Chorégraphes politiques
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Art is politics. Troisième volet de notre série de portraits d’artistes qui tentent de résister au ‘Tchernoby culturel’ dans une Biélorussie asphyxiée par le président Aleksander Loukachenko.
Ancien danseur étoile et professeur de danse à l’Ecole chorégraphique de Minsk, Alexandre Furman, 44 ans, aimerait créer une nouvelle compagnie de danse, un ballet indépendant. Mais depuis 6 ans qu’il bataille contre l’administration biélorusse, il lui est impossible d’obtenir la moindre autorisation du régime de Minsk. Il n’y a pourtant rien de politiquement incorrect, encore moins de revendicatif dans la démarche de Furman.
Mais Aleksandr Loukachenko nie les vertus de l’autorégulation de la vie sociale, politique et économique, la société devant être à la botte de l’appareil gouvernemental. Associations indépendantes, acteurs civils, activités économiques privées sont le plus souvent considérées comme des initiatives ‘subversives’.
Peut-être est-ce l’orientation ‘danse moderne’ de ce projet de ballet qui effraie les autorités. En effet, les deux seules compagnies de ballet existantes à ce jour sont nationales et de danse classique uniquement. Sa situation reste pour l’instant inextricable. Depuis un décret présidentiel de septembre 2005, il est impossible d’obtenir de l’argent de sponsors privés, de peur qu’il n’aille financer l’opposition. Pas question pour d'éventuels mécènes d’aider les artistes.
De nombreuses clauses juridiques sont là pour décourager toute tentative en ce sens. La conseillère culturelle de l’Ambassade de France à Minsk notamment, qui souhaitait supporter la compagnie naissante de Fulman pour l’achat de costumes, a vu ses transactions bancaires interdites parce que l’ambassade n’est pas considérée comme ‘résidente’ en Biélorussie. Le plus simple serait bien sûr de donner l’argent en liquide, mais qui le peut aujourd'hui?
Natalia, l’épouse d’Alexandre est d’ailleurs la seule femme en Biélorussie chargée de monter des grands projets de ballets. En 2000, elle monte une adaptation de Macbeth, avec une musique et une chorégraphie originale, à l’Académie de théâtre biélorusse.
L’évènement mérite d’être mentionné quand on sait que les mises en scène présentées dans le pays ont en moyenne 15 ans d’âge. «Le problème, » dit Natalia, « c’est d’une part la recherche d’argent, d’autre part, les lieux pour représenter des ballets.» Il existe seulement 2 scènes en Biélorussie, lesquelles accueillent en priorité des spectacles ayant déjà fait leurs preuves.
La compagnie menée par Natalia est composée d’artistes indépendants ou d’artistes qui ont déjà travaillé avec elle et qui souhaitent revenir. A l’heure actuelle, ils répètent ‘Dom Juan.’ Mais l’Opéra est en travaux et il y a encore moins de place qu’auparavant. Des danseurs professionnels qui ont étudié pendant des années et ont participé à des corps de ballet à l’étranger, se retrouvent donc à répéter dans des écoles primaires à la fin des heures de classe.