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Concert-Ciné : Zenzile ballade rythmes et riffs dans le Berlin des années 20

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La Parisienne

Mercredi 14 octobre, Zenzile livrait une performance originale et puissante : le concert-ciné. Le film-documentaire de Walter Ruttmann Berlin : Symphonie d’une grande ville était projeté sur la scène du café de la Danse à Paris tandis que les musiciens créaient un environnement sonore enivrant, entre rock psychédélique et dub envoutant.

Dans l’art comme dans le quotidien, images et sons se marient à merveille. Les étals d’un marché n’auraient pas le même charme si nous n’entendions pas les commerçants déclamer leurs offres  De même, David Lynch affirme quant aux films de Jacques Tati que « si l’on coupait le son de ses films, on perdrait peut être la moitié de l’humour… ».

Zenzile semble avoir perçu le lien solide qui unit le son et l’image. Il a déjà fait du cinéma une source d’inspiration pour ses compositions en 2010 avec Le cabinet du docteur Caligari. L’expérience fût alors très différente. Les lives se rapprochaient du ciné-concert où la performance musicale accompagnaient la trame du film avec minutie. Peu de place pour l’improvisation dans ce cadre où la musique se « soumet » au contenu cinématographique pour mieux le mettre en scène. Berlin : Symphonie d’une grande ville (1926), en se rapprochant du documentaire, laisse à Zenzile une liberté plus large lors du concert.

 

Un renversement du classique Ciné-concert

Lors du Concert-ciné, ce n’est plus le film qui dicte l’accompagnement musical. C’est la musique qui s’appuie sur l’œuvre de Walter Ruttmann pour créer un environnement sonore indépendant et hallucinant. C’est toute la puissance de Zenzile que d’avoir osé aller au-delà des images pour emmener l’auditeur-spectateur dans un voyage déroutant. On déambule dans le Berlin des années 20, bercé par un son dub apaisant (Der Tanz), puis l’on perd le fil l’espace d’un solo de saxophone, dans la folie des transports urbains (Der Verkehr). On suit les passants dans une rue encore calme, un doux piano les accompagne, quand soudain les musiciens nous aveuglent d’un rock progressif surpuissant (Die Bourgeoisie). À de nombreuses reprises, le spectateur se laisse entraîner dans une expérience au-delà du concert et par-delà le cinéma.

Le mélange des genres est encore difficile à comprendre, voire impossible à décrire. Comment expliquer que les notes créent parfois des images plus fortes que le film sur l’écran ? Comment comprendre le processus de création sonore inspiré par une source visuelle ? Une certitude : la performance de Zenzile est hors du commun. Le public applaudit tandis que d’autres encouragent le groupe à plusieurs reprises. Lorsque les dernières notes se font entendre et que l’écran affiche « Berlin : Ende », tout le monde se lève pour remercier Zenzile en applaudissements prolongés.

Le film : un bijou rétro et avant-gardiste

À la sortie, les conversations sont ponctuées de descriptions enflammées et d’éloges sincères. Il n’y a là rien de surprenant. Le film est déjà une grande œuvre à lui tout seul. On sent dans le cinéma de Walter Ruttmann une volonté d’expérimenter le moyen cinématographique, ainsi qu’une critique acerbe de l’industrialisation et du capitalisme. En nous permettant d’observer une journée en cinq actes dans le Berlin des années 20, le réalisateur allemand nous laisse entrevoir l’impact de la modernité sur le quotidien des Berlinois. Le rythme de travail est dicté par la machine, les transports en commun sont remplis d’individus aux apparences similaires, les médias assènent un discours obnubilé par l’argent… La société industrielle se métamorphose en une montagne russe incessante, irrémédiablement vouée à sa propre destruction. Le film porte un message politique fort et l’inscrit dans un cadre esthétique minutieux, digne d’un travail de longue haleine. 

Quand un tel chef-d’œuvre est accompagné d’une performance musicale aussi réussie, l’ensemble est indiscutablement sublime. Le voyage entre image et son, entre début du XXe et du XXIe siècle,  inouï…

Zenzile continue sa tournée de concerts-ciné et passera par Vendôme le 31 octobre, par le Havre le 21 Novembre et par Grigny le 13 décembre. Ceux qui n’assisteront pas à la performance peuvent se consoler avec un extrait du live au Festival du cinéma d’Angers ou en regardant le film tout en écoutant l’album de Zenzile… Surélévation sonore assurée…  

Cet article a été rédigé par la rédaction de La Parisienne de cafébabel. Toute appellation d'origine contrôlée.