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Brexit : big bang linguistique ?

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Bruxelles

Alors que les chefs d’Etats et de gouvernement vont se réunir ce week-end pour amorcer le processus de Brexit, une question se pose à l’Union Européenne sur son fonctionnement futur.  Avec la sortie du Royaume Uni de l’UE, la langue anglaise pourrait perdre son statut de langue officielle de l’Union. Quelles conséquences pour les institutions, leur travail et les citoyens ?

Si Malte et l’Irlande parlent majoritairement anglais, seul le Royaume-Uni en a fait sa langue officielle auprès de l’Union Européenne. Les deux pays ont respectivement choisi le maltais et le gaélique lors de leur entrée dans l’UE. Bien que l’anglais soit la langue majoritairement utilisée dans les institutions et dans la bulle européenne, avec le Brexit, elle sera celle d’aucun Etat membre. 

La lingua franca européenne

Une simple promenade dans le quartier européen de Bruxelles suffit pour s’en convaincre : l’anglais est partout. Si chaque institution choisit les langues dans lesquelles elle travaille, l’anglais reste grandement privilégié. Depuis l’élargissement de 1995, l’anglais est devenu la première des trois langues de travail que compte la Commission européenne (français, anglais, allemand). Alors qu’en 1997 le français et l’anglais étaient équivalents, avec 45% des pages de travail publiées en anglais contre 40,5% en français, l’écart s’est depuis creusé. En 2013, 81% des travaux écrits de la Commission étaient en anglais, pour 4,5% en français et 2% en allemand. Au Parlement, le constat est le même. L’institution travaille officiellement dans les 24 langues officielles de l’Union, mais l’anglais reste numéro 1. En 2012, l’anglais a été parlé pendant 129 heures lors des sessions plenières, contre 76 heures pour l’allemand et 38 pour le français.

Un chamboulement du travail européen

L’Union européenne est le premier employeur mondial de traducteurs et interprètes avec environ 7000 personnes travaillant dans ce domaine. Avec 24 langues officielles, 526 combinaisons de langues sont possibles, et toutes ne sont pas facilement réalisables. Dans ce cas, une langue intermédiaire, dite pivot, est utilisée lorsque la langue minoritaire doit être traduite dans une autre langue mineure. Vous l’aurez deviné, l’anglais est la première langue utilisée dans ce cas. L’impact de l’abandon de l’anglais par les institutions européennes serait énorme aussi bien sur le travail des institutions que sur leurs fonctionnaires. Les habitudes de travail seraient bouleversées, de nouvelles personnes, capables de travailler dans les autres langues officielles, devraient être engagées, et les services de traduction et d’interprétation seraient chamboulés tant dans leur travail quotidien qu’en termes de personnel.

Le travail de l’Union ne concerne pas uniquement les institutions, mais aussi des milliers d’entreprises qui gravitent autour d’elle, dans la bulle européenne. Avec entre 15.000 et 20.000 lobbyistes et 5.590 représentations d’intérêts, Bruxelles est la deuxième ville mondiale derrière Washington en termes de lobbying. Les échanges entre les institutions et les représentations d’intérêts (qu’ils soient privés ou publics) se font presque exclusivement en anglais. 

Et les citoyens dans tout ça ?

Si tous les documents de travail des institutions doivent être traduits dans l’ensemble des 24 langues officielles que compte l’UE, c’est rarement le cas. Nombreuses sont les pages web du site europa.eu disponibles qu’en quelques langues, et parfois même uniquement en anglais. Retirer l’anglais des langues officielles soulève dès lors la question de l’accès des citoyens européens au travail des institutions. Selon une enquête Eurobaromètre, l’anglais est la première langue étrangère parlée en Europe (que ce soit pour les connaissances élémentaires comme pour la capacité à comprendre un article ou à tenir une discussion). L’anglais est même la seule langue à être dans les 3 premières langues étrangères maîtrisées dans chacun des Etats membres de l’UE. Aucune langue ne semble en mesure de se substituer à l’anglais aussi efficacement.

Alors que l’Union Européenne doit faire face aux montées des nationalismes et de l’euroscepticisme, doit-elle creuser le fossé entre elle et ses citoyens en cessant d’utiliser la première langue étrangère parlée par eux ? Au niveau interne des institutions, à l’heure où l’action de l’UE est attendue sur de nombreux sujets complexes, ne plus utiliser une lingua franca risque de ralentir le travail européen.