Cœur de Pirate: «Le français est une des langues les plus romantiques»
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Découverte sur Myspace au Québec, Béatrice Martin, 19 ans, a vite conquis les amateurs de chanson française. En tournée en France, elle a fait escale à Cébazat (dans le Puy-de-Dôme) pour l'ouverture du festival Sémaphore en Chanson. Interview.
Plus d’infos sur le blog de cafebabel.com à Clermont-Ferrand : Le Puy de Babel.
Pourquoi ce nom : Cœur De Pirate ?
Il n’y a pas vraiment d’origine. C’est surtout parce que « Cœur De Pirate » représente un peu le côté vengeur et romantique à la fois de ce qui peut t’arriver pendant ton enfance, ton adolescence, ou même ta vie de jeune adulte. Je trouve que cela se prêtait bien au projet, surtout que je ne voulais pas le faire sous le nom de Béatrice Martin.
Comment se sont passés tes premiers pas dans la musique ?
Je ne m’attendais vraiment pas à ce succès car quand j’ai commencé à écrire des chansons dans ma chambre, c’était comme une thérapie personnelle, pour tourner la page sur une adolescence que j’ai gardée bien renfermée. Cela m’a permis de vraiment comprendre, d’analyser certaines situations. Quand j’écris des chansons (pour cet album là), c’est pour illustrer les images idéalistes que l’on a des relations, de l’amour comme de l’amitié. Tu crois que quand tu as une rupture amoureuse tu ne t’en sors jamais car tu écoutes trop de musiques qui t’ont fait comprendre que tu n’en sors jamais. Mais c’est faux. Par la suite, je les ai mises sur Myspace et une maison disque au Québec m’a repérée. Ils m’ont demandé si j’avais une démo. J’ai dit « oui » mais c’était faux donc j’ai enregistré plein de chansons en deux semaines et je leur ai envoyé. Ils m’ont fait « ok, il y a de quoi faire ». Et puis voilà, j’ai sorti mon disque et tout baigne.
Tu as commencé la musique très jeune. Tes parents t’y ont incité ?
Ma mère est pianiste et elle pensait que c’était important de montrer à ses enfants, même jeunes, un instrument. Elle n’avait pas tort. Cela a très bien marché.
A quel moment t’es-tu dit « j’aimerais bien être chanteuse et en faire mon métier »?
Je ne me le suis jamais dis. Je pensais que ce n’était pas pour les gens normaux de devenir chanteuse. Quand on m’a proposé de faire un disque, je me suis dit « Ok, peut-être que je vais en vendre 500, peut-être que je vais pouvoir faire des petits concerts dans des salles à Montréal, dans des bars. Ça va être cool ! » Finalement, cela a pris une plus grande ampleur.
Démarrer une carrière au Québec puis la redémarrer en France, c’est un petit peu la double peine ?
Rires. Non, car ça s’est très bien passé au Québec comme en France mais pas de la même façon. En France, cela a été très rapide, le titre Comme des enfants a directement été un gros succès alors qu’au Québec cela a fait que dalle. Cela a été vraiment un choc pour moi que la première chanson que j’ai écrite en français se retrouve sur toutes les radios et sur des compilations de Hit. Et puis j’ai participé à l’émission Taratata et à un JT du midi. J’étais numéro un sur Itunes. L’impact de la radio et de la télé a été plus fort en France par rapport au Québec ! Au Québec, mon truc s’est fait vachement de bouche à oreille.
As-tu encore le temps de composer des chansons ?
J’écris tout le temps car je ne veux pas perdre cette faculté à écrire sous impulsion. Bien sûr, je ne vais pas sortir un album demain mais je compte le faire dans la prochaine année et demi ou dans deux ans.
Comment trouves-tu ton inspiration ?
Il faut tout le temps qu’il m’arrive quelque chose de malheureux ! Là, je suis quand même plutôt heureuse donc c’est un peu difficile mais je réussis à me rappeler des expériences qui allaient mal dans le passé. Ça me permet d’écrire des chansons encore. En premier, j’ai écrit deux chansons, une en anglais et Comme des enfants, en français. La mélodie, je l’ai eue, je sortais de la douche. Je chantonnais quelque chose et j’ai fait « Wow ! Cool ! Je vais pouvoir écrire une chanson, encore ! » Je suis allée l’enregistrer sur mon téléphone portable et puis j’ai couru au piano et j’ai fait mes trucs. Après ça, j’ai écrit mes paroles, et puis voilà.
Tu disais qu’il y avait une vraie opposition entre la scène francophone et la scène anglophone au Québec. Comment tu te situes par rapport à ça ?
Ok. C’est un peu sensible pour moi parce que j’ai choisi d’écrire en français car je trouve que le français est une langue qui se meurt. Il y a des gens qui s’expriment mieux en anglais, qui décident de s’exprimer mieux au niveau de la chanson en anglais. Tant mieux, OK, cool ! Mais si on sait le faire en français, si on est capable d’écrire en français, je ne vois pas pourquoi on se priverait de le faire. Au Québec, on a beaucoup de chance quand on chante en français et que ça fonctionne et que c’est bon, on a beaucoup d’appuis de la part des médias, ce qui est génial. Tous les Québécois savent parler français donc il y a un sentiment d’appartenance, enfin je ne sais pas, c’est dur à expliquer. Moi, j’ai voulu chanter en français parce que je m’exprimais mieux en français et que le français est une des langues les plus romantiques que je connaisse. Je ne vois pas pourquoi je m’empêcherais de faire les métaphores que je fais, dans une langue qui me permet de le faire.
On a compris que la musique, l’écriture c’était important. Est-ce que la scène c’est secondaire ?
La scène c’est très important. Je ne peux pas faire sans. Au début c’était très dur pour moi car c’est très très très très dur de faire des concerts quand on ne sait pas comment s’y prendre. La scène, c’est quelque chose qui s’apprend lentement mais assurément et encore aujourd’hui, j’ai de la misère. Des fois, je fais des blagues pas drôles et des fois le public ne me comprend pas… Même au Québec. Partout en fait. Et puis, ce n’est pas grave ça. On continue, on persévère. Un jour, je serai comme -M-. Quand je serai grande, je serai Mathieu Chedid.
Est-ce que cette effervescence autour de toi te fait peur ?
Oui, surtout quand tu te retrouves en couverture de Voici. Ça fait très peur ! Là, tu te poses vraiment des questions. Moi, j’étais une petite fille au lycée, quand j’étais ado, je n’avais pas beaucoup d’amis, et tout d’un coup, j'ai retrouvé mon visage sur les hebdos. Les gens te reconnaissent dans la rue, ils viennent te parler. Ça fait peur mais j’essaie de le gérer, j’essaie de garder les pieds sur terre et puis ça fait plaisir aussi. Je ne suis pas encore une célébrité. Quand je serai comme Patrick Bruel, je serai une célébrité mais là je suis normale, je fais de la musique, je fais un travail comme pas mal de gens.