Coup de cœur pour un camping-car
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Lucile GagniereDepuis quatre mois, Anita vit dans un camping-car. Son mode de vie n’est pas fait pour les personnes frileuses, bordéliques, trouillardes ou un peu trop coquettes : elle n’a ni l’eau courante, ni l’électricité. Voici comment elle s’organise et pourquoi ce mode de vie la rend heureuse.
La vie que mène Anita n’est pas faite pour les personnes frileuses, bordéliques, trouillardes ou un peu trop coquettes qui aiment se doucher pendant des heures dans leur propre salle de bain. Lorsque, comme elle, on vit dans un camping-car, on doit se préparer à être privé de certaines choses, à renoncer à beaucoup d’autres – et à souffrir en hiver. Et pourtant, cette vie satisfait pleinement Anita.
Auparavant, elle habitait comme tout le monde dans un appartement. C’est alors qu’elle commença un stage chez SWR (SüdwestdeutscherRundfunk), pour lequel elle aurait dû déménager et chercher une nouvelle colocation tous les deux ou trois mois. Habiter dans une maison ambulante lui parût la meilleure solution – ainsi que la moins chère sur le long terme. Mais elle a également une autre explication : « Une image me venait souvent à l’esprit : j’avais l’impression que quelqu’un s’était assis sur mes poumons. Toutes mes pensées se heurtaient à cette chape de béton qui était au-dessus de ma tête. Je ne pouvais pas leur laisser libre cours ! Je ne voulais plus rien entre moi et les étoiles, juste ce petit morceau de plastique, mais pas de béton. » C’est ainsi qu’elle partit à la recherche d’un camping-car.
Vis ma vie dans un camping-car
Sa quête dura quatre mois, une connaissance lui ayant expliqué ce à quoi elle devait faire attention. Lorsqu’elle vit son camping-car actuel sur Internet, elle eut tout de suite un bon pressentiment. Elle se rendit à Baden et tomba tout de suite « amoureuse » en le voyant. Le petit tour pour l’essayer se transforma en une promenade de deux heures. « J’ai failli m’enfuir avec », avoue-t-elle avec enthousiasme. Souvent, on a l’impression qu’Anita vit avec quelqu’un d’autre. Elle a longtemps cherché un nom adéquat pour son coéquipier. Il y a deux mois de cela, elle pensait que ce serait « forcément un nom féminin à la mode dans les années 60 ou 70. » Pourtant, son complice s’appelle désormais Knudsen.
Le camping-car est devenu sien pour la modique somme de quatre mille euros avec en cadeau le contrôle technique, l’inspection du gaz ainsi qu’une courroie de distribution. Elle n’a absolument pas prêté attention à l’état technique du véhicule avant de l’acheter, mais tout s’est bien passé jusqu’à présent. Elle a retapé l’intérieur un peu démodé pour le remettre au goût du jour : avec sa belle-sœur, elle a repeint les murs et installé des baffles - pour « écouter du bon son » -, une table, un nouveau pouf et des toilettes sèches. Il s’agit d’une sorte de caisse recouverte de planches de bois, trouée au centre et ornée d’une lunette de toilette colorée. De là, Anita fait pipi dans un sceau rempli de copeaux de bois placé sous la caisse. Elle vide le sceau tous les dix jours. « Ce n’est pas aussi répugnant qu’on ne le pense », précise-t-elle d’une voix rassurante.
