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Bruxelles : le piano à l'honneur

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Culture

Le Concours musical Reine Elisabeth, au-delà d’une compétition prestigieuse, est une rencontre internationale qui réunit en mai et juin les plus grands solistes dans la capitale européenne.

C’est la rencontre, au début du siècle, de la reine Elisabeth de Belgique et du violoniste Eugène Ysayë qui a donné naissance à cette compétition internationale. Si l'évènement est renommé pour son exigence musicale et la virtuosité de ses candidats, la figure culturelle de la reine est toujours aussi déterminante : «elle voulait faciliter les contacts entre les pays et, par la musique, arriver à une plus grande entente entre les êtres humains, » explique Michel-Etienne Van Neste, secrétaire général du Concours. « Surtout pendant la guerre froide. Elle a pris des positions qui ont d’ailleurs irrité le gouvernement belge : aller voir Khrouchtchev en URSS ou Mao en Chine populaire...»

Entre 1955 et 1976, ce sont les Américains et les Soviétiques qui se sont disputés les premiers prix, ne laissant la place aux lauréats européens qu’à partir des années 1980.

Du monde entier

Pour l’édition 2007 qui sera consacrée au piano, ils sont 94 candidats, âgés de 17 à 27 ans. 24 d’entre eux passeront les demi-finales, 12 les finales et, le soir du 2 juin, ils ne seront plus que six lauréats. Ces pianistes viennent de Russie, de Corée, de Chine, de Belgique, d’Ukraine, d’Italie, des USA, de France, d’Israël, de Serbie...Si un haut niveau de formation est exigé, le critère principal reste «d’être capable d’assumer une carrière internationale en tant que soliste après le concours», selon les mots de Nicolas Dernoncourt, coordinateur artistique.

L’Europe est largement représentée cette année parmi les 24 demi-finalistes : dix candidats, parmi lesquels cinq Belges. Les autres nationalités européennes présentes sont l’Italie, la France, la Bulgarie et la Lettonie.

Le pianiste belge Philippe Raskin a par exemple étudié à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, à Bruxelles et à l’Ecole Supérieure Reina Sofia de Madrid.

Certains, comme la Coréenne Hyun-Jung Lim, 20 ans, estiment que « faire de la musique une compétition, c’est antimusical». Mais le concours Reine Elisabeth ne représente pas vraiment pour les candidats une consécration, plutôt une porte qui s’ouvre.

« Il devient difficile de faire carrière même en gagnant un tel concours, car aujourd’hui la concurrence est devenue trop grande, » confie Philippe Raskin. Concernant l’évolution du concours, il ajoute : « On doit certes tendre vers la perfection technique, mais ce serait dommage si la ‘technicité’ prenait le pas sur la musicalité».

Un langage nouveau

Hier, porte de sortie pour les musiciens enfermés derrière le Rideau de Fer, le Concours Reine Elisabeth est aujourd’hui un véritable pôle d’attraction des musiciens dans la capitale européenne. «Bruxelles, en tant que lieu de passage de beaucoup d’Européens, permet un brassage culturel unique, » explique Nicolas Dernoncourt.

La spécificité du concours ? Son rôle de diffuseur de musique auprès d’un large public. Il est le seul concours international qui permet d’entendre une oeuvre contemporaine inédite jouée 12 fois, par 12 finalistes. « Entendre cette pièce six soirs de suite permet au public de réellement l’apprécier. Dans tout autre concert, si on entend une nouvelle création, elle entre dans une oreille et ressort par l’autre,» souligne l'un des anciens lauréats de l'édition 2005 du concours, le violoniste belge Yossif Ivanov.

Autre lauréat, le pianiste américain Daniel Blumenthal résume cette ambition : « Il faut espérer que les quelques personnes qui viennent à la musique par le biais du concours deviennent de vrais mélomanes. »

La musique contemporaine : en avance sur son temps ?

L’oeuvre contemporaine imposée en finale a toujours été l’objet de critiques. Ancien lauréat, le pianiste belge Jean-Claude Vanden Eynden, relativise cette suspicion: « Cette incompréhension entre le créateur et le public a toujours existé, parce que très souvent les créateurs étaient en avance sur leur temps. A l’époque, les gens ne comprenaient rien à Brahms ou Ravel.»

Cette tendance n’a guère changé aujourd’hui. « A l’époque de Bach, tout le monde allait à l’église le dimanche pour entendre son dernier chef-d’oeuvre. Aujourd’hui on va au concert pour entendre Bach et non György Ligeti, Helmut Lachenmann ou György Kurtag », remarque le pianiste Jan Michiels. « C’est un peu dommage que ce soient toujours les ‘tubes’ classiques qui fonctionnent le mieux auprès du grand public, parce qu’il y a tant d’autres morceaux qui valent la peine d’être connus,» déplore encore Yossif Ivanov.

Au Concours Reine Elisabeth cependant, les morceaux choisis par les candidats sont révélateurs d’une évolution des mentalités. « C’est d’ailleurs une volonté du Concours de stimuler cette ouverture, » conclut Michel-Etienne Van Neste.