Coupe du monde : la guerre des clones
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Marie-Emmanuelle MOKWAPILes équipes de foot comptent des joueurs qui ressemblent de plus en plus à leurs jumeaux en version Playstation. De la même manière, le jeu vidéo est de plus en plus proche de la réalité. Est-ce à dire que le sport réel se transformerait en jeu virtuel ?
De nos jours, lorsque l’on exprime son admiration pour un joueur de football comme Lionel Messi, on dit au mieux : « c'est un joueur de Playstation ». Bien évidemment, ces mêmes footballeurs professionnels jouent aux jeux vidéo en dehors du terrain. D’ailleurs, de nombreux joueurs pensent que s’adonner régulièrement aux jeux vidéo augmente leurs chances de succès sur le terrain.
Au premier coup d’œil, on se rend compte qu’il n’y a guère de différence à l’écran entre le jeu de simulation et la retransmission de la Coupe du Monde au Brésil. Les concepteurs EA du jeu vidéo FIFA 2014 ont réussi à capturer les expressions et les mouvements de ces stars mondialement connues, à tel point que l’on pourrait prendre les originaux pour des « copies ». La génération des joueurs d’aujourd’hui n’est-elle constituée que d'avatars ?
Nike : la machine à cauchemars
La marque d’articles de sport Nike a récemment diffusé un spot publicitaire épatant. Pour sauver le football, Cristiano Ronaldo, Neymar et Iniesta - entre autres - forment une équipe qui doit affronter des clones conçus par Perfect Inc. qui « ne risquent rien » (à l’inverse des joueurs de l’équipe Nike qui, eux, prennent « tous les risques »). Le deal : si les originaux perdent contre les clones, ils sont assurés de ne plus jamais jouer au football. Au cours d’un match dramatique, nos héros finissent par s’imposer face à leur copie. Le créateur des clones, aux faux airs de Steve Buscemi, s'en retrouve horrifié. Bref, une belle histoire avec une happy-end. Seulement, la marque Nike a elle-même utilisé activement de ses rouages marketing afin de transformer les joueurs de football en créatures virtuelles. La marque américaine a déjà rebaptisé Cristiano Ronaldo « CR7 », en référence à R2D2 de La Guerre des Étoiles. D’expérience donc, Nike fabrique elle-même les clones, au lieu de les vaincre.
On prétend que Nike s’empare aussi de l'événement d'une main invisible, en sponsorisant les équipes. Les rumeurs vont bon train, d’autant que la marque prend parti pour ses icônes publicitaires contre la volonté de leur entraîneur sur le terrain. Qui tire alors les ficelles ?
Spot publicitaire Nike - Le Dernier Match
DANS LA CAVERNE DE PLATON
Retour au Brésil. Pendant le match d’ouverture à Sao Paulo qui opposait le pays organisateur à la Croatie, nous n’arrivions pas à en croire nos yeux, troublés par les effluves de bière. Était-ce les véritables joueurs qui réclamaient une faute auprès des arbitres et se roulaient dans l’herbe au ralenti ? Il faut jeter un second regard, plus circonspect, afin de comprendre que nous, hommes passifs, nous nous attendions peut-être à ce que ces joueurs règlent l’affaire en chair et en os. Braqués par des centaines de caméras, les joueurs se montraient sous tous les angles possibles, de telle sorte que l'on pouvait davantage examiner les traits de leurs visages que ceux de nos copines. La retransmission des matchs surpasse la réalité, à tel point que les vrais joueurs produisent un effet irréel.
Est-il possible que nous nous trouvions tous captifs dans la caverne du ballon rond de Platon ? Nous regardons fixement les ombres se déplacer sur des terrains de football virtuels, et nous les prenons pour de véritables joueurs. L’illusion préservée que nous avons du football n’est bonne que sur terre battue, à la plage et avec des filets, loin des grands stades. Du moins, c'est ce que l'on croit.
MERCI AUX ESPAGNOLS POUR LEUR DÉFAITE !
Grâce à leur défaite en Coupe du Monde, les champions du monde espagnols nous ont libérés de nos chaînes. L’équipe, qui avait remporté la Coupe d’Europe deux fois de suite et la Coupe du Monde en 2010, a rendu le football mécanique en incarnant le perfectionnisme. Ceux qui, ces dernières années, ont regardé un match de l’équipe nationale d‘Espagne ont pu reconnaître le jeu d’une équipe de clones. Ils laissent passer froidement la balle à travers leurs lignes, jusqu’à ce qu’elle trouve une ouverture. Ce genre de match ressemble davantage à de la science qui souffle sur l’équipe un vent aseptisé. Pour leur dernier titre de champions du monde, les Espagnols n’ont eu besoin que de huit buts marqués en sept matchs. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
En l’espace de deux matchs seulement, le vent a tourné. Les Pays-Bas et le Chili ont fait chuter l’équipe espagnole de son pidestal, elle a dû prendre congé plus tôt que prévu. Le naufrage des Espagnols ne pouvait certainement pas être plus réel : la chute d’un géant face à l’ivresse inattendue de la victoire des laissés-pour-compte. Personne ne voudrait voir ce jeu aérodynamique résister, comme c’est le cas dans la pub Nike. Un instant imprévu, puis l’ivresse de la victoire des adversaires : la machine à football virtuelle ne reconnaît pas le droit des faibles. Il est temps de ranger la Playstation au grenier.
Translated from WM in Brasilien: Generation Playstation, go Home!