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Bon baisers de Budapest : visite guidée par un SDF

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Story by

sgarthoff

Translation by:

Coline Eberhard

Société

Pour qui souhaite découvrir Budapest sous un angle atypique, pourquoi ne pas se laisser guider par ses sans-abri à travers les squats et l'histoire sociale de la ville ?

C'est au Fogashaz, l'un des innombrables bars en ruine du quartier juif de Budapest, que se réunit le groupe. Un circuit touristique tout à fait original, qui passe même par le salon de quelques uns de ses habitants. Le tour se déroule en plein air, il est mené par Attila Takàcs, 52 ans, moustachu à la gueule burinée, diplômé en informatique – et SDF.

Combien de SDF vivent à Budapest ? Personne ne le sait vraiment. Les statistiques officielles s'accordent sur 1600. Pour la fondation Menhely (Asile), il s'agirait en revanche d'un nombre à 5 chiffres. Cette fondation distribue la soupe populaire et assure des toits pour la nuit. C'est elle aussi qui met en place, chaque année, 4 à 5 tours guidés avec des sans-abri pour guide.

A moitié légal

Notre petite troupe d'une dizaine de têtes se met en marche. On traverse la rue, puis les Halles, entre Akacfa Utca et Klauzal Ter. Première halte. Attila nous montre un bâtiment tout de brique, qui se tient devant nous, vide. Imposant. Rien à voir avec les habituels monuments touristiques.

« Moitié légal, moitié illégal, voilà ce qu'il en est », résume Attila. Des sans-abri avec d’autres, bien logés, avaient fait de ce bâtiment leur QG. Comme dans tout bon squat, ils y organisèrent des expos et des concerts, attirant un chouette public bariolé. Des cours de soutien en anglais, en espagnol ou encore en histoire y furent dispensés à destination des jeunes du quartier les plus défavorisés, qui auraient sinon, selon Attila, glandé sur la place Klauzal. « C'était tout simplement le paradis », s'extasie-t-il.

Et pourtant, tout ceci était à peine légal. Le bâtiment étant une propriété privée, il a fallu quitter les lieux. Pour attirer l'attention sur la situation, des sans-abri et des sympathisants ont occupé un autre immeuble vide, dans le centre ville. L'action s’est terminée par une évacuation policière.

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Le tour se poursuit Place Blaha Luiza, l'un des grands carrefours routiers de la ville. La place fait office de lieu de mémoire pour les SDF de la capitale. Lorsque la MAV, la société de transport municipale, a fermé les passages piétons souterrains en 1989, c'est là qu'ils se sont retrouvés pour manifester, assis en cercle. La fondation Menhely est également née à ce moment là, elle a d'ailleurs apposé une plaque dans les tunnels, commémorant le blocage par les SDF.

Les SDF ne sont pas bien vus dans ces lieux si centraux, et les sommités de la ville ne cessent d'entreprendre des actions à leur égard. En 2010, après 20 ans de gouvernance libérale, Istvan Tarlos arrive à la mairie de Budapest. Il est membre du parti conservateur de droite Fidesz, parti qui obtint la majorité aux deux-tiers du Parlement voilà deux ans, parti qui depuis chamboule tranquillement le pays à sa guise.

Paysage urbain, paysage sans SDF

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La capitale elle-même n'est pas épargnée par les actions du nouveau gouvernement. Les noms des rues ont été changés en un temps record. Et les catégories de population visibles en centre-ville ont été sélectionnées. Les sans-abris ont peu à peu quitté Budapest même, disparaissant d'abord des stations de métros, puis des places publiques.

Car celui qui dort sur un banc, ou qui vagabonde, s'expose à une amende approchant les 500 euros. Une somme stupéfiante quand on sait que même un Hongrois moyen ne peut la rassembler sans emprunt. Les instances officielles ont ainsi atteint leur but, aucune alternative n'étant proposée à l'amende. Les sans-abri s'en sont allés. La plupart du moins.

Pas de chance

SDF. Ce qui ne signifie pas vivre exclusivement dans la rue. Attila travaille en effet bénévolement pour une petite station de radio, il y est présent selon le besoin technicien ou rédacteur. La rédaction abrite aussi sa couchette. Lorsqu'on lui fait remarquer qu'en fait il n'est pas sans-abri, il réagit abruptement : « Un studio de 10m², ce n'est pas vraiment ce que je décrirais comme une habitation. »Des temps plus durs, il en a pourtant connu, il ne le sait que trop bien. Il a suffi de quelques mauvaises décisions concernant ses affaires pour lui prendre en un mois et demi tous ses moyens de subsistance. Il a vécu dans la rue 6 mois durant, dont un hiver très dur. Chaque année à Budapest, de nombreux SDF sont emportés par le froid et le gel.

Ensuite – dernière étape de la visite - Attila nous parle des actions de la municipalité. Nous nous tenons devant un supermarché au coin du périphérique et de Wesselenyi Utca. Atilla pointe le système d'évacuation du chauffage au sol. « Afin que personne ne puisse s'allonger par là, ils ont boulonné un conduit supplémentaire en hauteur ». Les foyers de la capitale fournissent un asile à quelques uns. Mais pas vraiment à tout le monde. « Tout le monde attend en file indienne, et celui qui n'a pas eu de place, et bien pas de chance pour lui. »

Les visites  par les sans-abri sont organisés à intervalles irréguliers. Une inscription est requise à cette adresse : www.menhely.hu. A la demande, ils peuvent également être traduit en anglais ou en allemand. Le tour en lui-même est gratuit, un don/pourboire restant bienvenu.

Toutes photos : ©Daniel Kaldori/kaldori.com

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Translated from Mit Obdachlosen durch Orbans Budapest