Elle vit dans six mètres carrés à peu près: une petite kitchenette, une minuscule salle de bain, deux gros poufs de chaque côté et une couchette. Le tout est étroit mais confortable. Et se marie bien avec la phase qu’elle est en train de traverser. « En ce moment, je suis prise dans une sorte d’agitation ; que ce soit dans ma vie privée ou professionnelle, je me cherche. » Il semblerait néanmoins qu’au milieu de cette pagaille et de ces changements incessants, le camping-car soit une constante, en particulier lorsqu’Anita en parle comme d’un « port que je peux emporter partout avec moi à travers mes nombreux déménagements et changements d’adresse. Je pense qu’on peut y voir l’expression d’une recherche d’un peu de stabilité intérieure. »
Combattre le froid
Vivre dans un camping-car peut également s’avérer vraiment difficile et désagréable, en particulier en hiver : il n’est pas rare qu’Anita puisse voir la vapeur de son propre souffle, car même en chauffant le camping-car, il ne fait souvent pas chaud à l’intérieur. Dans le véhicule, il ne fait qu'environ 17 degrés de plus qu’à l’extérieur. Lorsqu’il fait moins 5 dehors, la température intérieure ne dépasse pas les 10 degrés. Mais Anita a ses petites habitudes : la nuit, elle dort avec un bonnet sur la tête et sous un gros duvet, dans lequel elle a dû investir « plus de 200 euros ». Ainsi, il n’y a que le bout du nez qui dépasse dans le froid.
De plus, elle cuisine beaucoup et profite de la chaleur de la cuisinière à ce moment-là, et se réchauffe avec du thé et une bouilloire. Et elle prend tout cela avec humour : « On dit bien qu’il n’y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements ! » Elle a donc commencé à s’habiller en fonction de la météo et compte les couches qu’elle a sur le corps : « des sous-vêtements de ski, des survêtements et par-dessus un pull en laine, deux paires de chaussettes, dont une paire super épaisse, de vraies chaussettes pour le froid quoi ! En ce moment, je suis Super Oignon ! » Par ailleurs, elle mange beaucoup : « Lorsque j’ai froid, mon corps produit tout simplement plus de chaleur, alors je mange énormément de pâtes et de glucides pour que mon corps ait beaucoup de combustible. Et là je me dis : « Et ouais corps, au boulot mon vieux ! »
Lorsque des invités pénètrent dans son petit royaume pour la première fois, Anita est toujours « super fière ». Mais elle apprécie également les visites « parce qu’elles font tout de suite remonter la température. Il peut bien avoir 5 degrés de plus. Des gens sont également déjà venu dormir chez moi – c’est super aussi, ajoute-t-elle en riant, parce qu’on se transmet de la chaleur – et donc on a besoin d’une couche de moins. »
Mais parfois, tout cela ne suffit pas, et elle n’a tout simplement pas envie de rentrer tout de suite chez elle : « je reste alors plus longtemps au travail et regarde des vidéos sur Youtube ou trouve quelque chose à faire, ou bien je vais en ville, uniquement pour ne pas devoir retourner directement dans le froid. » Elle le dit elle-même : « C’est clair que c’est absurde, son chez-soi devrait plutôt être accueillant. Mais quand il fait très froid dehors, cela demande des efforts car les draps sont vraiment glacés. »
Le coup de pouce des « parents d’électricité »
Lorsqu’elle s’imaginait la vie dans un camping-car avant d’avoir trouvé Knudsen, elle pensait à « des road trips en pleine nature avec des couchers de soleil, des soirées karaoké et des freinages brusques pour pouvoir passer la nuit dans un bel endroit. » Désormais, elle passe la plupart du temps au même endroit. Cela est lié au fait qu’elle a réussi à dégoter l'une des rares places de parking gratuites de Stuttgart et qu’elle ne veut pas la céder. Jusqu’à présent, elle n’a roulé que 4447 km avec son camping-car, ce qui correspond à deux voyages chez ses parents dans le nord et quelques autres petits trajets. Son immobilité a aussi à voir avec l’hiver : Anita a besoin de courant. Du courant pour se chauffer, et du courant pour un peu de lumière électrique. L’installation d’un panneau solaire sur le toit figure également sur sa liste de projets pour améliorer le camping-car, quelque part entre des étoiles phosphorescentes pour la couchette et une décoration à base de fleurs séchées. Mais, jusqu’à présent, le courant vient de chez les voisins. Anita a trouvé un couple de personnes âgées qui lui fournit du courant – « ses parents d’électricité », eux-mêmes des campeurs aguerris. Elle s’est donc garée juste en face de la maison et ils ont tendu un câble sur le trottoir pour l’alimenter en électricité. Désormais, ils l’invitent régulièrement à boire un café – et elle sait que le couple aime « avoir quelqu’un avec qui discuter. »
