazines encouragent leurs lecteurs à demander des photos encore plus choquantes.
Les célébrités ont aussi leur part de responsabilité dans ce business. Elles doivent faire les gros titres si elles ne veulent pas retomber dans l’anonymat. Le summum a été atteint avec des personnalités comme Paris Hilton qui ne sont célèbres que parce qu’elles figurent dans les pages people de tous les magazines. L’exhibitionnisme est ainsi une valeur marchande. Et que dire des tournées de promotion de films, livres ou disques : les vedettes jouent à partager un peu de leur intimité en direct sur un plateau télé. En vérité, ces pseudos révélations ne sont jamais spontanées mais au contraire soigneusement orchestrées dans le seul but de créer une demande. Cette fausse proximité qui promet au lecteur une satisfaction qui lui échappe sans cesse. Afin de maintenir la demande, les magazines se doivent parfois de détruire les icônes qu’ils ont créées de toutes pièces, en faisant du lecteur un complice. Récemment, les tabloïds anglais ont pris un malin plaisir à montrer le top model Kate Moss en train de sniffer de la cocaïne dans une boîte de nuit londonienne. Si une telle attitude n’a rien d’exceptionnel dans le monde de la mode, le contexte dans lequel la photo a été prise a lancé l’événement : le reportage d’un journaliste déguisé, équipé d’une mini caméra a boosté les tirages, attisant l’action de pseudos moralistes et le voyeurisme exacerbé du public.
Interpréter les images
Pourquoi les lecteurs se laissent-ils exploiter de la sorte ? Laurence Debril, journaliste au sein de l’hebdomadaire français L’Express apporte un élèment de réponse : « le lecteur type a moins de 30 ans et ne se sent pas coupable de lire ces histoires. Cette génération n’a ni accès à la politique, ni aux institutions. Quand les gens lisent ces magazines, ils ont l’impression que rien n’est impossible. »
Les scandales liés aux people sont d’ailleurs devenus aussi intéressants que les affaires politiques. Outre-manche, un membre du Parlement britannique, George Galloway a récemment fait une apparition controversée dans l’émission de télé-réalité Big Brother. L’été dernier, les difficultés conjugales du couple Sarkozy ont focalisé l’attention de toute une nation. Et lors de la polémique déclenchée par la publication dans le Sun des clichés des fesses de la Chancelière allemande Angela Merkel, la limite entre scandale people et événement politique a disparu. Comme l’explique Arnaud de Puyfontaine, directeur du groupe de presse Emap France, les gazettes à scandales « offrent tout ce que le lecteur ne peut même pas imaginer. Nous ferons pour lui tout ce à quoi personne n'a jamais osé penser. » Pour une génération coupée de la politique, parfaitement intégrée dans la société de consommation, les magazines people sont peut-être ce qui les rapproche le plus de la sphère publique.
Translated from Voyeurising the voyeurs: inside the celebrity business