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Crise grecque : en route vers le « Grexit » ?

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BruxellesPolitiqueThe Greek Files

En annonçant, à la veille de la réunion de l’Eurogroupe samedi dernier à Bruxelles, la tenue d’un référendum dans son pays le 5 juillet, Alexis Tsipras a ouvert la voie à l'hypothèse tant redoutée du « Grexit ». Le futur de la Grèce au sein de la zone euro semble désormais plus que compromis. 

C’est un véritable tremblement de terre politique auquel nous avons assisté dans la nuit de vendredi à samedi. Alexis Tsipras a annoncé son intention d’organiser un référendum, le 5 juillet, sur la série de mesures d'austérité demandées par les bailleurs de la Grèce en échange d'un plan d'aide de 15,5 milliards d'euros sur les cinq prochains mois. « Oui ou non à la proposition des créanciers » : c’est à cette question que devra répondre le peuple hellène dimanche prochain. « Au peuple de parler sans pression, ni chantage », a déclaré le premier ministre grec d'un ton solennel, à la suite d'une intervention retransmise par la chaîne de télévision publique ERT.

Cette annonce a eu pour effet immédiat de mettre fin aux négociations entre Athènes et ses créanciers lors d’un Eurogroupe sous haute tension, au cours duquel Yanis Varoufakis, le ministre des finances grec, a dû quitter prématurément ses partenaires. La Vouli, le parlement grec, a de son côté adoptée la loi autorisant le référendum dans la nuit de samedi par une très large majorité de 178 voix contre 120 (sur 300 sièges). Dès le lendemain, Alexis Tsipras a annoncé la fermeture des banques et l’instauration d’un contrôle des capitaux pour éviter tout « bank run », soit la fuite massive des capitaux et panique bancaire. Dans les rues d’Athènes, un grand nombre distributeurs automatiques de billets étaient littéralement pris d’assaut dimanche soir.

Le scénario du « Grexit », craint depuis plusieurs mois par l’ensemble des instances européennes, semble de plus en plus plausible. Ce mercredi, la Grèce aura passé la date fatidique du 30 juin et sera en défaut de paiement. La possible banqueroute du pays a beau être un scénario préparé depuis des années, elle intrigue et inquiète. En cas de 'non' au référendum, la Grèce pourrait se diriger vers une sortie de la zone euro, entraînant également sa sortie du marché unique étant donné qu’aucun pays ne peut pas abandonner l’euro sans quitter l’union. Jamais un pays de la zone euro n’a encore quitté ses partenaires de jeu. Les conséquences qu’auraient un éventuel « Grexit » attisent de nombreux craintes. Mais qu’en est-il vraiment ?

Vers une nouvelle crise financière à l’échelle mondiale ?

De nombreux observateurs se sont penchés sur les effets qu’un « Grexit » pourrait avoir au sein de la zone euro. Selon François Morin, professeur à l’université de Toulouse et ancien membre du conseil général de la Banque de France, « on entrerait dans une nouvelle crise financière à l'échelle mondiale », due à des spéculations à la baisse et un début de panique financière. Les marchés financiers verront que l’appartenance à l’euro n’est pas irrévocable ce qui les motiva à spéculer sur une prochaine sortie des maillons faibles de la zone euro. La théorie de François Morin, axée sur le risque de contagion à d'autres pays (Espagne, Portugal, etc.), n’est cependant pas partagée par tous. Jean-Baptiste Chastand, journaliste au desk Europe, estime que « la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) par la Banque Centrale Européenne devrait permettre d’éviter que le défaut grec fasse plonger d’autres pays ». Optimisme naïf ou espoir lucide ? En réalité, il semble bien difficile d’évaluer les conséquences économiques de ce processus inédit - et sans doute long -  du« Grexit » lorsqu'il sera enclenché.

La fin d'une certaine idée de la solidarité européenne

Mais au-delà des conséquences économiques que pourrait provoquer une sortie de la Grèce de la zone euro, c’est surtout politiquement que l’Europe sortirait affaiblie. Contestée par des partis europhobes en progression constante, le continent apparait plus divisé que jamais et peine à trouver une solution stratégique visionnaire pour venir en aide à la Grèce. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne s’est dit « profondément affligé par le spectacle qu'a donné l'Europe samedi dernier ». Un triste spectacle qui abîme encore un peu plus l’image de l'Union, fondée - on le rappelle - sur une « solidarité de fait » comme le stipule la déclaration Schuman. Malheureusement, nombreux sont ceux qui pensent que le rêve européen du début des années 50, construit autour d'un ensemble de valeurs démocratiques, n'a plus lieu d'être. Si la Grèce en vient à quitter la zone euro, le continent peut craindre l'avènement d'un phénomène encore plus effrayant : celui de la déconstruction communautaire.