criminalété
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Que lire quand il fait beau, chaud, et qu'on a envie de quelque chose de bien écrit mais de pas trop prise de tête ? Pas de panique, voici une liste de petits polars européens bien frais, des auteurs du Nord à vous rafraichir le pastis, ou du Sud à vous faire chanter les cigales.
Et voilà, c’est à nouveau arrivé. Comme chaque année vous voilà les bras ballants, indécis, devant le rayon librairie de la station service/de la gare/du magasin du coin du petit village où vous passez vos vacances. Ambiance estivale, plages, trains, piscines, voitures, avions et siestes à l’ombre d’un pin parasol vous donnent franchement envie de bouquiner. Oui, c’est vrai, vous auriez pu emporter un ou deux livres de chez vous. Mais entre le Spinoza qui prend la poussière sur votre table de chevet depuis 8 mois et le roman déprimant de Yasmina Khadra qu’on vous a offert à Noël, vous avez opté pour la solution de facilité : « Barf, j’en achèterai un là-bas ! ».
Là-bas, vous y êtes, et maintenant, que choisir ? Longtemps considéré comme un sous-genre de la littérature, commercial et distrayant (les pires insultes de la planète littéraire), le roman policier regagne depuis quelques années ses lettres de noblesse. L’engouement pour ces histoires de flics, et surtout pour le roman noir qui se développe depuis les années 60-70, a atteint son paroxysme avec des phénomènes comme Stieg Larsson. Intrigues morbides, ambiances glauques, héros peu fréquentables, le style s’est renouvelé tout en restant attaché aux Sherlock Holmes et commissaire Maigret d’antan.
Chouette, justement, ça vous tenterait bien ! Un truc un peu suspens, bien écrit et pas trop difficile à lire, un truc prenant et riche, nourrissant mais pas soporifique.
Mais devant les étagères de livres vous n’êtes pas plus avancé. Des romans policiers il y a en a des tonnes, et les titres ne vous permettent pas de déterminer la qualité. Puis des Agatha Christie vous en avez déjà lu 250 et vous oubliez toujours qui est l’assassin au bout d’un mois !
Dans cette jungle, on vous propose quelques petits coups de cœur. Des romans qui vous feront voyager et découvrir d’autres pays d’Europe, d’autres cultures. Roman social par excellence, quoi de mieux qu’un roman policier pour vous plonger intensément dans la vie quotidienne, le psychisme, les paysages, et l’ambiance de villes et villages d’autres contrées ? Suivez le guide, tour d’Europe (discrétionnaire) du crime !
Autriche, Wolf Haas – La série des « Brenner » (1996-2009)
De Salzburg à Graz, Innsbruck ou Vienne, l’Autriche comme vous ne l’avez jamais vue et - on vous le souhaite - comme vous ne la verrez jamais. Avec un ton sarcastique, frisant le sardonique, Wolf Haas a su créer dans sa série mettant en scène le détective Simon Brenner une ambiance à la dérive, au ton morbide tout personnel. Le narrateur y raconte l’histoire sans beaucoup de compassion pour ce pauvre bougre de détective et marque le récit d’un humour noir très autrichien. A conseiller ? Définitivement le premier de la série Quitter Zell et Vienne la mort, pour une visite de la capitale.
Suède, Sjöwall et Wallöö – Roman d’un crime (1965-1975)
Premiers romans policiers nordiques à connaître le succès dans toute l’Europe, la série Roman d’un crime retrace les enquêtes de Martin Beck au sein de la brigade criminelle de Stockholm. Dans un style pointu comme un scalpel, le récit décortique dès Roseanna, premier volume de la série, une Suède froide et dure, et un état providence qui n’est pas aussi idyllique qu’on le pense…
Angleterre, David Peace – 44 jours (2008)
Habitué de romans un peu glauques et surtout pesants, David Peace propose dans 44 jours un roman noir plus proche du thriller que du roman policier, au cœur du nord-est de l’Angleterre minière et blessée de Leeds, Derby ou Sunderland. 44 jours , donc, d’émotions fortes et de relents de vestiaires sales pour cette intrigue en milieu footballistique dans laquelle se débat Brian Clough, la dernière grande gueule, certes alcoolique mais honnête, du foot des années 60.
Italie, Andrea Camilleri – Commissaire Salvo Montalbano (1978-2013)
Si vous n’avez pas les moyens de partir en Italie cette année, voici qui est parfait pour vous ! Des repas aux colères du bon-vivant et attachant Commissaire Salvo Montalbano, plongez dans les intrigues et la vie quotidienne du petit village (fictif) de Vigàta, en Sicile. Bercée par l’accent chantant du récit et les parfums de la cuisine sicilienne, toute la série, aujourd’hui culte en Italie, est à déguster avec un petit vin frais.
Espagne, Manuel Vázquez Montalbán (1972-2004)
Sympathique et grand gastronome, le détective privé catalan Pepe Carvalho est devenu une des figures incontournables du roman policier. Montalbán, qui a inspiré un grand nombre d’auteurs par la suite, vous fait découvrir l’Espagne et sa cuisine au rythme des enquêtes et des repas de son héros, entre pacifiques couteaux à légumes et meurtriers couteaux de boucher.
France, Simenon – les enquêtes du Commissaire Maigret (1931-1972)
C’est tout le Paris qu’on n’a pas connu mais qu’on aurait aimé connaître qui se déroule, comme un décor de théâtre, sous la plume merveilleuse de Simenon dans chacune des enquêtes du commissaire Maigret. Bourru mais tellement humain, ce commissaire qui aime la bière bien fraîche et les sandwichs au jambon a le charme des romans policiers à l’ancienne, soignant encore l’esthétique du crime.
Et puisqu’on ne résistera pas à récompenser le fidèle lecteur qui a atteint ce bas de page, un dernier petit bonus pour la route : le français Jean-Patrick Manchette a inventé le néo-polar à la française avec un style acerbe et subversif absolument jouissif.
Tous mes remerciements vont à Benjamin, Hildegard, Pascal, Matthieu et Valeria (par ordre d'apparition) pour leurs conseils avisés.