Comprendre la guerre de l’huile de palme
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Flavie PrieuxL’huile de Palme est un sujet hautement controversé dans le monde occidental et surtout associé aux enjeux de la déforestation, des émissions de CO2 et aux Orangs-outans auxquels l’Europe essaye de répondre. Les Indonésiens et les producteurs d’huile de palme quant à eux l’associent aux politiques injustes de l’UE, afin de protéger leurs propres intérêts et le marché de ce lubrifiant peu coûteux.
De nos jours, on a tendance à associer l’huile de palme avec la destruction de la forêt en Indonésie et Malaisie. Bien avant que les Européens commencent à utiliser cette huile et que les ONG commencent à faire campagne contre elle, les échanges commerciaux de cette huile très productive avaient lieu dans la ceinture de l’Afrique de l’Ouest, de l’Angola à la Côte d’ivoire.
C’est vers 1849 que les Hollandais et les Anglais ont eu l’idée d’importer les graines du palmier à huile en provenance d’Afrique de l’Ouest vers leurs colonies respectives en Indonésie et Malaisie, et il fallut encore 60 ans avant les premiers échanges commerciaux. Dans la seconde partie du 19ème siècle, les Hollandais, les Anglais et les Français ont importés de nombreux produits dans leurs colonies d’Asie du Sud-Est. Les palmiers à huile se développaient sans contrainte sous ce climat tropical.
Quand la Malaisie a pris son indépendance, le gouvernement développait des programmes afin d’étendre la production de palmier à huile et de substituer les cultures de caoutchouc naturel et de bois. Depuis, l’Indonésie, le voisin, bien plus étendu, de la Malaisie à surpasser l’ancienne colonie britannique et est devenu le plus grand producteur d’huile de Palme. Ces dernières années, le meilleur client des produits d’huile de Palme indonésienne c’était l’UE, qui s’avère être en cours de négociation d’un accord de libre-échange avec l’Indonésie en ce moment. L’un des points dur des négociations concerne la directive sur les énergies renouvelables, qui a aussi un impact sur les futures importations d’huile de Palme indonésienne.
Les importations d’huile de Palme et l’empreinte carbone
L’huile de Palme peut être utilisée pour produire de la biomasse. La Directive sur les énergies renouvelables (2009/28/EC) de 2009 introduisait des seuils limites d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de chaque état membre et définissait également des critères de viabilité pour les énergies renouvelables en question. En 2015, la directive a été amendée pour réduire l’utilisation de terres agricoles en cultures pour biocarburants et bioliquides ((EU)2015/1513), qui tente de limiter la conversion de l’utilisation des terres pour les récoltes alimentaires en cultures énergétiques.
L’exclusion de l’huile de Palme n’est pas écrite noir sur blanc dans la directive, mais l’utilisation des critères de viabilité mène à son interdiction indirecte. « L’UE est le plus grand consommateur de Biocarburants » a déclaré cette année la Commission Européenne. Et c’est en étant un si grand marché potentiel pour l’huile tropicale bon marché, qu’il est facile de faire monter la pression chez les industriels de l’huile de Palme pour les futures exportations indonésienne. Et le gouvernement indonésien a désespérément besoin d’augmenter les exportations pour atteindre la croissance économique cible de 7%.
De nombreux indonésiens continuent de penser que la directive en question n’est rien de moins qu’une tentative de l’UE pour protéger leurs marchés des importations indonésiennes. La rumeur est telle en Indonésie qu’elle va même jusqu’à évoquer que des ONG comme Greenpeace travailleraient à la mauvaise réputation de l’huile de Palme indonésienne, qu’ils seraient de mèche avec l’UE :
Défendre l’huile de Palme indonésienne
L’universitaire indonésien Shofwan Al-Banna Choiruzzad a réalisé de nombreuses interviews avec les ONG, les politiques et les représentants de l’industrie de l’huile de Palme sur les origines de cette rumeur de l’huile de Palme en Indonésie. Pour lui « L’industrie de l’huile de Palme a créé une rumeur comme mécanisme de défense face aux diffamations de Greenpeace sur l’huile de Palme indonésienne ».
Gapki (Gabungan Pengusaha Kelapa Sawit Indonesia), la cooperative de l’huile de Palme Indonésienne, a publié des chiffres qui démontrent comment la répartition de marché en faveur de l’huile de Palme a marginalisé l’huile de soja des Etats-Unis et les huiles de tournesols et de colza européennes depuis les années 1980, et ces chiffres sont effectivement corrects. De plus, ils ont déployé l’argument que la coopérative du Soja américaine avait déjà influencé le gouvernement des Etats-Unis par le passé. Dans les années 80, ils ont fait courir la rumeur que l’huile de Palme avait de nombreux effets indésirables sur la santé humaine et devait par conséquent être interdite. Cela a conduit les autorités compétentes pour la sécurité alimentaire à faire imprimer des étiquettes préventives sur les produits contenant de l’huile de Palme.
En 2011, Gapki a suspendu son adhésion aux pourparlers pour une huile de Palme durable et s’est rapproché du ministère de l’agriculture indonésien. Quand l’agence de protection de l’environnement américaine sous l’administration Obama a exclu l’huile de Palme de la liste des sources de biocarburant, Gapki y a vu des justifications de sa théorie. Gapki a donc commencé à organiser des séminaires pour les journalistes et les étudiants à Java et Kalimantan pour convaincre les foules. Dans leurs séminaires, ils montrent que l’huile de Palme nécessite moins de surface cultivable pour la même production d’huile et qu’elle est donc bien plus respectueuse de l’environnement. Et pourtant, ils oublient de parler du problème majeur qui se pose quand les champs sont préparés pour la culture de l’huile de Palme : la combustion ou l’abattage de la forêt tropicale dont les conséquences sont hautement litigieuses. La plupart des nutriments de la forêt tropicale ne se trouvent pas dans le sol, mais dans les plantes. Si une portion de terre a été détruite par le feu, elle sera encore nourrie par les cendres des plantes pour quelques années, puisque les cendres contiennent les nutriments des plantes brulées.
Après quelques temps, cependant, les nutriments disparaissent et l’écosystème auparavant intact en reste perturbé. Le sol tout seul ne peut pas couvrir les pertes engendrées, et la régénération de la forêt tropicale n’est donc plus possible, ce qui rend également le sol inutilisable pour l’agriculture. D’autres effets collatéraux sont les immenses feux de forêts. Ils sont hors de contrôle, et l’Indonésie est hantée par ces feux, qui ne font qu’empirer. L’Indonésie participe ainsi a rejeté plus de CO2 dans l’atmosphère, de par les grandes quantités de carbone qui sont absorbés par les arbres et qui se mélange alors à l’oxygène en étant relâchés.
La situation est bloquée, parce qu’une grande majorité continue à penser que les effets ne sont pas importants et que l’UE n’est pas la meilleure entité pour dire aux indonésiens ce qu’ils doivent faire. Cela provient aussi de l’image divisée et peu puissante que continue à renvoyer l’UE. Et bien plus encore, elle reste hantée par son passé colonial et ses crimes passés contre l’environnement, ce qui lui donne bien peu de crédibilité pour donner des leçons de morales aux indonésiens. Des mesures comme les critères de viabilité semblent être la seule réponse possible, quand l’Indonésie recherche déjà d’autres clients, et que l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine frappe à sa porte.
Camille Nessel pour Eyes On Europe. Cet article a été initialement publié sur le site web officiel de l’association Eyes on Europe.
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Translated from Understanding the palm oil war