Chronologie des référendums manqués
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En France, c’est tout ce que l’on entend dans la bouche des candidats aux élections présidentielles. Chacun le présente à sa sauce et trouve une manière plus innovatrice que l’autre pour jouer la carte de la consultation citoyenne. Mais attention à ne pas trop se mouiller car le référendum c’est aussi prendre le risque de devenir le dindon de la farce.
Mettre sa position dans la balance, une bonne idée ?
Remontée dans le temps
27 avril 1969 : Charles De Gaulle quitte son poste de président de la république française. Il a joué et il a perdu. Peu auparavant, il lance un référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat et reçoit un retentissant « non » qui le mettra à la porte, ayant promis son départ anticipé si cela arrivait. Depuis sa prise de pouvoir, la gouvernance de de Gaulle est rythmée par les référendums qu’il estime être l’expression de la souveraineté. Le soutien du peuple est selon lui essentiel pour gouverner. Victime de sa propre stratégie, il finit par perdre au lendemain des révolutions de mai 68’.
D’autres hommes politiques ont suivi son exemple et ont réalisé que quand on joue avec le feu, on finit par se bruler. Saut dans le présent…
23 juin 2016 : plus besoin de présenter le maintenant tristement célèbre Brexit. David Cameron, ancien premier ministre, a été pris à son propre piège. Persuadé de réaffirmer sa position et de relancer les négociations avec l’Union Européenne en remportant le référendum, l’issue du vote a changé la donne. Certes, le résultat était incertain car le taux d’euroscepticisme britannique a toujours été très variable. Mais l’impopularité du premier ministre a contribué à faire basculer le vote en sa défaveur. Cameron s’est tiré dans les plumes en proposant ce référendum. En somme, un autre politicien sur la touche.
Le 4 Décembre 2016, c’est au tour de Matteo Renzi, président du Conseil en Italie, de jouer la carte du référendum. Il demande l’avis des italiens sur une vaste réforme constitutionnelle. Matteo Renzi joue gros sur ce référendum. A tel point qu’il le personnalise et que celui-ci devient très lié à sa personne, ça lui colle à la peau. Résultat ? Le vote devient un choix affectif par rapport à l’homme et perd de vue son réel enjeu. Début décembre, Matteo Renzi perd son pari. 60% de la population vote contre ses propositions. Renzi : K.O.
Dans ce cas de figure, comme pour l’Angleterre, le vote a été orienté par le bilan relativement négatif du parti au pouvoir. Le référendum se transforme alors en un vote qui valide ou non le mandat du politicien et la question posée passe au second plan. On se demande alors si ce mode de décision est efficace et pertinent.
Et quand on ne s’engage pas personnellement, est-ce que ça fonctionne mieux ?
6 avril 2016 : Suite à une demande citoyenne, les Pays-Bas convoquent un référendum consultatif sur l’accord d’association entre l’Union Européenne et l’Ukraine. Celui-ci vise notamment à la libéralisation de la délivrance de visas. L’accord est rejeté par les néerlandais (plus de 60% en défaveur). Mais peu importe le résultat de ce vote populaire, les conséquences ont été nulles. L’UE n’en a fait, finalement, qu’à sa tête, décrédibilisant au passage le gouvernement néerlandais. Donald Tusk a « pris note » de l’issue du scrutin mais cet accord était déjà entériné et entré en vigueur de manière « provisoire ».
2 Octobre 2016 : Viktor Orban choque l’Europe en lançant un référendum anti-immigration. Soutenu largement par les électeurs hongrois (98%), il sera heureusement rejeté par manque de participation (moins de 30%). Un échec ? certainement ! Même si le premier ministre ne le voit pas du même œil. Orban essaye de réparer les pots cassés mais au final, sa position face à l’Union Européenne, face aux hongrois et face aux autres partis politiques de son pays est fragilisée. Il se retrouve isolé et affaibli. C’est ça, le revers de la médaille.
Et maintenant, qu’est-ce qui nous attend ?
16 avril 2017 : Référendum en Turquie. Les Turcs devront décider s’ils veulent renforcer les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan. On sait qu’Erdogan bénéficie d’un fort appui de la population turque. Malgré des méthodes qu’on peut parfois qualifier de « douteuses », une grande partie de la population le soutient en raison de ce qu’il a fait pour le pays. Pronostique ? Ici, peu importe le résultat, le peuple se retrouvera probablement perdant. Avec un oui, la Turquie se verra fichée d’un leader « monoplace » qui écrasera toute opposition. Si le non l’emporte, on risque de voir un Erdogan instable, ne supportant aucune forme de critiques et capable de renforcer son étreinte sur les quelques libertés encore accordées aux turques.
Calculs politiques manqués, ces référendums devaient servir d’outil pour assurer aux politiques le soutien de la population et renforcer leur position et tout ça en contournant l’opposition du gouvernement. Au final, c’est la politique de l’arroseur arrosé. Une chose à retenir : lorsqu’on lance une consultation citoyenne, vaut mieux être un minimum populaire.