CROATIE : EXIT DE L’EUROPE ?
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Chloé BarberonL’UE fête son 28ème état membre après près de 10 ans de promesses dans le vent et de contradictions sur un pays qui a plus ou moins toujours posé problème. Mais à part de magnifiques plages et une ouverture sur les Balkans, qu’est-ce que la Croatie a à offrir ? Et qu’est-ce qu’elle y gagnerait si elle n’était pas capable de répondre aux exigences de la BCE ni aux attentes de son peuple ?
La Croatie, entrée dans l’Union le 1er juillet dernier, n’a pas vraiment de quoi se réjouir. Elle a été durement frappée par la crise économique et a vu son économie corriger de 12%, avec aucune amélioration en vue pour le quinquennat à venir. Les inégalités de richesse entre une capitale riche et la côte d’une part, et les terres de l’autre, risquent de provoquer des conflits au sein de la société, qui n’a toujours pas réglé ses comptes avec son passé ni avec ses voisins, notamment la Slovénie, avec qui aucun accord sur le dédommagement des victimes de guerre n’a été trouvé. De plus, et malgré une croissance exponentielle du tourisme, l’économie croate n’est pas encore compétitive, et le pays dépend en grande partie de ses échanges commerciaux avec les pays limitrophes et l’Italie (son premier partenaire commercial avec 4 milliards d’euros), des pays qui partagent les difficultés économiques de la Croatie.
DES ÉLECTIONS BOUDÉES ET DES VOTES PUNITIFS
Même tableau côté vie sociale et politique. La Croatie détient la plus longue période de débat pour l’entrée dans l’UE et, actuellement, bien que la majeure partie de la population voit en l’Europe la lumière au bout du tunnel, la décennie de propagande et les vetos ont joué avec les nerfs du pays. Pour ne rien arranger, et suite aux récentes discordes avec Berlin, principal allié de la Croatie pour son entrée dans l’UE, l’Allemagne a fini par retourner sa veste pour rester en ligne avec sa position sur la politique d’austérité, pas vraiment en accord avec la hausse constante de la corruption dans toutes les classes sociales avec, en outre, la condamnation d’Ivo Zanader, ex premier ministre, pour corruption. Avec les milliards que la Banque Centrale Européenne a alloué aux Balkans pour les fonds structurels, rien d’étonnant à ce que le gouvernement allemand ait remis sur le tapis l’une des pierres angulaires de sa politique européenne. Il n’est pas étonnant non plus que le pourcentage de citoyens croates s’étant déplacé aux urnes lors des dernières élections européennes soit dérisoire (20,84%), ni que la plupart de ces votes soient allés à la députée Ruža Tomašić, qui ne cache pas ses idées xénophobes et nationalistes.
Aucun doute sur le fait que ce vote ait été « punitif », tout comme celui des élections suivantes le 19 mai, qui a puni le Parti social-démocrate du premier ministre Zoran Milanović, battu à Zagreb, la ville qui l’a vu naître, par un expatrié de son parti, Milan Bandić, maire de la ville, dont la liste civique lui a offert une victoire écrasante dès le premier tour. Une telle chute, pour un parti pro-européen, même ancrée au cœur d’une crise économique sans précédent, montre que le ventre du pays est plus rebelle que sa tête, qui affirme avoir toujours été européenne. Effectivement, c’est mieux d’avoir toujours été européens que de faire partie de ces Balkans que l’Europe daigne considérer comme européens pour la première fois au sommet de Thessalonique en 2004, vu par un bon nombre comme une version « soft » des anciens meeting néo-colonialistes. D’autant plus avec les problèmes que rencontre le Kosovo et les blessures qui marquent la Serbie, sa voisine rebelle qui, malgré les voix pro-européennes, gravite encore la plupart du temps dans l’orbite des intérêts russes, aux côtés du Monténégro.
FANTASMES COMMUNISTES ET FRONTIÈRES
Certes, l’abaissement des douanes et les milliards de fonds de cohésion (actuellement 14 milliards, selon les programmes de l’UE), représenteraient une bonne bouffée d’oxygène pour le pays et pourraient racheter la confiance de beaucoup de citoyens affaiblis par la crise économique et par les conflits politiques incessants. Cela pourrait fermer le clapet tant de l’extrême gauche et de ses fantasmes néo-communistes que de ceux qui rêvent à une Croatie catholique et slave (rappelons les attaques racistes de Ruža Tomašić, d’après qui tout individu n’appartenant pas à l’ethnie croate n’est qu’un « simple hôte de notre grand pays », une affirmation qui lui a valu des commentaires pas franchement amicaux au sein même parfois de la droite). Les télévisions européennes, en particulier la RAI (principal groupe audiovisuel public italien, ndt), conservent un calme olympien quant à l’impact de l’entrée de la Croatie dans l’UE à court terme et continuent à crier haut et fort tous ses avantages à long terme. Le marché croate n’est certes pas assez grand pour déséquilibrer les économies auxquelles il est lié (l’Italie, la Slovénie et la Hongrie, en plus de son rôle de charnière avec les autres pays des Balkans), et la signification politique de cette récente ouverture récompensera l’Europe pour le dérangement occasionné. Mais le doute qui subsiste est toujours le même : est-ce que ça en vaut vraiment la peine pour le citoyen lambda ?
Crédits vidéo : euinside/YouTube
Translated from Croazia: back to europe?