C'est quoi un indigène Européen ?
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Les « Perussuomalaiset » (« Vrais Finlandais »), parti nationaliste et eurosceptique, troisième force politique de la Finlande : une exception nordique ?
Avec Marine Le Pen, leader d'un Front National nouveau style qui secoue les sondages en France, la quête des « Indigenous Britons » (« indigènes britanniques ») au Royaume-Uni ou la Ligue du Nord en Italie, l'Europe est plus que jamais habitée par des « purs » Européens. C'est du moins ce qu'ils veulent nous faire croire, au risque de faire perdre à certains l’envie d’y rester.
Parler de « souche, sang, race », comme le font les populistes de droite comme l'influent blogueur français « François Desouche », c’est d’emblée rejeter ceux qui incarnent l’altérité : les immigrés. L'Europe, terre d’immigration s’il en est, même si la France et l’Italie aimeraient changer la donne en retoquant l’espace Schengen, est paradoxalement peuplée de mouvements politiques qui se basent sur des discours d'authenticité. Le summum a été atteint en Angleterre où Nick Griffin, leader du Parti National Britannique d’extrême-droite, a déclaré : « Theindigenouspeople of this island are the English, the Scots, the Welsh and the Irish … We are theaborigineshere » (« Les indigènes de cette île sont les Anglais, les Ecossais, les Gallois et les Irlandais… Nous sommes les aborigènes ici »), signifiant par là aussi que la culture d’origine de l’île ne doit pas être trop mêlée à celle des non-indigènes. Une quête d'authenticité pas typiquement british. En Italie, la Ligue du Nord a utilisé le concept d'indigène pour une de ses affiches de campagne représentant un Indien d'Amérique : « Loro hanno subito l'immigrazione, ora vivono nelle riserve ! » (« Ils ont subi l'immigration. A présent, ils vivent dans des réserves »). Le concept d'indigène a pourtant un sens historique bien différent, bien rappelé par The Guardian.
Mais en pleine crise économique, cet amalgame cynique peut être gagnant.
En Finlande, seule 3,1% de la population est étrangère, mais les « Vrais Finlandais » viennent de gagner 19,1% des votes aux élections. Mais ils ne sont pas seuls. Autriche, Italie, France, Pologne, ... Aussi différents que soient ces pays, l’idée d’une menace étrangère y fait son chemin. Alors certains se raccrochent à leurs « racines ». En Pologne, on parle ainsi de « rdzenny Polak », le Polonais de souche. Dans chaque pays ou presque, on a cherché la trace d'un hypothétique indigène. « L’Anglais de souche » descendrait pour certains du Celte, du Viking et du Normand : autant d’identités flatteuses renvoyant à un passé mythique de guerriers. Et on s’insurge, à la manière de Nick Griffin, contre ceux qui tenteraient de faire passer les Anglais pour des « mongrel », (« bâtard » ou « sang-mêlé » à la Harry Potter). Ces discours sur l’origine, sujet politique européen du moment, spécialement en France avec le débat sur l’identité nationale, instaurent un certain malaise. Pour le chroniqueur belge Hugo Camps, à trop se replier sur l’idée d'indigène européen, on risque tout simplement de devenir indignes de nous-mêmes.
Ilustration: Henning Studte/ studte-cartoon.de