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Confinement : un échange étudiant au goût étrange

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Default profile picture Paola Edika

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Que se passe-t-il quand une pandémie vient frapper de plein fouet votre échange Erasmus ? Des étudiants à travers l'Europe témoignent de leur vécu et de leur choix, entre rester ou partir.

S'installer dans une capitale de 4 millions d'habitants, devenir le meilleur ami de Google Translate, sortir avec d'autres étudiants étrangers, faire le tour du pays : tout cela ressemble fort à un échange Erasmus classique.

Et ce fut le cas pour Ardian Ameti, étudiant en commerce électronique, qui a quitté Ljubljana (Slovénie) en février pour un semestre d'échange à Kiev (Ukraine). Après un mois et demi, c'est arrivé : l'odeur de désinfectant dans les couloirs de sa résidence universitaire, les contrôles de police dans les rues, les ambulances qui affluent, les rumeurs selon lesquelles on a demandé aux médecins de faire croire que le nouveau virus provenant de Chine n'est qu'une simple grippe.

Le 12 mars dernier, Ardian assiste à un match de football. Le lendemain, l'Ukraine annule tous les évènements publics. Peu de temps après, il décide de quitter le pays, tout comme les deux seuls autres étudiants Erasmus qu'il a rencontrés dans son université d'accueil. Il prend un vol de rapatriement pour rentrer chez lui, de Varsovie à Ljubljana. « J'ai écrit à l'université pour leur dire que j'étais parti car je ne me sentais pas en sécurité », explique-t-il. Il a continué à suivre les cours depuis la Slovénie, finissant son expérience à l'étranger début mai.

Poursuivre l'aventure

Certains sont pourtant restés. « Je savais que je ne serais pas seule, alors j'ai décidé de poursuivre l'aventure », déclare Marysia Lewinska, étudiante en philologie russe à Wroclaw, qui a rencontré son petit-ami lors de son semestre en échange à Skopje, en Macédoine. À ce moment-là, elle a pensé qu'il serait plus sûr de rester, car il y avait moins de cas confirmés de Covid-19 en Macédoine qu'en Pologne.

Son amie Anna Gomza, étudiante également, n'avait tout simplement nulle part où aller. Lorsqu'elle est partie à Zagreb pour son échange étudiant, elle a quitté définitivement son appartement à Wroclaw. Elle a songé à quitter la Croatie après le tremblement de terre qui a frappé la capitale fin mars. « On a eu vraiment peur », témoigne-t-elle. Ses colocataires internationaux sont partis. Néanmoins, son petit-ami et elle sont restés.

« Je me suis sentie vraiment seule quand les cours ont commencé pendant le confinement, et j'ai fini par tomber dans l'anxiété et la dépression ».

Martina Kvapilova, originaire de République tchèque, a séjourné à Kaunas, en Lituanie, où elle suivait des cours en sciences sociales. Au début, impossible de partir. De retour d'un voyage, elle est rentrée en Lituanie le jour-même où le pays annonçait la fermeture de ses frontières en mars. Elle a tout d'abord dû rester confinée pendant deux semaines. Une fois libre de quitter son appartement, elle a décidé de rester à Kaunas car elle craignait d'avoir des problèmes de paperasserie. « Je n'ai pas pris le bus de rapatriement car je me suis dit que cela revenait au même de suivre des cours à distance ici ou ailleurs », explique Martina.

« C'était une mauvaise décision », ajoute-t-elle, lors de notre entretien à la fin du mois de mai. Après une courte nuit de sommeil et un long trajet, qui l'a amenée de Kaunas à Francfort, puis à Vienne, où elle attend un bus qui doit la ramener dans son village natal.

« Je me suis sentie vraiment seule quand les cours ont commencé pendant le confinement, et j'ai fini par tomber dans l'anxiété et la dépression. L'université nous apportait un peu de soutien, quelques séminaires en ligne, mais rien de nouveau pour moi. Je connaissais déjà tout cela depuis ma première année en psychologie ». Le fait qu'elle vive en appartement et non plus en résidence universitaire ne l'a pas aidé. Avec la mise en place du confinement, ses colocataires lituaniens sont rentrés chez eux, et elle est restée toute seule. « Je dirais que ceux qui vivent dans des résidences étudiantes pouvaient jouer à des jeux ensemble, se parler, comme avant, explique-t-elle, mais ceux qui ne vivaient pas là-bas, comme moi, ne pouvaient pas y entrer ».

Etudier chez soi, sans être à la maison

Les cours ont repris en ligne assez rapidement pour ces quatre étudiants, et les enseignants se sont adaptés à cet environnement d'apprentissage numérique. Certains profs ont commencé à envoyer des devoirs qui devaient être réalisés pendant les horaires des cours. Ardian, par exemple, devait envoyer un message de confirmation dans une conversation de groupe sur Telegram pour confirmer sa présence au cours.

La plupart d'entre eux se sont adaptés aux cours sur Zoom. Les restrictions imposées par l'enseignement à distance ont même apporté une créativité inattendue. Ardian ne peut s'empêcher de rire lorsqu'il raconte comment l'un de ses enseignants a fait, dans le cadre de son cours, visité virtuellement son appartement aux étudiants, avant de se rendre à la cuisine pour préparer un soufflé.

« J'ai l'impression que les cours en ligne sont moins productifs »

Le nouvel environnement d'apprentissage est devenu un défi, non seulement pour les intervenants, mais aussi pour les étudiants. « Les enseignants ont commencé à nous donner plus de travail que d'habitude », remarque Martina, très probablement parce que les étudiants n'étaient pas aussi actifs en ligne que lors des cours en présentiel.

C'est aussi devenu fatigant. « J'ai l'impression que les cours en ligne sont moins productifs, commente Marysia, C'est plus difficile de se concentrer ». Pour Ardian, c'est également devenu plus complexe de comprendre ce que les enseignants attendent de lui pour les examens.

Explorer depuis chez soi

Être enfermé dans un appartement est peut être un obstacle pour faire des rencontres, mais cela n'empêche pas de rester en contact. Les étudiants que Martina a rencontré avant le confinement ne lui ont pas seulement fait connaître leur culture, mais lui ont aussi fait découvrir ce que c'était de vivre dans leur pays.

Grâce à ses amis et à son copain, Marysia a également beaucoup appris sur les Balkans, malgré les faibles possibilités de voyager dans la péninsule, surtout concernant la cuisine et l'histoire. Elle a aussi pu améliorer son niveau en russe, comme elle le parlait pour communiquer avec ses enseignants, en sachant pas parler le macédonien.

Ardian est resté en contact avec les autres étudiants ukrainiens de sa promotion, principalement au moyen des groupes de discussion Telegram. Même s'il a dû quitter le pays dans la précipitation, il dit avoir beaucoup appris de cet échange et souhaite définitivement repartir en Ukraine pour visiter et parcourir le pays, ne serait-ce que pour récupérer ses affaires qui l'attendent toujours à Kiev dans sa résidence étudiante.


Crédit image : Veronica Snoj

Story by

Veronica Snoj

A journalist from Slovenia, now living and working in Poland.

Translated from An Erasmus exchange under quarantine