Crise de la dette : la mauvaise Grèce au régime crétois
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Coupable d'avoir laissé trop grossir sa dette, la Grèce est condamnée pour longtemps à une stricte diète.
Finis les banquets où Socrate, confortablement allongé sur un canapé et entouré de ses disciples, pouvait passer la nuit à pérorer sur la beauté et faire l’éloge de l'amour. Finis aussi les temps où l’argent facile coulait en un fleuve tranquille du nord vers le sud de l’Europe. Place à la rigueur où seuls les chiffres comptent.
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Il est surtout question de deux chiffres que désormais elle ne doit plus quitter des yeux. Le premier concerne son déficit budgétaire qui doit être ramené à un niveau raisonnable, et le plus tôt sera le mieux. Le second est celui du ratio de sa dette qui caracole au-dessus des 150% depuis plusieurs mois. Les libéraux européens pensent que ces deux objectifs à eux seuls, ne suffisent pas pour permettre à la Grèce de sortir la tête de l’eau, et rajoutent deux autres : les deux taux de croissance et de chômage. Au parlement communautaire, la famille libérale tente de placer la croissance au cœur d’une stratégie globale de sortie de crise, étant à leurs yeux la seule piste qui soit en mesure de réduire le chômage, augmenter les recettes fiscales et donc réduire le déficit budgétaire.
Le salut dans la croissance
La Grèce est aujourd’hui une bête blessée, sa réputation a été trainée dans la boue et il faudra des années avant de pouvoir redorer son blason.
Son leader, l’ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt, qui compte déjà deux ouvrages prospectifs sur l’avenir de l’Europe (Les États-Unis d'Europe, 2006 et Sortir de crise : Comment l'Europe peut sauver le monde, 2009) croit dur comme fer que le salut de la Grèce passera par la relance de la machine économique, et veut que l’Union européenne accompagne la Grèce dans cette direction et l’aide à améliorer sa compétitivité. Il déplore à ce sujet ce qu’il appelle « le classement horizontal » des objectifs du processus de Lisbonne censé faire de l’Union européenne l’économie de connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l’horizon 2010.
Il y a de plus en plus de dirigeants européens qui tentent de mobiliser les institutions communautaires et le gouvernement grec autour de cette stratégie, car ils pensent qu’il est temps de sortir de la logique de la seule perfusion financière qui a montré ses limites. Le gouvernement grec en est conscient et partage cette analyse, même si à court terme, sa priorité sera de veiller à la disponibilité des liquidités, le talon d’Achille de l’économie hellénique.
A moyen et à long termes, les dirigeants grecs sont appelés à batailler ferme pour redonner du crédit à la signature de leur pays sur les marchés financiers et réparer les dégâts causés à son image de façon générale. La Grèce est aujourd’hui une bête blessée, sa réputation a été trainée dans la boue et il faudra des années avant de pouvoir redorer son blason. Après avoir fait profil bas des mois durant, l’on assiste ces derniers temps à une montée au créneau de l’équipe gouvernementale en fonction à Athènes. Lors de son dernier passage à Bruxelles, le ministre grec du développement régional de la compétitivité et de la marine marchande, M. Michalis Chrisochoidis, a rejeté d’un revers de la main les critiques formulées par certains leaders européens envers son gouvernement, l’accusant de s’être endormi sur ses lauriers. Le discours écrit dans la langue de Shakespeare qu’il a ramené dans ses valises de diplomate a été vite mis de côté. Dans un transport propre aux méditerranéens, et n’a pas trouvé mieux que la langue maternelle pour vider son sac et dire tout le mal qu’il pense de ces attaques.
L’UE avait laissé faire
Plus mesurée, sa compatriote, Dora Bakoyannis, ancienne ministre des Affaires étrangères, affirme n’avoir jamais reçu la moindre remarque des gouvernements européens au sujet de la boulimie grecque des crédits bon marché, à l’époque où elle était aux affaires à Athènes. Sans vouloir dédouaner totalement son pays, pour elle, il est clair que l’Union européenne est en partie responsable des malheurs actuels du continent. « L’Europe, fait-elle remarquer, est plus forte qu’elle ne l’admet, malheureusement, elle a préféré courir derrière les marchés, et laissé la porte grande ouverte aux spéculateurs ».
M. Jens Bastian, un homme d’affaires de nationalité allemande installé en Grèce depuis quinze ans, dénonce pour sa part la « cacophonie » au sommet de l’élite politique européenne. Allusion faite aux déclarations de Jacques Delors au sujet de la crise grecque. Il trouve que les Européens ont manqué de respect aux Grecs. Résultat des courses : les Grecs votent avec leurs pieds. En quittant le pays.
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