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Casse tête ukrainien au conseil européen

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Bruxelles

(En di­rect du Som­met)

Réunis hier au Conseil Eu­ro­péen pour abor­der les prin­ci­paux su­jets éco­no­miques, fi­nan­ciers et éner­gé­tiques, les vingt-huit chefs d’Etats et de gou­ver­ne­ments ont vu un in­vité sur­prise -pas si sur­prise- mo­no­po­li­ser les dé­bats. Il s’agit bien sûr de l’Ukraine.

Des conclusions contrastées

Il convient pourtant de souligner l’accord « historique » auquel sont finalement parvenus les vingt-huit, concernant l’Union bancaire et la levée du secret bancaire.

Ce positivisme s’est peu à peu entaché à l’abord de la question ukrainienne. Bien que Bruxelles se montre unie et ferme dans son attitude envers la Fédération de Russie, on ne peut que constater une certaine prudence, traduction d’une limite de la diplomatie européenne, dont les intérêts nationaux restent pour beaucoup la priorité.

Un « durcissement » des sanctions

« L’Ukraine a été brutalement agressée ; l’intégrité de son territoire a été violée ». Martin Schulz, président du Parlement européen, s’est joint à l’ensemble des chefs d’Etats et de gouvernements pour dénoncer une annexion illégale de la péninsule par la Russie.

Après l’annonce, quelques heures plus tôt, d’un allongement de la liste des personnalités visées par les sanctions (gel des avoirs et interdiction de visa) par les USA, les Européens s’alignent.

Il s’agit d’un durcissement des mesures déjà prises en réponse à la « fausse  consultation » de la population criméenne, ainsi décrite par François Hollande. Déjà les sanctions de stade deux sur quatre avaient fait l’objet d’une telle liste, à laquelle treize noms vont être rajoutés. Elle sera  dévoilée aujourd’hui, mais sans surprise, elle devrait recouper celle des Américains.

La Russie s’en moque. Elle avait déjà qualifié, par l’intermédiaire du vice-président de la Douma, ces sanctions de « mesures qui ne servent qu’à faire du bruit ». Elle riposte tout de même aujourd’hui avec sa liste contre des dirigeants américains. D’autres mesures ont été décidées telles l’annulation du Sommet UE-Russie de juin prochain et l’ensemble des rencontres bilatérales prévues sur la même période.

Une riposte graduelle

L’Union Européenne insiste : il s’agit de sanctions graduelles.  « La Russie doit comprendre qu’elle ne peut pas continuer, qu’elle doit trouver le chemin du dialogue », déclarait le chef d’Etat français hier. Les vingt-huit sont clairs : une intervention armée n’est pas souhaitée.

Une déclaration qui fait écho à celle des Etats-Unis et qui cherche très certainement à nuancer les dernières déclarations du secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen. L’Europe, fortement dépendante du gaz russe mais aussi de ses investissements dans divers secteurs tels que le marché boursier ou immobilier, a en effet trop d’intérêts en jeu pour se risquer à une telle extrémité.

Cependant, Bruxelles se tient prête à une « escalade » et mandate la Commission pour prévoir des sanctions plus sévères, de stade trois. Ce volet fait aussi partie de la stratégie de dissuasion à laquelle ont recours les vingt-huit.

L’UE bloquée entre fermeté et prudence

Cette approche très diplomatique, voire même symbolique, a déjà été décriée par les Ukrainiens, qui demandent plus de dureté. Plus que l’inefficacité, ou le manque de moyens, ce sont les intérêts nationaux et l’interdépendance de ces deux puissances qui dictent la stratégie. « La Russie nous est trop importante sur la scène internationale» soulignait Martin Schulz, évoquant les questions syrienne et iranienne, et le poids russe au sein de l’ONU.

De plus, il est certain que des sanctions de stade trois auraient des conséquences économiques dramatiques pour l’ensemble des Etats-membres, qui « sortent enfin de la crise » selon Messieurs Barroso et Van Rompuy. De ce fait, François Hollande a confirmé que la commande des deux navires militaires Mistral était maintenue, pour le moment…

Stratégie du wait and see ?

Peu de changements donc dans la stratégie européenne qui, si elle se durcissait concrètement, risquerait de se confronter à l’éternelle dichotomie : communautarisme versus nationalisme. La face unie de l’Union risque bien de s’émietter au gré des intérêts nationaux et de perdre ainsi toute sa crédibilité sur la scène internationale.

Les chefs d’Etats n’ont plus qu’à espérer un changement d’attitude de la Russie pour éviter ce scénario. Un espoir tout particulier est investi dans la mission de l’OSCE, qui devrait à nouveau tenter de se déployer en Crimée, « dans les meilleurs délais ». En cas de blocage, les chefs d’Etats annoncent une mission de l’UE. Quid de l’efficacité, comment l’Union pourrait réussir là où son organisation pour la sécurité et la coopération a échoué ?

L’Union européenne a réaffirmé ce matin son soutien à l’Ukraine en signant le volet politique de l’accord d’association à l’heure où la Douma ratifiait le traité d’intégration de la Crimée. C’est dans ce contexte que le président Obama se rendra à Bruxelles pour la première fois, ce mercredi 26 mars. Gageons que l’Ukraine sera sur toutes les bouches ?