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Dans l'enfer de Manduria avec les migrants tunisiens

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Translation by:

jonathan B.

Société

Manduria, dans les Pouilles, plus que jamais talon d'Achille de l'Italie. Le camp de réfugiés a été synonyme de cauchemar pour des milliers de clandestins transférés en masse de Lampedusa. Mais aujourd'hui, on rêve de la France, les yeux grands ouverts. Le gouvernement italien, en accord avec les régions transalpines, vient de décider d’octroyer aux migrants tunisiens un permis de séjour temporaire. Pourtant, les frontières ne sont pas ouvertes pour autant, les voisins européens ayant refusé de laisser passer les réfugiés. Photo-reportage des moments difficiles dans le camp... dans l'attente de jours meilleurs.

Un nouveau centre d’identification et d’expulsion ?

Nationale Manduria-Oria, Taranto, le 31 mars 2011

Le camp de toiles préparé par le gouvernement italien, à Manduria, près de Tarante, a accueillie environ 2 300 migrants, en majorité tunisiens. Ils avaient débarqué sur l’île de Lampedusa, au sud de la Sicile. Là, dans les premiers jours d’avril, la situation est devenue ingérable avec 6 200 migrants dans une île où vivent habituellement 5 000 personnes. Aujourd'hui, 1 300 personnes sont à Manduria, prêtes à repartir grâce aux permis de séjour temporaires.

Photo © Giulio Farella

« Gérer » l’urgence

Vendredi 1er avril à la gare de Tarante

On laisse les migrants tunisiens s’échapper du centre de Manduria, on les fait partir sur le train Oria-Tarante pour les rattraper ensuite et les ramener sur la place en face de la gare de Tarante. Plus de la moitié réussissent à se cacher en attente du train nocturne pour Rome, avec lequel ceux munis d’un billet vont partir et devenir ainsi de véritables clandestins.

Photo © Giulio Farella

Merci. Mais où sommes-nous ?

Vendredi 1er avril à la gare de Tarante

La trentaine de passagers sans billet est sortie du train et emmenée – d’après leurs dires - dans un nouveau camp situé dans la province de Potenza. D’autres vont passer la nuit et le jour suivant dans les quartiers proches de la gare de Tarante, en attendant un train pour le Nord. Des groupes de bénévoles leurs ont fournis de l’eau, de la nourriture et des informations sur la région. La plus grande partie des migrants n’ont aucune idée de l’endroit où ils se trouvent.

Photo © Giulio Farella

Possibilité de fuite

Samedi 2 avril 2011

Des manifestants venus de toutes les Pouilles se dirigent vers le camp de Manduria pour surveiller le déroulement des évènements et parler avec les migrants. La police bloque tout le monde et les forces anti-émeute (l’équivalent des CRS français) apparaissent. Les migrants s’unissent à la protestation, motivés par leurs mauvaises conditions de détention. Certains réussissent à fuir. Peu après les portails tombent.

Photo © Giulio Farella

Unis

Samedi 2 avril 2011

Un jeune homme se sent mal, il raconte avoir été frappé par la police à cheval qui patrouillait sur la zone. Ses compagnons forment un cercle afin de le protéger en attendant l’arrivée d’un médecin. Ce dernier ne constatera pas de blessures importantes mais notera des signes évidents de malnutrition.

Photo © Giulio Farella

Libertà! Freedom! Liberté!

Samedi 2 avril 2011

La protestation s’intensifie, « liberté » est crié dans toutes les langues et dialectes possibles. Les migrants reçoivent des habits, des cigarettes et des conseils pour défendre leurs droits et demander des permis humanitaires. Ils racontent qu’ils sont malmenés et maltraités dans le centre. De plus, on les trompe au sujet des permis de séjour. Une personne s’en va à travers la campagne en direction des gares les plus proches. « Bonne chance ! » Les migrants ignorents presque encore tous l’endroit où ils se trouvent.

Photo © Giulio Farella

Peur et espoir

Dimanche 3 avril 2011

Deux choses effraient vraiment les migrants : les travaux pour de nouvelles clôtures et le déplacement en Tunisie de Berlusconi pour discuter d’un accord concernant les rapatriements. Ils sortent de nouveau du campement dans l’après-midi pour revendiquer de la clarté au sujet des permis : trop de parole en l’air, trop peu de médiateurs culturels dans le camp.

Photo © Giulio Farella

Méfiance

Dimanche 3 avril 2011

La majorité des migrants s’organise et reste en assemblée dans le champ en face du camp. Des cris demandant « Asile! Asile! » se font entendre à plusieurs reprises. Enfin, les migrants décident de dormir dehors, sans dîner : ils n’attendent ni couvertures ni nourriture de l’Italie, mais la liberté.

Photo © Giulio Farella

Divisions

Lundi 4 avril, dans l’après-midi

Comme on pouvait s’y attendre, des dynamiques internes au camp s’imposent petit à petit. Des divisions se créent, entre les personnes « occidentalisées » provenant des villes du Nord et ceux originaires du Sud par exemple. Nombreux sont ceux à s’isoler en petits groupes, ne partageant avec les autres ni l’espace ni la nourriture. Heureusement, beaucoup d’autres demeurent unis.

Photo © Giulio Farella

On y est presque ?

Lundi 4 avril, dans l’après-midi

La situation semble tranquille. Le camp éloigné du centre est encore recouvert de matelas. Il se dit que les conditions se sont améliorées : aujourd’hui il était possible de se doucher et la nourriture était meilleure. Des questions insistantes sont posées à propos de la visite de Berlusconi en Tunisie. Ils reçoivent de leur pays d’origine des informations divergentes. « Rien n’est encore décidé », se rassurent-ils.

Photo © Giulio Farella

Permis de séjour, un espoir terni par l'UE

Oria, la 6 avril dans l’après-midi

Jour de bonheur. Oria est maintenant « envahie » par les Tunisiens. Certains prennent le café, d’autres le soleil. On joue au ballon, on se promène, on fait les courses. Mon ami Mouez me guide dans le centre historique, qu’il connaît désormais comme sa poche. Les migrants expliquent que la petite ville s’est montrée accueillante et ouverte avec eux, contrairement à Mauduria où ils ont connu des moments peu agréables et des violences. Désormais, ils attendent tous le permis de séjour avec impatience. Ils ne savent pas encore que la France et l'Allemagne sont opposées à l'accueil des réfugiés présents sur le sol italien. Quelqu’un qui s’était échappé les jours précédents est même revenue sur ses pas. Quelques amis de Manduria apportent un ordinateur portable connecté à internet grâce à une clé 3 G : les visites sur Facebook s’enchainent, puis les vidéos tournées pendant les révoltes sont regardées. Chacun espère pouvoir fêter demain l’octroi des permis de séjour !

Photo © Giulio Farella

Translated from Manduria: inferno e ritorno. Da clandestini a liberi cittadini.