Ce sont les relations humaines qui font tout le charme de son expérience. « J’ai rencontré des gens merveilleux que je n’oublierai jamais. On pourrait écrire de véritables histoires sur chacun d’eux ! » On compte parmi eux ses parents d’électricité « un peu farfelus », mais également les préposés à l’accueil du SWR. Pour la moitié d’entre eux, lui tendre les clefs des douches est devenu un réflexe et ils en profitent pour plaisanter ensemble.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Elle lave ses vêtements à la laverie, charge son portable et son ordinateur au travail, prend sa douche et se lave au bureau. Le camping-car possède bien un réservoir d’eau, mais Anita ne peut pas s’en servir lorsque les températures sont négatives. A la place, elle utilise un bidon d’eau de 5 litres qu’elle remplit régulièrement au travail ou dans les toilettes publiques. « On peut dire que je vais à la fontaine chercher mon eau ! » dit-elle en riant – mais elle ajoute tout de suite après : « je dois donc bien m’organiser pour la répartir en fonction de ce dont j’ai besoin : de l’eau pour les pâtes, de l’eau pour le thé, et de l’eau pour me brosser les dents. » De cette manière, un bidon suffit pour trois jours. Mais il est clair qu’il ne faut pas être trop coquet : « parfois, je ressemble vraiment à un zombie et je dois traverser tout le bâtiment où je travaille, les collègues me voient donc avec mon look ‘saut du lit’ ».
Elle ne regrette pas son achat. Bien au contraire : il s’est avéré très lucratif. Si elle tient le coup jusqu’en été, le camping-car ne lui aura alors pas coûté plus que le loyer qu’elle aurait dû débourser pendant cette période. Mais elle avoue également : « C’est vrai qu’on se sent un peu plus vulnérable. Lorsqu’il pleut, c’est très bruyant. Je ne peux par exemple plus téléphoner parce qu’on n’entend vraiment plus rien. » Elle n’a néanmoins pas peur : « j’ai un sommeil tranquille. Et puis, qu’est-ce qu’on pourrait bien me voler ? J’ai un PC et un reflex à bord, et je les cache bien. » Un spray au poivre se trouve malgré tout « juste à côté du lit » pour rassurer sa maman. Mais la meilleure méthode pour éviter les vols est simple comme bonjour : un chaos bien en évidence. « Recouvre ton camping-car de saletés ! Il faut que ça ait vraiment l’air dégoûtant. Comme ça personne n’aura envie de venir te cambrioler. » C’est un conseil que lui a donné un ami camping-cariste.
Sa vie de rêve en camping-car commence au printemps
Lorsqu’Anita pense au printemps, la vie en camping-car se rapproche davantage de sa conception première de la chose. Elle veut partir explorer le sud de l’Allemagne et s’imagine déjà arrêté près d’un lac, se faisant réveillée le matin par un rayon de soleil filtrant à travers la petite fenêtre, qu’elle ouvrirait pour admirer la vue sur le lac.
Elle aimerait également se rendre à la mer du Nord en camping-car avec sa famille, même si de telles excursions durent longtemps en camping-car : il se déplace à 80 km/h, les trains ou les voitures sont donc plus rapides. Anita a pourtant encore une autre destination en vue ; un voyage avec Knudsen jusqu’à la ville de l’amour : « Paris, je le lui ai promis. Il verra la tour Eiffel, aussi sûr que deux et deux font quatre – nous partirons donc au printemps. »
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Voglio Vivere Così est une collection de 8 histoires qui racontent des modes de vie différents, alternatifs et uniques. 8 articles sur 8 semaines, choisis par nos soins. La vie des autres n'aura jamais été si familière.
Translated from Wohnmobil-Leben: Haus am See oder Frostbeulen?