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« Cent minutes pour faire le tour de la Terre »

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MetOp1, un satellite dernier cri censé révolutionner la météorologie vient d'être lancé depuis l'astrodôme de Baïkonour au Kazakhstan.

Initié par l'Agence spatiale européenne et Eumetsat à la fin des années 90, MetOp a déjà la tête dans les nuages. Marc Cohen, directeur du programme MetOp au sein d’Eumetsat, l’organisation européenne des satellites météorologiques, promet de meilleures prévisions météorologiques et une surveillance climatique plus pertinente.

Qu’est-ce que MetOp et quelle est sa spécificité ?

Ce satellite, comme les deux autres qui suivront, sera placé sur une orbite polaire à une altitude d'environ 840 kms. Jusqu’à présent, nous ne disposions que de satellites géostationnaires fixes, comme Meteosat, qui surveillent la même zone depuis l’Equateur et à 36 000 kms d'altitude. En gravitant 42 fois plus près de la Terre, MetOp pourra observer des détails plus fins de l’atmosphère et recueillir des données sur tous les points du globe. L’engin, d’une durée de vie de 5 ans, mettra 100 minutes pour faire le tour de la Terre et passera 14 fois par jour au dessus des pôles.

Ses 12 instruments à bord fourniront des images à haute résolution des profils de température et d'humidité ainsi que la température de la surface des terres et des océans à l'échelle mondiale. Ils mesureront aussi les niveaux d'ozones dans l'atmosphère et surveilleront l'écoulement des vents au-dessus des océans. La spécificité de MetOp est IASI (Interféromètre atmosphérique de sondage dans l’infrarouge), un outil unique au monde, qui va considérablement améliorer la précision des données. Sur les quinze dernières années, les chercheurs ont réussi à allonger les prévisions météo d’un jour seulement [aujourd’hui à 5 jours]; avec IASI, nous visons une demi-journée de mieux en 3 ans.

Combien le chantier a-t-il coûté et à qui s’adresse t-il ?

Le programme MetOp, comprenant la fabrication des satellites, l’infrastructure sol et le lancement de 3 satellites sur 14 ans a coûté 2,4 milliards d’euros, dont 1,8 milliards financés par Eumetstat. Il aura coûté 60 centimes d’euros par an et par citoyen européen. C’est le plus gros satellite d’observation météo jamais construit en Europe : chacun d’entre eux pèse près de 4,5 tonnes. Les données recueillies en temps réel par MetOp fourniront des informations aux météorologues mais également aux scientifiques de la communauté mondiale qui travaillent sur la problématique des changements climatiques. On s'attend à de meilleures prévisions météorologiques et une surveillance climatique plus pertinente.

MetOp a été construit en collaboration avec les Etats-Unis. L’Europe n’est-elle pas capable d’innover seule en matière spatiale ?

Il y a une grande coopération entre l’Europe et les Etats-Unis depuis les années 80 dans la récolte des données météo. Les 12 instruments qui équipent les satellites MetOp ont été développée en collaboration avec le CNES [Agence spatiale française] et la NOAA [National Oceanic and Atmospheric Administration ]. Aujourd’hui, l’Europe peut définitivement s’imposer : les tests passés au sol démontrent que les performances de MetOp seront supérieures à celle des satellites météo américains actuels et à venir. Le diffusiomètre ASCAT par exemple, permettra de mesurer les vents à la surface des océans avec une précision inégalée.

Pourquoi le lancement, prévu initialement le 17 juillet, a-t-il été reporté ?

Trois jours de suite, le compte à rebours de la fusée Soyouz devant emporter Metop en orbite, a dû être arrêté à cause de problèmes techniques mineurs. Le processus de lancement est très complexe et ce type d’incident fréquent : le lancement de la fusée Ariane a ainsi été reporté à de nombreuses reprises. Là, le problème concernait le système sol du lanceur Soyouz –la même qui a expédié Gagarine dans l’espace- : son système de pilotage désormais numérique et non plus analogique, a provoqué de fausse alarmes dans la procédure de contrôle.

