Claude Turmes : « Si ça continue, l’Europe perdra la bataille verte »
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Jessica Devergnies-WastraeteIl en est convaincu. Après la crise, le prix du baril de pétrole reviendra à 250 euros. Claude Turmes, leader luxembourgeois du parti écologiste et candidat aux élections européennes, regrette qu’aujourd’hui, en Europe, certaines entreprises continuent à gagner de l'argent sans se soucier du gaspillage de l'énergie.
A quelques jours du scrutin européen, les sondages ne semblent pas se prononcer en faveur des partis verts européens. Les prévisions les plus optimistes ne prédisent que quelques sièges supplémentaires aux écologistes sur les 42 occupés actuellement. Mais en Espagne, les pronostics semblent moins favorables et prévoient même une légère baisse du nombre de représentants européens pour le parti. Des pronostics peu favorables qui arrivent après cinq ans de politique internationale pourtant fortement imprégnée par l'idée écologiste. Et en pleine crise du libéralisme économique, les partis de gauche du monde entier se retrouvent dans une situation assez semblable face aux partis libéraux.
Antifascisme, éoliennes, et yoga
« Si la gauche veut sortir en tête des élections, elle devra se réconcilier avec sa conception des émotions », avoue Claude Turmes, vice-président du Parti Vert européen et eurodéputé depuis dix ans. Cheveux grisonnants, queue de cheval et petites lunettes de rat de bibliothèque, ce Luxembourgeois d'âge mûr tente de transmettre ses idées. Ce qu'il attend de ces élections ? « Le Green New Deal ». Un plan inspiré des grandes réformes que le Nord-américain Franklin D. Roosevelt avait lancé dans les années 30 pour sortir de la crise : « La seule et unique crise avec laquelle nous pouvons comparer celle que nous traversons aujourd’hui. »
« La droite n’a jamais renié les émotions. Le problème, c'est qu'elle se base sur des émotions trop primitives. Obama est un exemple de ce que la gauche doit faire en Europe. Son discours se base également sur des sentiments, comme l'était celui de Roosevelt. Roosevelt, qui a remporté deux fois les élections contre des candidats fascistes, tandis que l’Europe perdait sa bataille contre le nazisme. » Sensible au développement de chaque pays du monde, le Green New Deal (ou « nouvel accord vert ») ne peut pas seulement s’alimenter d’économie et de statistiques. « Il doit y avoir un pilier qui stimule le développement personnel. Et j'espère que ce développement pourra se diversifier et passer au travers des activités simples comme le piano, la lecture, ou encore le yoga », explique Claude Turmes.
Des millions de panneaux solaires
Entre la période Roosevelt que décrit l'eurodéputé et l'actuelle, la classe moyenne mondiale est passée de 300 millions à 2000 millions de personnes. Ce qui n'implique pas forcément un plan de relance mondial, mais suppose avant tout une pression bien plus forte de la part des citoyens mécontents. « Le moteur de ce plan de relance doit être les énergies et matériaux renouvelables car ce sont des marchés locaux qui produisent une valeur ajoutée et des postes de travail là où l’on investit », insiste Claude Turmes. Et à tous ceux qui annoncent que la prochaine bulle économique est en train de se créer dans le marché des énergies renouvelables, l’eurodéputé répond sans détours. « Il manque des millions de panneaux solaires, des milliers d’éoliennes, et des centaines d’usines de biomasse. » Des investissements massifs qu'il justifie par leur action concrète sur « l'économie réelle ».
La Californie et la Corée du Sud comme modèles
Si la crise actuelle a débuté aux Etats-Unis, c'est bien en Europe qu'elle fait le plus de dégâts. Au premier trimestre 2009, les Etats-Unis ont perdu 1,6 % de leur produit intérieur brut, tandis que l’Europe a vu s'envoler 2,9 % de son PIB. Outre Atlantique, le plan de relance d’Obama est bien différent de celui de Barroso en Europe. Et bien plus considérable. Aujourd'hui, les Verts européens tentent de souligner les abbérations du plan de relance européen.
En Corée du Sud par exemple, les 80 % de son plan de relance misent sur des technologies et des industries vertes, de même pour la Chine à hauteur de 40 %. En France et en Allemagne, ce chiffre ne dépasse pas les 15 %. « Si cela continue, l’Europe perdra la bataille de l’économie mondiale, la révolution verte, comme elle a déjà perdu la bataille de l’information », confie Claude Turmes, toujours serein.
Le pain n’est pas une marchandise
L’inconnu, c’est trouver comment financer une telle révolution en pleine contraction du crédit mondial. Pour cela, les Verts proposent que la Banque européenne d’investissement utilise 5000 millions d’euros du Plan Barroso pour développer le secteur de l’éco-industrie. « Depuis l’instant où une éolienne se met à fonctionner, elle produit et contribue à ce que nous dépendions moins du gaz russe », argumente l'eurodéputé.
Une autre idée récurrente de la campagne des écologistes européens, la recherche de l'indépendance du secteur alimentaire et du secteur énergétique. « Moi, je ne suis pas isolationniste, conclut Claude Turmes, mais toutes les régions du monde ont intérêt à être souveraines au niveau alimentaire et énergétique pour éviter les conflits. S’il y a la guerre en Irak, c'est parce qu'il y a du pétrole. Il peut se produire la même chose dans le futur avec les aliments si nous continuons à les considérer comme une marchandise quelconque et permettons que l’on spécule sur le prix du blé. » Et cette indépendance pourrait éviter à l'Europe de signer de nombreux chèques (inutiles) à la Russie et à l'Arabie Saoudite.
Merci à Camille Thomas pour son travail d'édition sur ce texte.
Translated from Claude Turmes: “La izquierda debe reconciliarse con las emociones”