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Contre la directive Bolkestein, restons groupé !

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Default profile picture marie prévost

L’Union européenne est sur le point d’ouvrir ses marchés du travail. Mais il est urgent pour Bruxelles d’établir un cadre garantissant le respect des droits des travailleurs.

Le marché mondial des capitaux n’a cessé de s’unifier ces cinquante dernières années. Un changement qui n’a eu que très peu de répercussions sur le marché du travail. Parallèlement à cette libération des capitaux, des restrictions croissantes aux mouvements des citoyens ont été mises en place aux frontières de l’Europe. Une situation qui est en train de changer à l’intérieur de l’Europe.

Bras ouverts…

Le mois dernier, la Finlande, l’Espagne et la Portugal ont annoncé l’ouverture de leurs marchés du travail aux citoyens des nouveaux Etats membres à compter du 1er mai 2006. Alors que plusieurs pays comme l’Allemagne et l’Autriche, ont choisi de conserver leurs mesures de restriction pour le moment, il est certain qu’ils auront à ouvrir bientôt leurs frontières aux travailleurs de l’Est. Même la France, traditionnellement protectionniste, se prépare au changement. Un récent rapport de l’OCDE indique que l’ouverture des marchés du travail ne créera pas de vague massive d’immigration et que cette nouvelle force de travail a profité aux économies des pays ayant déjà ouverts leur marché (Suède, Grande Bretagne et Irlande).

…mais poches cousues ?

La question des périodes transitoires est mineure. Plus urgent est le problème de savoir comment vont être soutenus les droits des travailleurs dans un marché unique. Une telle configuration pose de véritables défis aux syndicats, chargés d’assurer les droits des travailleurs. La Confédération Européenne des Syndicats (CES) qui rassemble des structures syndicales du continent offre pourtant une solution. Tom Jenkins, conseiller pour les Relations Internationales au CES a accueilli la nouvelle de l’ouverture des marchés du travail en ces termes : « on ferait mieux de ne pas prévoir de périodes de transition du tout (…), les restrictions temporaires ont finalement un effet négatif : le développement du marché noir, l’exploitation et la discrimination ». Le manque de travail dans les pays d’Europe de l’Ouest ne va pas disparaître miraculeusement : l’ouverture des marchés reste le meilleur moyen de résoudre ce problème plutôt que de recourir au travail illégal.

Cependant, le CES accorde un support conditionnel à l’ouverture du marché. Il exige que les personnes qui travaillent sur le même territoire soient payées de manière égale : « Ouvrir les marchés du travail ne devrait pas servir d’excuse à une augmentation de la compétition » affirme Tom Jenkins. Le principe de l’égalité de traitement est devenu l’élément le plus important de la position du CES.

Changements de position

Ce principe de l’égalité de traitement a été conservé dans le texte de la directive sur le détachement, qui place les droits des travailleurs et le droit du travail au cœur du marché commun. Son essence a d’ailleurs été remise en cause par une autre disposition légale, la fameuse directive sur les services plus connue sous le nom de directive Bolkestein, qui défend la libéralisation extensive des services en Europe. Point de controverse : le « principe du pays d’origine » qui implique que les entreprises « sont seulement assujetties à la législation de leur Etat membre d’origine ». Le CES redoute un nivellement par le bas, chaque entreprise se retrouvant tentée de délocaliser vers les pays aux salaires les plus bas et aux législations environnementales plus laxiste.

Résultat : désireux d’enterrer ce projet, le CES organise des manifestations massives. En février, le Parlement européen vote à 391 voix contre 213 en faveur de révisions fondamentales à apporter à la directive Services, sauvegardant les éléments mentionnés dans l’autre directive sur le détachement : la nouvelle version obligerait les sociétés à respecter les conditions de salaires et de travail du pays de livraison du service. Cette version amendée a été présentée au Parlement et sera votée au plus tard cette année.

Restons groupés ?

Le nouveau texte présente en outre d’importantes limites sur le type de services qui peuvent être libéralisés. Les SIG (Services d’Intérêt Genéral), selon le CES, devraient être placés dans un cadre séparé des services commerciaux. Certains critiques élèvent la voix, prétendant que cette version remaniée perd de sa vigueur, autorisant des pays comme la France à poursuivre des politiques protectionnistes qui limitent injustement la concurrence avec les entreprises d’autres Etats Membres.

Peu après le vote du texte allégé en février dernier, Piotr Wozniak, ministre de l’Economie polonais, a exprimé ses doutes quant à la question de savoir si ce projet de loi valait la peine d’être soutenu sous sa forme actuelle. Cependant, si un marché unique des services est clairement avantageux pour les pays qui viennent de rejoindre l’UE, la capacité de ces nouveaux Etats à entrer dans la compétition armés de leur seule pauvreté n’est pas une stratégie durable pour l’Europe.

Le débat

A une époque où le clivage gauche droite est de moins en moins évident, le débat est rafraichissant. Ceux qui s’élèvent en faveur de Bolkestein plaident pour une diminution des coûts alors que leurs opposants arguent que certains services publics devraient être protégés du marché. Cette valse-hésitation reflète la plus large confusion au sein du projet européen : l’Europe doit-elle rester dans une ère économique commune ou existe-t-il un projet social ou intellectuel derrière ces réformes ?

La réponse à ce problème est au cœur de la lutte pour un marché du travail unifié. Comment payer un travailleur polonais en Finlande ? Au salaire polonais ou au niveau standard finlandais. La seconde option est davantage en accord avec un projet européen désireux d’élever la qualité de vie à travers l’Europe.

Translated from Standing in union against the Bolkestein Directive