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Brexit : tout ça pour ça

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BruxellesPolitiqueBrexit : la possibilité d'une île

[OPINION] L'une des revendications majeures de David Cameron dans les négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’aura servi qu’à envenimer le débat politique entre les partenaires européens. Aperçu d'un débat encore inachevé.

« Je n’accepterai pas un accord qui ne répond à nos besoins. » C’est en ces mots que s’est exprimé David Cameron, lors de sa brève intervention d’à peine 40 secondes à son arrivée au Conseil européen des 18 et 19 février. Face à une opinion publique de plus en plus eurosceptique, voire europhobe, le Premier ministre britannique affichait de fermes intentions avant même le début des vraies négociations.

Un des points de friction concernait la place du Royaume-Uni vis-à-vis d’une « union sans cesse plus étroite », formule inscrite à l’article 1 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et dans le Préambule des traités. En vue du référendum sur l’appartenance du Royaume à l’Union européenne, ce point était présenté comme crucial pour rassurer les citoyens britanniques.

Ceci dit, l’accord trouvé par David Cameron et ses homologues européens, bien que symboliquement fort, n’aura certainement qu’une portée limitée. Politiquement parlant, il ne vient qu’alimenter un climat déjà tendu entre les États membres depuis quelques mois et juridiquement, ses effets sont nuls.

Incarnation malmenée de l’idée européenne

Cette formule d’une « union sans cesse plus étroite » pourrait résumer l’esprit des pères fondateurs et de la construction européenne. Il s’agit de créer des solidarités toujours plus importantes entre les États membres, d’aller plus loin dans l’intégration européenne. Inscrite à l’article 1er du TUE, elle a une portée très forte.

Dès les présentations de ses intentions dans une lettre datée du 10 novembre à l’attention de Donald Tusk, David Cameron avait bien insisté pour exempter son pays de cette stipulation. Il est vrai que la place du Royaume-Uni a toujours été « particulière », avec une non-participation à la monnaie unique, à de nombreuses coopérations, une exemption à la Charte des droits fondamentaux ou encore avec le fameux « chèque britannique », impliquant, depuis 1984, une réduction de la participation budgétaire du Royaume-Uni au budget commun européen. Mais s’il est vrai que certaines demandes de David Cameron étaient vues avec un peu plus de bienveillance par ses partenaires européens, celle-ci était plus polémique, puisqu’il s’agissait de remettre en cause les fondements de l’idée européenne.

Cette requête vient s’ajouter aux nombreuses crises identitaires que connaît l’Union européenne depuis quelques mois avec la crise grecque ou celle des réfugiés, où de nombreux États membres se sont refusés à une quelconque solidarité envers leurs partenaires. L’attitude du Royaume-Uni n’a donc malheureusement rien de surprenant.

Et cet accord, trouvé sous la forme d’une déclaration dans les conclusions du Conseil européen, est donc un coup dur politique pour l’Union européenne, qui n’en avait pas besoin, et encore moins en ce moment.

Une déclaration juridiquement inutile

Sur la forme, ce « deal » a fait l’objet d’intenses tractations menées notamment dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 février. La place de cette exemption dans les textes était d’une importance fondamentale. Sous la forme d’un article d’un des traités ou d’un protocole, elle aurait été dotée d’une force juridique contraignante.

Sous la forme d’une déclaration, elle aurait manifesté une intention politique, avec un sens symbolique indéniable mais une valeur juridique nulle. Et c’est cette dernière formule qui a été choisie, notamment sous la pression d’États europhiles comme la Belgique et dans une moindre mesure de la France et d’autres États. Ainsi, dans les conclusions du Conseil européen, les États-membres s'engagent, lors de la prochaine révision des traités, à exempter le Royaume-Uni de cette stipulation. François Hollande a d'ailleurs affirmé clairement dans sa conférence de presse finale qu'elle ne s'appliquera pas au Royaume-Uni à l'avenir.

Mais l'accord prend bien la forme d'une déclaration qui, à l'instar de celles annexées aux traités, telle la prise en compte de « la situation particulière des pays de petite dimension territoriale entretenant avec elle des relations spécifiques de proximité » (déclaration 3), a bien une portée symbolique réelle, mais ne lie ni les États membres, ni l’Union. Son intérêt est en réalité insignifiant.

Et cette référence était d’autant plus inutile que l’ « union sans cesse plus étroite », à savoir l’accroissement des compétences de l’UE, plaçait déjà le Royaume-Uni au cœur du processus de décision, en soumettant la révision des traités à une décision à l’unanimité des États membres. Le Royaume-Uni n’était donc pas mis à l’écart auparavant et ne sortira pas non plus renforcé de ces négociations.

Et maintenant ?

David Cameron faisait preuve de triomphalisme en conférence de presse, prétendant avoir remporté une victoire-clé pour son pays concernant sa place dans l’Union. Alors que cette déclaration, objet de polémiques inutiles et nauséabondes, n’est en réalité qu’un écran de fumée masquant un immobilisme juridique et mettant en lumière de profonds désaccords sur l’idée même de la construction européenne. Reste à savoir quelle sera la réaction des citoyens britanniques face à cet accord.

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Cet article a été rédigé par cafébabel Bruxelles. Toute appellation d'origine contrôlée.