Course d'obstacles, cap adhésion...
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Stratégie anti-corruption ou réforme du code pénal, les choses bougent en Roumanie. La Bulgarie n’est pas en reste. Des réformes suffisantes pour atteindre l’objectif adhésion en janvier 2007 ?
Pour ou contre un report de l’adhésion ? Le 16 mai 2006, la Commission européenne a rendu son opinion. Le verdict pour l'entrée des deux Etats candidats -en 2007 ou 2008- sera rendu en octobre prochain. Depuis 2004, la Bulgarie et la Roumanie remplissent les principaux critères politiques et économiques exigés par Bruxelles. Mais des clignotants restent au rouge. En octobre 2005, la Commission a pointé du doigt des domaines « particulièrement préoccupants ». Entre autres, la lutte contre la corruption et le crime organisé, le contrôle des maladies animales ou l’efficacité de l’administration …
Progrès en tandem
Partie en queue de peloton, la Roumanie a depuis enclenché la vitesse supérieure : organes spécialisés pour lutter contre la corruption, opération « mains propres » qui touche les plus hauts dignitaires de l’Etat… Les raisons de ce décollage tiennent à la stabilité politique du pays et l’engagement de ses élites pour l’Europe. Selon un fonctionnaire européen, « depuis deux ans, les Roumains se sont décidés à attaquer les dossiers délicats ».
La Bulgarie, prise dans la campagne des législatives de juin 2005, a plutôt ralenti le tempo du calendrier des changements. Aujourd’hui, la nouvelle coalition gouvernementale s’est cimentée autour de l’adhésion à l’Union. Du coup, les réformes ont repris allegro prestissimo : renforcement de l'immunité des magistrats, modernisation du code de procédure civile… Au final, les deux pays se retrouvent au même niveau de préparation pour entrer dans l’Union.
Des pratiques bien ancrées
Ces progrès sont-ils suffisant pour faire passer les feux du rouge au vert ? Pour évaluer un pays, la Commission passe au peigne fin les réformes dans plus de 150 domaines. Or elle pourrait encore, pour chaque pays, classer orange une cinquantaine de domaines et rouge cinq à six dossiers épineux comme la lutte contre la corruption et le crime organisé, les contrôles vétérinaires aux frontières, l’audit ou le contrôle financier. Changer les lois oui, mais encore faut-il les appliquer. Difficile lorsque l’on sait que ces pays sortent de nombreuses années de communisme et que l’indépendance du système judiciaire est récente. La Commission s’est entourée d’experts qui ont évalué sur le terrain l’impact des réformes. Les diplomates communautaires ont eux aussi pris en continu le pouls des changements sociaux. Mais la plupart des modifications législatives sont inédites et il est difficile de se prononcer sur leurs conséquences à long terme.
Bruxelles donne le « la »
Seule la Commission peut proposer un report de l’adhésion, une lourde responsabilité. Option 2008 ? Le report décrédibiliserait l’exécutif européen et pourrait retarder les réformes. S’y ajoute le risque de démotiver les pays des Balkans dans leurs efforts vers la paix. Difficile ainsi pour l'organe de décisionnel de l'UE de faire la part entre « le chantage à l’adhésion » des pays candidats et les dangers réels.
Option 2007 ? Si la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas prêtes, les anciens Etats membres ne risquent-ils pas de voir débouler sur leur territoire mafieux bulgares ou poulets roumains grippés ? Un diplomate européen confirme que « la menace est plus sérieuse qu’il n’y paraît mais la Commission peut toujours prendre des mesures de sauvegarde ». Concrètement, si les Roumains n’ont pas assez de postes de douanes vétérinaires, la Commission peut décider d’interdire l’entrée de volailles roumaines sur le territoire des autres pays de l’Union. Autre sujet d’inquiétude : la Croatie et la Turquie qui rechignent à se conformer aux exigences communautaires. Si Bruxelles se montre souple avec la Bulgarie et la Roumanie, cela n’incitera guère ces deux candidats rétifs à accélérer leurs réformes.
Duo gagnant en 2007 ?
En outre, la proposition de report de l’adhésion ne deviendra réalité que si les Etats membres l’approuvent. «Or politiquement, on voit mal un Etat membre soutenir un délai », pointe un diplomate bruxellois. Autre scénario : un pays grincheux refuse de ratifier les traités d’adhésion, gelant ainsi tout le processus. Le risque existe : le soufflé d’europhilie enthousiaste des années 2004 est retombé et certains députés conservateurs allemands ou autrichiens sont sceptiques sur un nouvel élargissement. Mais l’hypothèse est peu réaliste : aucun pays n’a intérêt à déstabiliser une Commission déjà affaiblie par l’échec de la Constitution. Et s’ils entraient ? La Roumanie et Bulgarie apporteraient un peu de dynamisme à une Union enlisée dans les sables mouvants des « non » français et néerlandais. Les deux pays ont ratifié la constitution européenne et environ 70% de leur population est pro-européenne.