Brexit : entre qui-vive et sauve-qui-peut
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À mesure des rencontres avec ses principaux partenaires commerciaux, la première ministre du Royaume-Uni semble de plus en plus frappée d’inquiétudes concernant les conséquences économiques du Brexit. Du coup, tout est à rejouer ? Peut-être, mais 43% de jeunes Britanniques n’attendront pas et préparent d’ores et déjà leurs valises pour un futur qui leur promet moins de questions.
Theresa May est partie en voyage d’affaire. Le 4 et 5 septembre, elle s’est envolée pour Hangzhou, en Chine, afin de rencontrer ses homologues internationaux, à l’occasion du sommet des chefs d’État du G20. C’est la première grande partition diplomatique à laquelle participe la nouvelle première ministre non élue du Royaume-Uni depuis sa nomination à la tête du gouvernement, le 13 juillet dernier. Mais si l’ancienne secrétaire d’État à l’Intérieur a pu profiter de la démonstration de puissance chinoise lors de l’événement, elle peut aussi désormais compter les fausses notes qui ont jalonné ses rendez-vous capitaux avec les principaux dirigeants du monde.
Ne vous attendez pas à ce que les gens changent
En 48h, Theresa May a pu rencontrer Xi Jinping, Barack Obama, Vladimir Poutine, Shinzo Abe (premier ministre du Japon) ou Narendra Modi (premier ministre de l’Inde). Des réunions, un sujet : le Brexit et plus précisément le flou économique qui entoure leurs prochaines négociations commerciales. Et c’est plutôt franchement que les différents interlocuteurs ont dégainé leurs inquiétudes. Parmi eux, le Japon a par exemple d’ores et déjà averti qu’il retirerait ses entreprises de voitures et ses banques du Royaume-Uni en cas de Brexit.
Une forme de menace qui s’ajoute au scepticisme d’Obama, de Jinping et consorts et qui ont surtout malmené May lors de son bal diplomatique. Ne sachant plus vraiment sur quel pied danser, elle a donné une conférence le 5 septembre, depuis la Chine, en commençant par écarter une des promesses clé de sa récente campagne. Il n’y aura pas au Royaume-Uni de système immigration « à l’australienne », évaluée par un dispositif de points qui prend en compte l’expérience professionnelle, les qualifications et les compétences linguistiques des travailleurs qualifiés. Promue par Boris Johnson notamment, la mesure était l’un des arguments de poids de la campagne du Leave avant le référendum du 23 juin. Tout comme l’était le renflouement du NHS (pour National Health Service, ndlr), le système de santé publique du Royaume-Uni, qu’a également mis sous conditions la nouvelle première ministre. Et comme il fallait bien dire la vérité devant le monde entier, Theresa May a également tenu à indiquer que l’économie de son pays s‘apprêtait à vivre « des temps difficiles ».
Si la première ministre a également affirmé qu’elle tenait en respect le vote des 3,5 millions de Britanniques qui ont voté lors du référendum en juin, on ne sait plus très bien si « Brexit means [encore] Brexit ». Au pays, beaucoup sont d’avis que Theresa May est en train de se dégonfler. Un sentiment d’abandon qui s’ajoute à la perplexité d’une grande partie du peuple britannique qui, semble-t-il, ne sait plus vraiment si son pays doit quitter l’UE. Preuve en est, cette pétition signée à ce jour par plus de 4 millions de personnes qui appelle à l’organisation d’un second référendum. Autre indication : une récente étude menée par la BBC qui souligne que 43% des citoyens âgés de 18 à 34 ans émettent le souhait de quitter leur pays.
« Le Royaume-Uni est devenu raciste »
Colin, lui, a déjà préparé sa valise pour les Pays-Bas. À 33 ans, ce jeune entrepreneur de Manchester pense quitter le Royaume depuis un bout de temps. Et si le Brexit n’est pas la raison principale de son départ, il l’a définitivement convaincu de s’établir ailleurs. « La campagne autour du référendum fut pour moi la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Aujourd’hui, le pays est devenu raciste. Le vote en faveur du Brexit m’a juste donné le déclic suffisant pour me décider », explique-t-il. C’est aussi ce qui a convaincu Gomitre de tout faire pour s’installer en France. À 25 ans, cet étudiant né à l’Ile Maurice a passé 12 ans au Royaume-Uni. Suffisamment pour connaître « le racisme, le bizutage et le peu de gens ouverts d’esprit ». « Avec le Brexit, ces éléments se sont amplifiés. C’est juste plus possible », souffle-t-il. En tant que millennial, Gomitre tient aussi à avancer une autre raison fondamentale à son proche départ : le coût de l’éducation. Quand une année d’étude en France ou en Allemagne est souvent quasiment gratuite, une pige en master au Royaume-Uni coûte 9 000 euros. « J’aimerais voyager un peu en Europe. La France, l’Allemagne...on verra. Mais ce qui est sûr, c’est que je quitte le pays à la fin de l’année. »
Quoi qu’il en soit, ni Colin ni Gomitre ne laisseront trop de sentiments derrière eux. Malgré le flou qui entoure l’application stricto sensu du référendum sur le Brexit, aucun d’entre eux ne pensent que Theresa May retournera sa veste. Pour Colin, « ce serait super que l’on reste dans l’UE mais malheureusement, c’est très peu probable avec le gouvernement en place ainsi que l’hystérie xénophobe qui flotte sur le pays en ce moment ». « C’est vrai que 48% des gens qui ont voté Remain sont en colère mais franchement, je n’ai pas l’impression que les manifs et les meetings changent quelque chose », souligne Gomitre. Du coup, au moins pour ceux qui ne l’aiment plus, le futur du Royaume-Uni semble aussi triste qu’un bal diplomatique sans cavalier. « On peut penser qu’après les dégâts sur notre économie, nos investissements, nos emplois... les gens viennent à penser que le Brexit est une terrible erreur. Mais au Royaume-Uni, il ne faut pas s’attendre à ce que les gens changent. Les Britanniques vont rester camper sur leurs positions même s’ils savent qu’elles détruisent le pays et les perspectives des jeunes », termine Colin. Alors, têtue Mrs May ?