Cinéma : Sacha Baron Cohen est Brüno
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Philippe-Alexandre SaulnierLe nouveau film de l'humoriste Sacha Baron Cohen (Borat, c'était déjà lui!), Brüno, est à l'affiche en Europe. Dans cette satire, il se métamorphose en journaliste de mode superficiel, gay jusqu’à la caricature et de surcroit autrichien. L'Ukraine interdit sa diffusion et l'Autriche frémit!
Les craintes que le film ne soit pas autorisé en Autriche étaient grandes. Il faut reconnaître que les risques de plainte pour diffamation n’ont pas manqué de fuser de toute part. Ainsi, le 10 juin dernier, jugeant que la réputation touristique de son pays pouvait en pâtir, Emil Brix (Directeur général délégué aux Affaires culturelles au sein du Ministère des Affaires extérieures de la République fédérale autrichienne) s’était empressé d’élever une vive protestation auprès d’Universal qui produit le film. La communauté gay, elle-même, montrait une réserve, pour le moins… dubitative. En mettant ainsi les pieds dans le plat, on peut se demander en effet si Brüno ne tient pas un peu de l’éléphant subitement lâché dans un magasin de porcelaine ? Dans le film de Larry Charles, le comique et maître du quiproquo britannique, en string et les jambes impeccablement épilées, incarne un journaliste de mode gay, au QI rachitique dont la devise pourrait se résumer en trois mots : look, potins, paillettes. A l’instar du héros, l’intrigue se raconte en quelques mots.
Après des débuts désastreux dans le monde de la mode, ponctués d’innombrables faux-pas et de bourdes incalculables durant la Fashion week de Milan, Brüno, animateur de Funkyzeit (une émission télévisée consacrée à la mode) perd son emploi. De là, lui vient l’idée de partir pour L.A dans l’espoir de devenir l’Autrichien le plus célèbre depuis Adolf Hitler. Sans faire dans la dentelle, les références (bonnes ou mauvaises !) à l’image de la patrie du divin Mozart et à son passé y sont copieusement servies à la louche. Rien ne manque dans ce film où évolue un garçon bronzé et superficiel s’exprimant avec un accent autrichien à couper au couteau. Du passé nazi, à la récente Life Ball, (la manifestation de lutte contre le sida qui s’est tenue à Vienne en Mai 2009 et qui a eu un écho retentissant aux USA), vous y trouverez tous les clichés d’usage. Et, pour ceux qui comprennent l’allemand, l’authenticité est sauve puisque certaines répliques fleurent bon le pur argot viennois.
Un humour indigeste ?
Dans ce rôle de composition, Brüno revendique autant son homosexualité que son nationalisme. Au mariage impossible des contradictions, on ne pouvait pas pousser plus loin la caricature. Pour recueillir les fantasmes de cette antithèse de l’athlète à la blondeur décolorée jusqu’à l’outrage, le divan du docteur Freud ne serait pas assez profond. Mais, si les pulsions sexuelles de l’austro-conquistador tournent à plein rendement, ses blagues, en revanche, n’émergent jamais vraiment au-dessus de la ceinture. En tant que spectateur, on peut se demander ce qui est peut être si comique dans ces scènes de décadence sexuelle. Si le furieux humour assassin, non exempt de franchouillardise, porte parfois des coups rudes, le manque d’esprit et de délicatesse qui en émane, est, lui aussi, hélas, bien présent. Ainsi, c’est avec une imbécilité désarmante qu’il n’a de cesse de démasquer le cirque des médias vides de sens.
Quant à la charge lancée contre les USA, elle est encore plus lourde que les saillies déjà si peu légères décochées contre sa patrie présumée d’origine. Autrement dit, Brüno enfonce le clou. Par exemple, on n’y apprend que si l’on veut rester, outre-Atlantique, un couple homo très tendance, il est recommandé d’adopter un bébé noir. Visiblement, les motivations profondes de ce redresseur de torts consistent donc à penser et agir au-delà de tout ce qui est politiquement correct. Transgresser, quoiqu’il arrive : tel est le mot d’ordre !
Malgré certaines scènes vraiment comiques, on se sent toutefois très vite blasé par cet humour de corps de garde. A force de trop donner du poing dans le punching-ball, il se dégonfle et les coups portés finissent par devenir très indigestes. Un peu too much, en somme ! Nous sommes en droit de nous demander si le public autrichien a savouré cet exercice de dérision avec autant de… légèreté ? Difficile à dire. Bien sûr, les parodies débitées à la chaîne correspondent toujours bel et bien à quelques réalités indéboulonnables. Certes, des porcelaines démodées et poussiéreuses dorment toujours quelque part au fond d’une vieille armoire de style Biedermeier !
Certes, les touristes japonais raffolent toujours autant de la SacherTorte et… cela reste aussi un fait incontestable (ne l’ébruitez pas !) : on valse encore et toujours à Vienne. Mais, de là à penser que Brüno à lui seul pourrait bouleverser l’ordre des choses dans la si conservatrice république alpine parait un peu présomptueux. Au contraire, tout laisse à penser que ça ne soit pas encore demain la veille !
Translated from Brüno - bieder war gestern