Après MetOp, le satellite d'océanographie Jason-2 sera lancé en 2008

De notre envoyée spéciale à Usingen, Cléa Caulcutt

Le 28 octobre dernier, scientifiques et ingénieurs européens s'étaient réunis en Allemagne pour inaugurer la station sol du satellite Jason-2.

Le bus serpente avant de rejoindre le seuil de la station terrestre d’Usingen, 35 kms au nord de Francfort. Autour de nous, la campagne allemande s'étend à l'infini. Rien ou presque à voir. Cameraman apathiques et journalistes locaux s'extirpent du véhicule avec maladresse, leurs appareils en bandoulière. Doucement, on nous mène en contrebas d'un chemin pavé jusqu'à atteindre le site de la station terrestre de la future mission Jason-2, un programme d’observation des océans.

Dialogue céleste

Nommé ainsi en souvenir du héros mythologique, Jason-2 ne partira lui pas à la conquête de la toison d’or mais fera le tour de la planète en scannant les océans ainsi qu'en mesurant le niveau de la mer et la hauteur des vagues. Ce satellite, lancé en juin 2008, entend prévoir plus efficacement certaines catastrophes naturelles comme le tsunami en Asie ou l'ouragan Katrina, aidant ainsi les citoyens à prendre leurs précautions.

C’est ici à Usingen, une ville allemande éteinte, que la station terrestre recevra les données émises par Jason-2. Mais pourquoi Usingen ? Je ne peux m'empêcher de me poser la question en jetant un œil à la rase campagne qui m'entoure. On m'explique que le site a justement été choisi en raison de l'absence d'éléments remarquables. Dans ce vide intersidéral, aucune colline ou clocher d'église ne pourra parasiter le dialogue entre Jason-2 et son compagnon terrestre. Des conditions idéales pour une relation qui durera cinq longues années. Loin des yeux, loin du cœur dit-on mais les normes intergalactiques sont particulières…

Tuyaux d'écoulement et alerte mondiale

Enfin, nous parvenons au terminal de la station terrestre. Des scientifiques en provenance de toute l'Europe s'attroupent autour d'un petit dôme en forme de mausolée, se lançant des plaisanteries altimétriques et algorithmiques. Les représentants des agences aérospatiales les plus réputées au niveau international sont présents : CNES (Centre national d’études spatiales), EUMETSAT (Organisation européeenne pour l’exploitation de satellites météorologiques) et la NASA (Administration nationale de l'aéronautique et de l'espace), une jungle de sigles qui me laisse plutôt dubitative.

Mikael Rattenborg, directeur des opérations chez Eumetsat et le docteur Ulrich Libenow, responsable des technologies pour T-Systems, sortent de la foule et posent sous la lumière des caméramans et des photographes. L’air assez mal à l'aise, ils portent une énorme clé et saluent leurs collègues de la main.

On nous invite ensuite rapidement à rentrer sous le dôme pour admirer une grande antenne parabolique. Selon Florian Setter, directeur financier de Deutsche Telekom, sa construction a avancé lentement, sans encombre majeure excepté une petite alerte à la bombe. Non que les scientifiques de l'aérospatiale soient soudain devenus une cible pour les terroristes internationaux. En réalité, l'équipe de sécurité avait pris une bouche d'égoût pour une bombe de la Deuxième Guerre Mondiale.

Jason-2 se targue d'obtenir une précision supérieure dans la récolte des données, comparé à son prédécesseur Jason 1. Alertes mondiales, changements climatiques et évolution des courants marins sont quelques uns des phénomènes qu'il observera. Ces dix dernières années, le niveau des océans a augmenté de quelques 35 mm et ne semble pas se stabiliser. Les ouragans et autres tornades se multiplient. Un avenir inquiétant qui nous oblige à être terre à terre.