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Chéri, c’est fini entre nous, ou l’article 50 expliqué

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BruxellesPolitique

Une semaine après le Brexit, le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne promet d’être douloureux. C’est ce que les deux époux ont essayé d’éviter lors du Conseil européen des 28 et 29 juin. Mais la route est encore longue avant qu'ils ne deviennent officiellement des ex. Le chemin à parcourir ? Il est détaillé dans l’article 50 du Traité de Lisbonne. Et ce ne sera pas une sinécure. 

Si le divorce ne peut pas être immédiatement prononcé après les résultats du Brexit, c’est d’abord parce que le référendum britannique n’est pas reconnu en droit européen. Dit autrement, il n’a pas de valeur juridique contraignante. C’est un peu comme si un soir de grosse engueulade, le Royaume-Uni avait lâché à l’Europe : « C’est fini j’en peux plus, je te quitte. En plus t’es moche ! ». Des propos délicats à retirer, certes, mais ce n’est pas pour autant que le contrat de mariage est rompu et que les clefs de l’appartement sont rendues.

Briser les liens du mariage

La « bonne nouvelle », c’est que le Traité sur l’Union européenne (TUE) indique bel et bien la démarche à suivre dans le cas d’une telle rupture. C’est le fameux article 50 et il prévoit plusieurs choses.

La première est qu’il faut ouvrir une procédure de divorce en bonne et due forme pour que la demande soit actée. En clair, le Royaume-Uni doit « notifier » à « l’Union » son désir de la quitter et les conditions dans lesquelles il souhaite le faire. C’est d’ailleurs pourquoi tous les dirigeants européens pressent les Britanniques à se prononcer. Puisqu’avant que les avocats de chaque partie ne s’affrontent dans des négociations serrées pour savoir qui va garder la voiture, le chien, la maison et les bijoux de famille, il faut que chacun sache ce que l’autre veut reprendre et comment il envisage la suite de la relation. En somme, il faut donc que cette rupture soit une vraie rupture. Elle ne peut pas se passer au téléphone ou par texto, il faut passer par le tribunal.

Angela Merkel l’a bien souligné lors de sa conférence de presse du mardi soir : il n’y aura aucune négociation avant que l’article 50 ne soit déclenché, « ni formelles, ni informelles ». Les 27 coupent donc court aux espoirs de ce foireux partenaire qui voudrait régler le partage des biens avant que la demande de divorce ne soit officiellement actée. Le mot d’ordre est « fermeté », ne pas craquer devant le tumultueux amant. Et c’était bien ça, le véritable sens de la formule de Xavier Bettel, Premier ministre du Luxembourg : « Ici, on n’est pas sur Facebook. On est marié ou on n’est pas marié ».

Forcé à la démission, David Cameron s’empresse de laisser la lourde tâche de la rupture officielle avec l’UE à son successeur, dont il a confirmé qu’il sera désigné pour le 9 septembre par les Conservateurs.

Reste à savoir quand est-ce que ce nouveau premier ministre décidera pour sa part de notifier le Conseil européen du retrait du Royaume-Uni. La pression politique sera toutefois si grande qu’il ne pourra pas se permettre de tarder trop. Et Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne confirmait en conférence de presse nocturne avec un sourire en coin : « Si le nouveau premier ministre est "remainer" il aura deux semaines pour déclencher la procédure. S’il est "Brexiter", il aura deux jours ».

Enfin, le traité prévoit un délai de négociation de deux ans par défaut. Il pourra être allongé si et seulement si les 27 chefs d’états et le Royaume-Uni sont d’accord. Aucune information n’a circulé quant à la possible prolongation de ces deux ans mais il faut savoir que le travail qui attend les négociateurs est colossal. Et toujours Madame Merkel de rappeler qu’aujourd’hui les 27 attendent « que la Grande Bretagne nous dise clairement quelle relation elle veut avec l’UE et nous verrons si ses attentes correspondent aux nôtres et à nos intérêts. »

Même après 43 ans de mariage, tout n’est pas permis

La journée du 28 juin était donc, en grande partie, consacrée aux adieux émus de Cameron à ses homologues pour son dernier Conseil européen. Car rien ne se passera entre les deux avant le mois de septembre.

C’est bien pour cela que les conclusions du 29 juin ne consacrent que quelques lignes à ce qui, en fait, n’est qu’un non-évènement : « Le premier ministre du Royaume-Uni a informé le Conseil européen du résultat du référendum qui a eu lieu au Royaume-Uni ». En revanche, ses ministres et son successeur, devront rester assidus aux sommets européens et aux conseils de l’Union européenne - l’institution qui forme, avec le Parlement européen, le pouvoir législatif en Europe.

En effet, avant et durant le temps des négociations, qui sera d’au moins deux ans, le traité mentionne que le Royaume-Uni gardera les mêmes droits et obligations jusqu’à ce que les termes de la rupture soient négociés et entrent en vigueur. De facto, dans les années qui viennent, le Royaume restera un membre lambda de l’UE et prendra part à ses décisions. Bref, il faudra rester dans le même appart’ tant que le bail n’est pas terminé.

Pour ce qui est des négociations qui se feront à partir de septembre, elles suivront la procédure décrite à l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), le traité qui règle les questions « techniques » dans l’UE. Le 218, c’est l’article qu’utilise l’Union lorsqu’elle négocie des accords avec les pays dits « tiers », ceux qui ne sont pas membres.

L’UE est donc bien décidée à n’accorder aucun privilège et à traiter la Grande-Bretagne comme tout le monde. François Hollande expliquait : « Le Royaume-Uni n’aura pas à l’extérieur de l’Union ce qu’il n'avait pas dans l’Union. Si le Royaume-Uni veut bénéficier de la libre circulation des biens, des capitaux et des services, il devra accepter la libre circulation des personnes ». Ce n’est pas parce que l’on a été ensemble pendant 43 ans que tout est permis.

Y penser à deux fois

Et si la Grande Bretagne décidait malgré tout dans quelques années de se remettre avec l’UE ? Eh bien il faudra faire la queue comme tout le monde et se farcir toute la procédure d’adhésion prévue à l’article 49 du TUE, la même que pour tous les États tiers à l’Union et que la Turquie, par exemple, connaît bien. Il faudra regagner la confiance et le cœur de la vieille Europe.

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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Bruxelles. Toute appellation d'origine contrôlée. 

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Il nous a été officiellement interdit de citer les Clash, mais la question rappelle bel et bien cette fameuse chanson. Le 23 juin prochain, les citoyens britanniques se rendront aux urnes pour décider, ou pas, du maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Huge. Tant et si bien qu'on a 2 ou 3 choses à dire sur le sujet. Retrouvez notre dossier très costaud sur la question du Brexit.