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« Craignez l’effet boule de neige ! »

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J’y suis, j’y vote ! Tel est le slogan de Paul Oriol, activiste européen de la citoyenneté de résidence. Qui explique pourquoi l’Italie pourrait « contaminer » toute l’Europe.

« Maintenant que même les post-fascistes de Fini y sont favorables, ça va changer partout en Europe ! ». Paul Oriol est très satisfait. Il sent son combat avancer après que Gianfranco Fini, leader d’Alliance Nationale, a créé la surprise, en Italie, avec le projet de loi déposé le 16 octobre dernier. Son but ? Octroyer le droit de vote à tous les étrangers résidents depuis au moins 6 ans en Italie.

Même le Forum Social Européen a épousé, quelques semaines après, les revendications d’Oriol pour une citoyenneté européenne de résidence. L’idée ne cesse pourtant de diviser les sociétés du Vieux Continent avec des projets de loi déposés en Italie mais aussi en Belgique. Car, ce qui compte, pour Paul Oriol, est « que la question soit posée dans l’espace publique européen ». C’est pour cela que le collectif qu’il anime – « Pour une citoyenneté européenne de résidence » - vient de lancer une campagne pour recueillir un million de signatures afin d’octroyer la citoyenneté à tous les étrangers résidant dans l’Union européenne.

M. Oriol, est-ce que l’initiative de Fini va dans le bon sens ?

Bien sûr. Ce qu’il m’étonne beaucoup c’est qu’elle vienne de Fini, lui qui est l’héritier du MSI [Mouvement Social Italien, post-fasciste] et co-auteur de la loi Fini-Bossi [restrictive en matière d’immigration]. Donc je ne comprends pas très bien le pourquoi. Sauf peut-être de faire parler de lui par rapport à Bossi [Ligue du Nord, séparatiste] qui a une aura plus grande que lui. L’autre chose qu’on peut dire si on est un peu naïf c’est qu’il est contre les immigrés qui arrivent, mais une fois qu’il sont là il est réaliste et il se dit qu’il faut les intégrer, parce que personne n’a intérêt à qu’il y ait des poches d’étrangers qui se constituent dans l’Union européenne. A mon avis c’est intelligent.

Il est évident qu’en France on est dans la même situation. Ici, ces idées ne peuvent passer que si une partie de la droite y est favorable. Jusqu’à maintenant la droite bloque.

Et ça aura peut-être de l’influence dans d’autres pays. Car actuellement il n'y a que 6 pays qui prévoient le droit de vote pour les étrangers dans les élections municipales…

Quels sont ces pays ?

Irlande, Pays-bas, Suède, Danemark, Finlande et, depuis cette année, Luxembourg. Sans compter Lituanie et Slovénie parmi les pays entrants. Et ça se discute en Italie avec des fortes chances d’aboutir…

Fini a même dit qu’il est prêt à faire passer la loi avec les votes de la gauche…

Effectivement. Et il y a des fortes chances pour qu’en Belgique ça passe aussi. Il y a 6 propositions de loi déposées au Parlement belge en ce sens. Donc ça ferait huit pays. Mais c’est vrai que ça ne touche pour le moment que l’Europe du Nord plus l’Italie. Ceci dit quand on regarde les sondages les Italiens étaient parmi les plus favorables au droit de vote des étrangers aux élections européennes.

Quel était le panorama des réponses ?

Le sondage, réalisé en 2000 par la Lettre de la Citoyenneté, a touché 14 500 personnes dans les 15 pays membres de l’UE. Les plus favorables sont les Espagnols avec 62% d’avis favorables. Suivent les Portugais avec 59% et les Italiens avec 55%. En ce qui concerne les autres, au Danemark il n’y a que 15% de favorables, en Irlande 39%, aux Pays-Bas 44%, en Allemagne 42% ...

D’après ce que vous dites, on dirait que les pays du Sud – qui n’ont pas le droit de vote pour les étrangers – le veulent et ceux du nord, qui l’ont déjà, ont envie de retourner en arrière, comme le Danemark.

Oui mais attention parce que le sondage ne portait que sur les élections européennes. Et c’était à une époque où au Danemark dès qu’ils entendaient parler d’Europe, ils sortaient leur revolver. C n'est peut-être pas qu’ils sont contre le droit de vote pour les étrangers, mais qu'ils sont contre l’Europe. Au Royaume Uni c’est pareil, ils sont très réticents sur l’Europe…

Par rapport au reste du monde, existe-t-il un modèle européen d’intégration des immigrés ?

Je ne crois pas qu’il y ait un modèle européen. Même si on va de plus en plus vers une harmonisation des législations, surtout dans un sens répressif. Au Pays-Bas par exemple il y a le pilarisme. En France c’est la laïcité. Mais si vous regardez au niveau des codes de la nationalité c’est phénoménal : il y a des différences incroyables.

Par exemple quand on compare combien il y a d’étrangers dans les différents pays, ça n’a pas de sens. En France il y a 3 600 000 étrangers. Mais c’est en raison du code de la nationalité français. Si on était en Amérique Latine, il n’y en aurait que 600 000. En Allemagne ou en Suisse, il y en aurait 6 millions. Avec la même population, on peut passer de 600 000 à 6 000 000 étrangers. On compare des carottes et des choux. Prenez cet exemple : deux frères turcs décident de s’installer en Europe. L’un s’installe en Allemagne, l’autre en Belgique. Au bout de sept ans, le Turc de Belgique devient belge. Le Turc d’Allemagne ne peut pas. Le Turc de Belgique, chômeur, va chez son frère en Allemagne qui a monté une entreprise…

Et il peut voter….

… parce qu’il est « citoyen européen » ! Il ne parle pas un mot d’allemand, il connaît rien à la situation allemande, alors que son frère, qui est là depuis des années, lui, il ne peut pas l’être !

Turques, Belges, Italiens… La politique ne peut pas aller, justement, au delà des cultures nationales ?

C’est exactement notre revendication. Si on appliquait la citoyenneté européenne de résidence, on ferait en sorte que les immigrés, abstraction faite de leur nationalité et de leur culture, puissent s’inscrire sur listes électorales pour participer à la vie politique du pays.

Vous ne pensez pas que cette proposition ne finisse par affaiblir l’idée d’une citoyenneté européenne ?

Ça dépend de ce qu’on entend par Européen. Si par Européen, on entend la couleur des yeux et de la peau et les pratiques religieuses, oui… Mais, comme le dit Romano Prodi, l’Europe n’est pas un territoire, mais une idée politique fondée sur la participation, la démocratie, la liberté et l’égalité… Pourquoi on ne reconnaîtrait pas ceux qui sont là ? Qui a intérêt à ce qu’il y ait 15 millions de résidents dans l’UE exclus de la citoyenneté ?